Intervention de Jean-Yves Le Drian

Réunion du 9 février 2021 à 14h30
Opération barkhane : bilan et perspectives — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai à cet instant une pensée particulière pour Jean-Marie Bockel, comme beaucoup d’entre vous.

Voilà huit ans, monsieur le président Cambon, que nous avons – pour ma part, dans des fonctions différentes – un dialogue au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur la situation au Sahel. C’est un dialogue franc, confiant et exigeant. Au début, nous l’avions toutes les semaines. Par la suite, il a eu lieu tous les mois. Je le précise à l’attention de M. Gontard, je me suis toujours efforcé de me présenter régulièrement devant la commission pour répondre à ses questions – je crois que tout le monde peut en témoigner.

Cet engagement nécessite effectivement une transparence la plus totale sur nos avancées, nos reculs, nos interrogations. C’est pourquoi, comme Mme Parly, d’ailleurs, je crois n’avoir jamais manqué l’un de ces rendez-vous.

Je me réjouis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que ce dialogue se poursuive aujourd’hui en séance plénière. J’estime en effet que la représentation nationale et, à travers elle, nos concitoyens doivent savoir ce que nous faisons au Sahel, pourquoi nous le faisons, avec qui nous le faisons et selon quelle stratégie. C’est d’autant plus important que l’on assiste, depuis plusieurs mois, à une montée très préoccupante des manipulations de l’information au Sahel et à propos du Sahel. Si ces manipulations sont avant tout destinées à alimenter sur place un sentiment antifrançais, que certains acteurs tentent d’instrumentaliser à des fins politiques, elles risquent aussi de venir brouiller la perception de notre action ici même, en France. Notre responsabilité commune – j’ai bien senti dans toutes les interventions que nous nous retrouvions sur ce point – est de ne pas laisser ce piège se refermer sur l’opinion publique française, qui mérite de pouvoir juger à partir des faits.

Ce débat est donc bienvenu. Il porte au premier chef sur le bilan et les perspectives de l’opération Barkhane. Toutefois, de mon point de vue – et, si je suis ici aux côtés de la ministre des armées, c’est que vous partagez ce constat –, on ne saurait traiter ces questions sans prendre en compte l’ensemble de l’architecture dans laquelle cette opération s’insère désormais, une architecture que nous avons patiemment bâtie au fil des années avec nos partenaires sahéliens, européens et internationaux.

La création du G5 Sahel en 2014, la mise en place de sa force conjointe en 2017, celle de l’Alliance Sahel la même année, le lancement du Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel, parfois appelé P3S, en 2019 et, enfin, la création de la Coalition pour le Sahel l’an dernier sont autant de jalons décisifs dans un double mouvement d’internationalisation de la lutte contre la menace terroriste au Sahel et de définition d’un cadre global et intégré pour apporter à cette crise complexe, non seulement les réponses du court terme, celles de l’action militaire et de la stabilisation, mais aussi les réponses du temps long, celles de la négociation politique et du développement. Ce double mouvement montre que, depuis huit ans, les lignes ont considérablement bougé au Sahel, en dépit des polémiques sur un enlisement français dans cette région, polémiques qui, elles, n’avancent guère.

Dire cela, ce n’est pas nier l’importance ou le sens de l’engagement de nos soldats au Sahel. C’est évidemment ne rien retrancher à la valeur du sacrifice – souligné par les uns et les autres à cette tribune – de celles et ceux qui sont tombés. C’est au contraire affirmer que l’opération Barkhane a été le socle sur lequel ce vaste dispositif a pu se construire et qu’elle continue de jouer ce rôle aujourd’hui, bien que la charge soit désormais mieux distribuée entre nous et nos partenaires.

Permettez-moi de pointer trois malentendus qui planent encore trop souvent sur les discussions que nous pouvons avoir sur le Sahel, dont, j’espère, nous saurons nous garder aujourd’hui – vous l’avez fait jusqu’à présent, j’ai pu le constater en vous écoutant.

Le premier de ces malentendus tient à une forme d’amnésie qui pourrait conduire à penser, si vous me permettez l’expression, que ce qui se passe au Sahel n’est pas notre affaire.

Comme d’autres l’ont fait avant moi – le président Cambon, Jean-Marc Todeschini, Jean-Noël Guérini ou encore Bruno Retailleau –, je veux rappeler les raisons de notre engagement, d’abord dans le cadre de l’opération Serval, puis dans le cadre de l’opération Barkhane.

Comme vous le savez, en 2012, le Mali se trouvait au bord de l’effondrement : effondrement politique, à la suite d’un coup d’État du capitaine Sanogo, qui a renversé le régime de Toumani Touré et conduit à la présidence par intérim de Dioncounda Traoré ; effondrement sécuritaire, puisqu’une alliance de groupes terroristes affiliés à Al-Qaïda occupait le nord du pays jusqu’à Tombouctou, où ces groupes avaient entrepris de soumettre la population locale à la charia et de détruire des mausolées classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Ils se préparaient à prendre d’assaut la capitale du Mali, Bamako.

Cet effondrement aurait été une véritable catastrophe, non seulement pour la population malienne, qui aurait été condamnée à vivre sous la loi d’un califat islamique implacable, mais également pour nous, en France et en Europe, puisque ce califat aurait pu servir de sanctuaire aux djihadistes ; un sanctuaire où attirer des combattants en provenance de l’étranger, un sanctuaire d’où il aurait été possible de projeter des attaques vers l’étranger. Je vous rappelle que, un an et demi plus tard, au Levant, d’autres djihadistes, toujours de la même obédience, proclamaient l’instauration d’un proto-État totalitaire, le pseudo-califat de Daech.

Nous avons donc eu raison, chacun l’a souligné, de prendre cette menace très au sérieux et nous avons eu raison d’agir très vite en lançant l’opération Serval dès janvier 2013, à la demande des autorités maliennes, du Président Traoré, à l’époque Président de transition du pays.

Cette opération a réussi : elle a porté un coup d’arrêt à la progression des djihadistes vers le Sud et a permis de libérer les régions du Nord. Sur le plan politique, cette opération a aussi permis le retour d’un processus démocratique avec l’élection du Président de la République du Mali, laquelle s’est déroulée dans de bonnes conditions.

Mais, parce qu’ils avaient été défaits au Mali, nos adversaires sont passés d’une stratégie d’implantation locale que je serais tenté d’appeler « stratégie d’occupation territoriale » à une stratégie de déstabilisation régionale. Si bien que la menace terroriste s’est étendue à l’ensemble du Sahel. C’est pourquoi, en août 2014, nous avons lancé l’opération Barkhane afin de nous donner les moyens de limiter leur liberté de mouvement en intervenant à l’échelle de la région tout entière avec nos partenaires locaux, à la demande des États concernés, mais aussi avec l’accord de la communauté internationale puisque toutes ces actions ont été initiées après avoir été validées par les Nations unies.

Le deuxième malentendu tient, justement, à une forme de myopie qui pourrait conduire à voir le Sahel comme une affaire franco-française, pour ne pas dire une obsession française, comme on l’entendait naguère. Ce n’est pas le cas : les 5 100 femmes et hommes de Barkhane ne sont pas seuls sur le terrain.

La sécurité du Sahel, c’est évidemment d’abord l’affaire des États du Sahel, et notre stratégie a toujours consisté à appuyer la montée en puissance de leurs armées nationales et de la force conjointe – la ministre des armées y reviendra tout à l’heure –, parce que c’est le levier de leur future sécurité. De fait, nous n’avons pas vocation à rester là-bas pour l’éternité. Il faut donc faire en sorte que ces outils se construisent progressivement : c’est ce que nous faisons.

Si nous ne sommes pas seuls, c’est aussi parce qu’il y a eu une prise de conscience européenne – sans doute tardive. Je pense que l’Europe s’est rendu progressivement compte que, le Sahel, c’était la frontière sud de notre continent – je remercie le président Retailleau de l’avoir indiqué. La sécurité du Sahel engage donc la sécurité des Européens. Il est vrai que nous avons été les premiers à en saisir toutes les implications, mais nos partenaires européens sont désormais au rendez-vous. Ils le sont avec la force Takuba, qu’évoquera Mme la ministre des armées ; ils le sont en appuyant la force conjointe de manière significative pour financer les équipements ; ils le sont dans le cadre des missions de formation EUTM et EUCAP ; ils le sont aussi dans le cadre de la mobilisation internationale autour de la mission de maintien de la paix des Nations unies, la Minusma.

J’ajoute que, année après année, nos alliés britanniques, américains et canadiens contribuent progressivement, de manière de plus en plus significative, à renforcer cette présence. En dépit du Brexit, l’engagement des Britanniques n’a pas cessé.

Enfin, troisième malentendu : on pourrait déplorer qu’une certaine forme d’impatience tende parfois à fausser l’appréciation de notre engagement au Sahel, comme si nos récents succès militaires pouvaient à eux seuls suffire à assurer le retour de la paix. Or, on le sait bien, le règlement de cette crise sera obligatoirement politique.

Soyons clairs entre nous : si le Sahel est depuis huit ans en proie à un tel degré d’instabilité et de violence, c’est en raison des fragilités considérables auxquelles doit faire face cette région, lesquelles ne pourront se résorber qu’étape après étape. La clé du succès, c’est donc la mise en œuvre d’une approche globale et intégrée de la crise. Tel est le sens de la Coalition pour le Sahel, dont l’architecture, telle qu’elle a été définie au sommet de Pau du mois de janvier de l’année dernière avec les pays du G5 Sahel, s’appuie sur quatre piliers prioritaires, mais indissociables : la lutte contre le terrorisme ; le renforcement des capacités des forces armées sahéliennes ; le soutien au déploiement de l’État, des administrations territoriales et des services de base et la reconquête par les États de leur propre territoire ; le développement.

Cette coalition est une avancée considérable dans l’internationalisation du traitement de la crise sahélienne. Désormais, 45 organisations internationales et pays du monde entier – jusqu’au Japon, qui vient de nous rejoindre – sont déterminés à agir ensemble autour des États du G5 Sahel pour la sécurité et l’avenir des populations de la région. C’est une structure conçue dans un souci de pragmatisme, d’agilité. C’est un multilatéralisme nouveau, une sorte de consensus en acte de la communauté internationale, comme l’on dit, sur cet enjeu. Si bien que, un an après le sommet de Pau, le secrétariat de cette coalition est en train de s’installer à Bruxelles, pour en montrer la dimension internationale.

Les premiers résultats sont là : Mme la ministre des armées évoquera les deux premiers piliers ; quant à moi, je dirai un mot des deux autres, dont l’administration que j’ai l’honneur de diriger a la responsabilité d’assurer le pilotage dans le cadre de la politique de stabilisation – c’est le troisième pilier – et de développement – c’est le quatrième pilier.

S’agissant du troisième pilier – le redéploiement des États et de leurs services –, des progrès, certes lents, sont en cours.

Ainsi, nous enregistrons des progrès dans le domaine de la sécurité intérieure, notamment grâce à la création d’unités mobiles qui travailleront à consolider le contrôle des territoires arrachés à l’influence des djihadistes pour rétablir la présence de l’État dans les territoires ainsi libérés – c’est le cas en ce moment même au centre du Mali, où nous menons cette expérimentation.

Nous enregistrons également des progrès dans le renforcement de la chaîne pénale et dans la lutte contre l’impunité, l’un des engagements que nous avons pris en commun à Pau. L’appui apporté aux autorités judiciaires dans le traitement des dossiers du terrorisme a permis, par exemple, en octobre dernier, la tenue du procès des auteurs des attentats de la Terrasse et du Radisson Blu à Bamako. Ces progrès dans la lutte contre l’impunité sont réels, mais ils sont encore insuffisants. En la matière, nous poussons les pays du Sahel à assumer pleinement leurs responsabilités et à faire toute la lumière sur les allégations d’exactions lorsqu’elles se produisent.

Enfin, nous enregistrons des progrès, s’agissant toujours de ce troisième pilier, dans la mise en œuvre du redéploiement dans les zones libérées des administrations et des services de base, comme l’éducation, la santé ou encore l’état civil. Par exemple, dans la zone cruciale des trois frontières – plusieurs d’entre vous en ont parlé –, qui est effectivement l’épicentre de la crise et qui concentre les fragilités faisant le creuset du terrorisme, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a engagé 16 millions d’euros en soutien à des projets d’urgence pour faire en sorte, immédiatement après la reconquête d’un territoire, non seulement que l’État soit de nouveau présent, mais également que des actions très concrètes soient mises en œuvre pour que chacun se rende compte que la donne a changé et que, lorsque les groupes s’en vont, il est apporté le plus rapidement possible une réponse aux besoins humanitaires. Il faut d’abord déminer, en même temps construire des écoles ou des centres de santé, il faut faire en sorte que les lieux où s’exerce symboliquement et concrètement l’autorité de l’État soient réhabilités et il faut aussi immédiatement mettre en place un accès minimal à l’eau et à l’électricité.

Sur ces projets d’urgence, que nous partageons d’ailleurs avec d’autres acteurs européens, il n’a pas été fait assez jusqu’à présent. Cependant, me semble-t-il, une évolution très positive est en train de se dégager.

Puis, parallèlement, vient le temps du développement. Il ne compte pas moins pour rendre des perspectives d’avenir aux populations, pour traiter en profondeur les fragilités et pour inscrire le retour à la stabilité dans la durée. C’est pour cette raison que nous avons contribué à créer, en 2017, avec l’Allemagne et l’Union européenne, l’Alliance Sahel. Celle-ci regroupe aujourd’hui 24 partenaires et supervise près de 870 projets, pour un montant de 20 milliards d’euros avec un effort de concentration sur les zones les plus sensibles et les plus fragiles.

Nous sommes évidemment très impliqués dans l’Alliance Sahel, qui tiendra d’ailleurs son assemblée plénière lundi matin à N’Djamena, avant le sommet des chefs d’État du G5 Sahel. Cette implication de la France est marquée par une augmentation depuis cinq ans de plus de 30 % de notre aide publique au développement au Sahel. Comme le président Cambon y a fait allusion, cette aide sera consolidée dans le cadre du projet de loi relatif au développement solidaire, qui sera soumis, je le pense, avant l’été au Parlement.

Pour répondre au président Retailleau, j’indique que l’Agence française de développement a octroyé 480 millions d’euros aux pays du G5 Sahel et décaissé 350 millions d’euros en un an pour accélérer la mise en œuvre des projets qu’elle finance dans le secteur de l’eau, de la santé et de l’éducation, domaines absolument stratégiques, ainsi que l’a souligné M. Guerriau, dans la mesure où les moins de 30 ans représentent aujourd’hui 65 % de la population au Sahel.

Nous obtenons des résultats grâce à cette action : la scolarisation dans les écoles primaires de plus de 200 000 jeunes Nigériens ; la réhabilitation de plus de 1 800 classes au Mali ; la distribution de 40 000 manuels scolaires au Tchad. Je pourrais poursuivre les exemples attestant cette réelle mobilisation.

Se battre pour l’éducation, c’est aussi se battre contre l’obscurantisme et faire en sorte que les filles et les garçons du Sahel aient plus tard la liberté de choisir leur avenir. C’est donc encore une manière de combattre la menace terroriste, à l’image de tous les combats en faveur de la stabilisation et du développement engagés par la France, les Européens et la communauté internationale au Sahel.

Quand plus de 5 millions de personnes retrouvent un accès à des services d’approvisionnement en eau, quand 3 millions de personnes bénéficient d’une assistance alimentaire, quand on propose à des centaines de milliers de femmes une méthode de planning familial dans une région en proie à une croissance démographique exponentielle – vous le savez, le Niger, par exemple, qui compte aujourd’hui 22 millions d’habitants, devrait compter, selon sa trajectoire démographique actuelle, 50 millions d’habitants en 2050, c’est-à-dire demain –, c’est une manière d’anticiper les risques auxquels pourraient être confrontées les prochaines générations, mais c’est aussi un combat indirect contre le djihadisme.

Le sommet de N’Djamena va permettre d’aller plus loin dans ces différentes voies, en particulier sur ce qui concerne les deux derniers piliers. Si le sommet de Pau a été le sommet du sursaut militaire, le sommet de N’Djamena doit être le sommet du sursaut diplomatique, du sursaut politique et du sursaut du développement afin de consolider les résultats des derniers mois. En tout cas, c’est ce que nous proposerons à nos partenaires.

D’abord, le sommet de N’Djamena doit être un sursaut diplomatique pour renforcer la coordination entre les pays du G5 Sahel et les pays riverains du golfe de Guinée afin d’enrayer l’extension de la menace terroriste vers leurs territoires. C’est fondamental. Cette prise de conscience a lieu : le Président du Ghana a pris l’initiative dite « d’Accra », qui vise à conforter la relation particulière entre la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et le Ghana pour solidifier la sécurisation du nord de ces pays. Cette initiative doit déboucher sur un accord opérationnel avec les pays du Sahel directement concernés et permettre de renforcer la protection des frontières nord de ces pays. Ce somment doit également être un sursaut diplomatique pour renforcer la coopération des pays du Sahel avec l’Algérie et le Maroc et pour faire le lien avec la question libyenne.

Ensuite, le sommet de N’Djamena doit être un sursaut politique. S’agissant du nord du Mali, les conditions d’un règlement politique de la crise sont connues depuis longtemps.

Monsieur le sénateur Laurent, je ne suis pas favorable à ce qu’on reconsidère l’accord d’Alger. Cet accord, signé en 2015 au terme d’un processus de consultation mené sous l’autorité du ministre Lamamra, a permis de créer le cadre dans lequel il est désormais possible d’avancer politiquement. Le problème, c’est qu’il n’y a jamais eu de volonté politique pour le faire aboutir.

L’accord d’Alger prend acte de la nécessité de mettre en place de nouvelles institutions locales, d’une meilleure représentation des populations du Nord au sein des instances nationales, dans le respect de l’unité et de l’intégrité du Mali évidemment, d’une refonte de l’armée malienne pour y intégrer des combattants des mouvements armés du Nord et d’un effort considérable de développement de ce même Nord.

Maintenant, il faut passer aux actes, mais cette interpellation vaut pour ceux qui siègent au comité de suivi des accords d’Alger, en particulier les acteurs de la zone, singulièrement ceux du Mali : je pense à la nécessité de réinstaller l’armée malienne reconstituée à Kidal ; je pense à la poursuite du processus de désarmement-démobilisation-réintégration des ex-combattants ; je pense à la mise en œuvre des projets du Fonds de développement durable. À cet égard, l’annonce que viennent de faire les autorités algériennes d’une réunion, à Kidal, le 11 février, du comité de suivi des accords, attendue depuis très longtemps, est un signe positif et devrait nous permettre d’avancer singulièrement sur ces questions.

Cet accord est fondamental aussi parce qu’il établit une distinction politique claire entre les groupes armés signataires et les groupes terroristes. Ainsi, les premiers, parmi lesquels le MNLA, que vous avez cité, monsieur Laurent, acceptent d’inscrire leur action dans le cadre de l’État malien et sont d’ailleurs représentés dans le gouvernement provisoire actuel. Les seconds, quant à eux, j’y insiste, sont des terroristes dont l’objectif déclaré est de mettre à bas l’État malien. On ne négocie pas avec des terroristes, on les combat !

Il est également essentiel que la transition civile au Mali soit menée à bien. Là aussi, les engagements doivent être tenus. Dans un délai maximum de quinze mois, des élections crédibles doivent se tenir et l’ordre constitutionnel doit être rétabli.

Enfin, il est impératif que les demandes de réformes de la population malienne soient entendues, notamment en matière de gouvernance, de lutte contre l’impunité et de refonte du cadre et d’engagement face aux défis sécuritaires.

Nous allons également proposer que N’Djamena soit le moment du sursaut de la stabilisation et du développement, pour gagner encore en réactivité et en efficacité face aux défis du long terme. Cela passe par une prise de responsabilité des États du G5 Sahel, appuyée par une meilleure coordination de l’aide de leurs partenaires internationaux, car, aujourd’hui, je dois le dire, la coordination et, surtout, la territorialisation de l’aide ne sont pas satisfaisantes. Il faut donc ouvrir davantage d’écoles, recruter davantage d’enseignants, créer et faire vivre davantage de dispensaires. Ces pistes concrètes seront au centre de nos échanges.

Nous voulons aussi tirer profit du sommet de N’Djamena pour confirmer la relance que nous avons initiée du projet de grande muraille verte. Cette relance a eu lieu lors du One Planet Summit de janvier, événement qui a permis de mobiliser près de 14 milliards d’euros de financements internationaux – sans compter les 20 milliards d’euros que j’ai évoqués précédemment – dans 11 pays concernés d’ici à 2025. Verdir le Sahel, lutter contre la désertification, c’est aussi travailler à ramener la paix dans la région.

Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, telles sont les perspectives que nous entrevoyons dans les discussions qui vont avoir lieu à N’Djamena. J’observe que, à ce sommet, en plus des pays du G5 Sahel, seront représentés les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, dont le Portugal assure la présidence du Conseil, d’autres pays très actifs dans la zone tels que l’Allemagne et l’Espagne, au titre de sa présidence de l’Alliance Sahel, ainsi que nos partenaires britanniques, américains et canadiens au sein de Barkhane, l’Algérie, le Maroc, l’ensemble des Européens engagés dans la task force Takuba. C’est donc une petite communauté internationale qui se réunit à N’Djamena pour continuer à la fois la lutte contre le terrorisme et permettre de tracer les chemins de la paix pour l’ensemble des populations du Sahel, meurtries depuis maintenant de nombreuses années, et leur redonner de l’espoir. Tout cela dans un contexte qui nous permettra, je l’espère, d’avancer.

Ce débat a permis de clarifier nos engagements et d’adresser, je le pense, aux populations du Sahel un message d’amitié et de soutien.

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