Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 9 février 2021 à 14h30
Sécurisation de la procédure d'abrogation des cartes communales — Vote sur l'ensemble

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Sophie Primas, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi à mon tour de remercier M. Rémy Pointereau, l’auteur de cette proposition de loi, ainsi que l’ensemble de la commission des affaires économiques, de nous donner l’occasion de nous retrouver pour ce débat consacré aux cartes communales et aux POS, ces sujets essentiels pour l’urbanisme, tout particulièrement dans les zones rurales.

Progressivement, les outils de l’urbanisme se sont en effet enrichis pour dépasser la seule utilisation du sol et devenir des éléments stratégiques de définition et de mise en œuvre de projets de territoire ambitieux et équilibrés, intégrant à la fois les enjeux d’aménagement urbain, d’architecture et de paysage, de mixité sociale et de transition écologique.

Aujourd’hui, les collectivités territoriales se sont approprié ces outils. Elles les utilisent pour construire des stratégies et des projets sur mesure adaptés aux réalités de leurs territoires et à leurs ambitions.

Elles disposent aussi d’une palette d’outils, du plus simple au plus sophistiqué, en fonction de l’ambition du projet de territoire : nombre d’entre elles ont un PLU ou un PLUi ; pour certains territoires, notamment ruraux, les cartes communales, voire le RNU, peuvent être suffisants, avec des procédures plus simples.

Avec l’augmentation des ambitions de leurs projets de territoire, les collectivités passent progressivement du RNU et des cartes communales au PLU ou au PLUi. Ainsi, depuis les années 2000, les POS ont progressivement laissé la place aux PLU.

Il faut naturellement faciliter ces procédures et lever les incertitudes pour les collectivités, faute de quoi l’on risque de créer de l’insécurité juridique et de bloquer les projets des citoyens. Je vous rejoins sur ce constat, monsieur le rapporteur.

C’est pour remédier à cette situation, cher Rémy Pointereau, que vous avez voulu revenir sur les règles applicables aux cartes communales et les conditions dans lesquelles devrait se faire la transformation des POS en PLU.

Votre article 1er vise ainsi à préciser les règles de procédure applicables aux cartes communales. Mais, comme je l’ai indiqué devant la commission des affaires économiques le 27 janvier, quatre des cinq mesures que vous proposez sont déjà satisfaites.

Je prendrai un seul exemple. Pour abroger une carte communale, l’autorité compétente est évidemment la collectivité qui détient la compétence d’urbanisme. Il ne paraît donc pas nécessaire de le préciser. Vous avez d’ailleurs, monsieur le rapporteur, proposé des amendements pour supprimer certaines des mesures déjà satisfaites.

Je suis persuadée qu’il nous faut éviter de prendre des mesures redondantes. Je sais que cette conviction est très largement partagée, car l’inflation législative et normative complexifie inutilement la loi et, par conséquent, notre vivre-ensemble.

Pour autant, les règles doivent être claires pour tous. À ce titre – c’est une ancienne enseignante qui vous le dit –, la pédagogie réside pour partie dans la répétition. C’est la raison pour laquelle je m’engage à envoyer une nouvelle instruction pour rappeler le cadre juridique existant à nos services déconcentrés, ainsi qu’aux collectivités.

L’une des mesures que vous proposez répond, en revanche, à un réel vide juridique. Il existe en effet une période, de quelques jours à plusieurs mois, durant laquelle la carte communale est abrogée pour laisser place au PLU, alors même que ce dernier n’est pas encore en vigueur.

Je me suis d’ores et déjà engagée en commission à régler ce problème, qui relève cependant d’un décret, et non de la loi. Ce projet de décret, monsieur le rapporteur, est déjà en cours de finalisation et pourra être pris assez rapidement. Soyez certain que je vous le ferai parvenir avant sa publication, afin que le Sénat puisse nous faire part de ses remarques. J’en prends l’engagement.

Votre article 2 prévoyait, quant à lui, de prolonger les POS, caducs depuis le 1er janvier 2021. Sur votre initiative, monsieur le rapporteur, la commission n’a pas retenu cette proposition.

Je crois en effet qu’il était temps de procéder au changement, vingt ans après la loi SRU qui prévoyait déjà le remplacement des POS par les PLU.

Les délais ont déjà été plusieurs fois repoussés, jusqu’à la fin 2015, puis fin 2017, puis fin 2019 et, enfin, au terme de l’année 2020. Il y a eu donc une succession de prolongations. Surtout, dans l’intervalle – j’y insiste –, plus de 91 % des POS ont été remplacés par des PLU. Quant aux 530 communes qui sont revenues en 2021 au RNU, 200 ont simplement lancé la procédure, sans passer les premières étapes, dans l’objectif de simplement prolonger leur POS.

Vous avez donc fait le choix, monsieur le rapporteur, de remplacer la prolongation des POS par des mesures visant à empêcher que les projets se retrouvent bloqués dans les territoires.

Je partage cette approche. Avant de décider de ne pas repousser la durée de validité des POS, je me suis évidemment assurée que cela n’aurait pas d’impact négatif sur les projets. Là encore, le droit en vigueur le garantit et permet d’opérer la transition en douceur. Le RNU n’empêche pas les projets dans les zones déjà urbanisées et, au cas par cas, hors des zones déjà urbanisées.

Par ailleurs, les porteurs de projet ont également pu demander des certificats d’urbanisme permettant de conserver les règles du POS pendant dix-huit mois de plus.

Vous avez souhaité compléter ce dispositif par deux mesures pour les communes qui seraient revenues au RNU, auxquelles je ne souscris pas.

Tout d’abord, permettre au préfet de surseoir à statuer sur un permis de construire dans l’attente que le PLU soit approuvé ne serait pas raisonnable. En droit, c’est la commune qui est compétente pour surseoir à statuer. Si je vous avais proposé cette mesure directement, on m’aurait accusée de vouloir recentraliser.

Ensuite, permettre au préfet de déroger au RNU pour tout projet d’intérêt communal afin d’éviter de bloquer certains projets me pose également problème à plusieurs titres. D’une part, cela est contraire au message porté par le Gouvernement au sujet de la lutte contre l’étalement urbain, dont nous mesurons tous les effets écologiques mais aussi économiques et sociaux dans nos territoires. D’autre part, là encore, cela pourrait être vu comme une recentralisation : le RNU permet à la commune de délibérer pour mobiliser des dérogations lorsque l’intérêt général est dûment justifié.

Vous soulevez toutefois un point essentiel portant sur la capacité à mobiliser le droit de préemption urbain lorsque l’on revient au RNU. C’est en effet un outil stratégique pour récupérer les terrains nécessaires, au fur et à mesure de leur vente, en vue de réaliser des opérations d’aménagement. Compte tenu de son impact sur le droit de propriété, il convient de bien l’encadrer, notamment par rapport aux documents d’urbanisme en cours d’élaboration, et pas uniquement sur la base de l’ancien POS, ainsi que vous le proposez dans cette proposition de loi.

Par conséquent, nous réunirons prochainement un groupe de travail sur ce sujet, comprenant des parlementaires et des associations d’élus locaux.

J’ai par ailleurs lancé cette semaine – je m’y étais engagée, monsieur le rapporteur – une enquête auprès des collectivités concernées, par l’intermédiaire des préfets, afin que toute difficulté similaire soit identifiée et puisse être traitée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi a permis de mettre en évidence un certain nombre de difficultés. C’est bien le rôle des assemblées parlementaires, et du Sénat en particulier. Cependant, pour les raisons que j’ai exprimées, il ne m’apparaît pas souhaitable d’adopter le texte en l’état, même si nos positions ne sont pas si éloignées.

Je m’engage à apporter une réponse rapide aux principaux points soulevés.

Tout d’abord, nous rappellerons, d’ici au mois de mars, le cadre applicable à l’abrogation des cartes communales pour éviter toute difficulté de procédure.

Ensuite, nous allons supprimer le vide juridique qui existe entre l’abrogation d’une carte communale et l’entrée en vigueur du PLU par un décret. Nous avons déjà lancé la consultation des collectivités afin qu’elles nous fassent remonter les difficultés concrètes liées à l’abrogation des POS.

Enfin, nous mettons en place un groupe de travail avec les élus pour élargir le droit de préemption urbain pour les communes revenues au RNU. Je vous propose bien sûr, cher Rémy Pointereau, cher Jean-Baptiste Blanc, de participer à ces travaux… mais le Sénat dispose !

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