Intervention de Laurent Burgoa

Réunion du 9 février 2021 à 14h30
Mineurs non accompagnés — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Photo de Laurent BurgoaLaurent Burgoa :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que ce débat puisse avoir lieu au sein de notre hémicycle, tant ce sujet suscite à la fois de vives inquiétudes et des récupérations politiques de toutes sortes.

Il s’agit d’un sujet sensible – c’est heureux qu’il le soit et il faut qu’il le reste ! –, et c’est la raison pour laquelle nous devons l’aborder. Je me félicite que mon groupe en ait pris l’initiative.

Je tiens à remercier Élisabeth Doineau et notre ancien collègue Jean-Pierre Godefroy pour le rapport d’information qu’ils avaient rédigé et qui doit sans nul doute, quatre ans plus tard, être actualisé.

Notre pays peut s’enorgueillir d’être une terre d’accueil, et c’est afin qu’il puisse le demeurer que nous devons être fermes avec ceux qui chercheraient à dévoyer sa politique.

Il faut parfois le rappeler, lorsque nous évoquons les mineurs non accompagnés (MNA), nous parlons avant tout de vies brisées et d’enfants déracinés. Oui, tout enfant privé de son milieu familial, sur notre sol, mérite notre protection. Or certains individus sans vergogne cherchent à bénéficier des moyens qui ne leur sont pas réservés, et nuisent ainsi à la qualité de prise en charge de ces mineurs en grande difficulté.

Cet accueil, qui est d’abord le reflet d’un drame humain, a aussi un coût, 2 milliards d’euros par an, et l’Assemblée des départements de France (ADF) nous alerte sur le fait que près de 70 % de prétendus mineurs ne le sont pas en réalité. Je vous laisse faire le calcul…

Pour pouvoir être à la hauteur de notre idéal, nous devons, sans relâche et de manière concomitante, lutter contre les réseaux qui exploitent cette misère humaine. Certains témoignages au sein des établissements de l’aide sociale à l’enfance (ASE) sont édifiants. En effet, il arrive que le personnel voie plusieurs individus se présenter devant eux avec exactement le même certificat de naissance. Ces individus sans scrupules, avec l’aide de passeurs, cherchent à être identifiés comme mineurs et connaissent parfaitement notre système administratif et ses failles.

Nos départements sont débordés et les coûts imposés sont très supérieurs à la compensation accordée par l’État. Sous l’actuelle présidence, et après des heures de négociation, la participation de l’État est passée de 12 % à 14 %, alors que ces mineurs étaient 4 000 en 2010, contre près de 40 000 aujourd’hui.

J’ai évoqué des coûts « imposés », car le Gouvernement ne fait rien pour y remédier. En effet, certains départements, par idéologie ou par posture politicienne, fragilisent l’ensemble de notre politique d’accueil. La gestion des flux migratoires est une compétence non pas départementale, mais bien régalienne. Il revient désormais à l’État de porter ses responsabilités.

C’est bien l’État qui rend possible qu’un tiers des départements se refusent à renseigner un fichier national recensant les demandes de prise en charge, et permettant ainsi de lutter contre les demandes répétitives et abusives. Aujourd’hui, des individus reconnus majeurs dans un département peuvent en solliciter bien d’autres. D’autant que nos forces de l’ordre se retrouvent dans l’incapacité de savoir si une personne interpellée est mineure ou non, et donc de faciliter sa prise en charge par l’ASE lorsqu’elle est mineure, ou son expulsion du territoire lorsqu’il n’en est rien.

Dans un article publié dans Midi Libre le 7 novembre dernier, le ministre de l’intérieur se désolait qu’il n’y ait pas d’obligation à remplir ce fichier. Heureusement que vous êtes chargé des affaires et que vous disposez d’une majorité à l’Assemblée nationale…

Ces départements handicapent sciemment notre politique d’accueil, et je crains que l’incitation financière née du décret du 23 juin 2020 ne soit pas suffisante.

Une nouvelle fois, il s’agit de décourager des individus qui cherchent à bénéficier d’aides dues à des mineurs en détresse. Pour y parvenir, puisque ces personnes se présentent sous de faux papiers – quand elles ne se présentent pas sans papier –, nous devons pouvoir recourir aux tests osseux qui, bien qu’ils ne soient pas infaillibles, contribuent à établir un faisceau d’indices dont nous ne pouvons pas nous passer en la matière. Prenons le temps, à cet égard, de préciser qu’il s’agit d’une simple radiographie, et que celle-ci peut être refusée.

En somme, nous devons nous préoccuper de la véracité de la situation du demandant. Il importe de constater sa minorité comme son isolement.

En la matière, nous devons nous donner beaucoup plus de moyens. Il y a peu, j’ai eu à solliciter la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (Daaen) de la préfecture du Gard au sujet de l’attribution d’un visa. J’ai pu constater que les services étaient débordés, alors même qu’il s’agissait en l’espèce d’une ressortissante de bonne foi. Faisant ce constat, je ne pouvais que m’interroger, non sans perplexité, sur le suivi susceptible d’être réservé au demandeur dont la majorité avait été établie…

Cette tentation, que certains départements font naître, fait le jeu de réseaux mafieux. En effet, ceux qui sont déboutés, bien qu’étant en situation irrégulière, ne résident pas moins sur le sol français et devront, dans l’attente d’un éloignement, subvenir à leurs besoins. C’est alors que ces réseaux profitent de leur vulnérabilité. Par ailleurs, et c’est peut-être encore plus grave, les enfants bel et bien mineurs n’étant plus suffisamment encadrés, on peut facilement les embrigader.

Les réseaux sont alors doublement gagnants, et j’espère ne pas être le seul à ne pas m’y résoudre. Car cette générosité d’apparat, facile à tenir en discours, nuit à notre capacité d’accueil. Ces enfants – car nous parlons bien d’enfants ! – doivent pouvoir bénéficier d’une formation, être logés et suivis. Cela représente un coût estimé à 50 000 euros par an et par enfant, sans compter d’éventuels frais de santé.

Chaque année, le flux de prétendus mineurs est estimé à 37 000 individus. Rappelons qu’un enfant de 14 ans doit être, au minimum, accompagné dignement durant les quatre prochaines années de sa vie. Nous ne pouvons laisser de faux mineurs user de notre générosité et ainsi grever l’assistance à ces jeunes au parcours déjà si difficile.

Ce tableau étant dressé, j’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous aurez perçu qu’il s’agit là d’un enjeu non pas départemental mais bien national, auquel il vous revient d’apporter une réponse à la hauteur.

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