Monsieur le sénateur Burgoa, je vous remercie d’avoir évoqué la sensibilité de ce sujet et rappelé que ces enfants méritaient notre protection.
C’est un devoir et c’est aussi notre honneur que de protéger les enfants. Merci également d’avoir dit qu’il fallait faire montre de pragmatisme plutôt que d’idéologie et de récupération politique. Je remercie enfin le groupe Les Républicains d’avoir pris l’initiative de ce débat.
La question des MNA fait l’objet d’un travail interministériel important, impliquant les administrations des ministères de la justice, de l’intérieur, des solidarités et de la santé, de l’éducation nationale. Je reviendrai, bien entendu, sur ce que vous avez dit s’agissant de l’articulation entre l’État et les départements.
Depuis que j’ai été nommé, il y a deux ans, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, j’ai demandé à assurer le pilotage de cette question avec l’ensemble des autres ministères. Dans la mesure où des enfants sont concernés, il est tout à fait normal que me revienne la responsabilité de ce sujet.
Derrière le sigle MNA, il ne faut jamais oublier qu’il y a des personnes, et que derrière les chiffres et les procédures il y a des enfants qui doivent, à ce titre, être protégés.
Nous allons parler des MNA comme d’un bloc homogène, alors que cela ne correspond pas à la grande diversité des réalités. Il y a autant de réalités que d’enfants, et ceux-ci viennent de pays très divers. Quel point commun établir entre un enfant du Bangladesh et un autre du Mali ou du Maghreb, si ce n’est qu’il s’agit d’enfants et qu’ils ont droit, en tant que tels, à une protection ?
Les motivations de ces enfants pour rejoindre notre pays et leurs parcours migratoires sont très différents. Leur volonté d’intégration n’est pas toujours fondée sur les mêmes raisons.
Depuis que je m’occupe de ce sujet complexe, j’essaie de faire montre d’humilité, d’autant que la situation est compliquée pour les départements et les élus locaux. Je souhaite que le pragmatisme, loin de toute idéologie, de tout amalgame, de tout raccourci et de toute généralité, et avec pour seule boussole l’intérêt de l’enfant, soit au fondement de notre discussion.
Pour bien débattre, il nous faut avoir une vision précise de la réalité. Permettez-moi de partager avec vous quelques chiffres, dont certains sont les mêmes que les vôtres ; d’autres, en revanche, sont différents.
Notre territoire ne comptait que 13 000 MNA en 2016. Au 31 décembre 2019, ils étaient 31 000. L’augmentation a été particulièrement forte sur deux années en particulier : entre la fin de l’année 2016 et la fin de l’année 2018, le nombre de MNA a crû de plus de 115 % !
Depuis, la situation a quelque peu changé. Alors que plus de 17 000 personnes avaient fait l’objet d’une reconnaissance de minorité en 2018, on en dénombrait seulement 9 000 en 2020. En 2019, une légère diminution de l’ordre de 1, 5 % avait été observée en termes de flux. J’aurais l’occasion, lors de ce débat, de revenir sur ces fluctuations.
Les MNA sont pour 95 % des garçons, dont la grande majorité, soit 77 %, sont âgés de 15 et 16 ans. Deux tiers d’entre eux sont originaires de Guinée, du Mali et de Côte d’Ivoire, avec une légère progression, de l’ordre de 10 %, du nombre de jeunes maghrébins – ceux-ci sont aujourd’hui au nombre de 1 771 sur notre territoire.
Face à cette réalité, le Gouvernement, les pouvoirs publics et les départements veillent à améliorer la protection des MNA.
Premièrement, la contribution financière versée par l’État aux départements, que vous évoquiez, monsieur le sénateur, comprend un forfait dédié à la réalisation de bilans de santé. Sur les 500 euros alloués par jeune mis à l’abri, nous avons souhaité que 100 euros soient consacrés à un tel bilan à la fois physique et psychique, afin de disposer d’une première évaluation.
J’ajoute que nous avons souhaité un renforcement de ce bilan de santé, notamment sur l’évaluation psychologique. On peut en effet aisément comprendre que ces jeunes puissent souffrir de traumatismes, compte tenu de ce qu’ils ont vécu. C’est pourquoi une mission quadripartite a été mise en place par le ministre de l’intérieur, le garde des sceaux, le ministre des solidarités et de la santé et moi-même, en octobre dernier. L’enjeu est majeur, car il en découle énormément de difficultés… Ladite mission porte sur l’évaluation et la prise en charge des MNA, et devrait rendre ses conclusions d’ici à la fin du premier semestre.
Deuxièmement, toujours dans une logique d’amélioration de la protection des MNA, le fichier d’appui à l’évaluation de minorité (AEM) a pour objectif que seules les personnes effectivement mineures bénéficient d’une protection, et non des majeurs qui viendraient emboliser le système. Ce fichier constitue aussi une protection pour les mineurs : ceux qui ont été évalués « MNA » ne verront plus, s’ils changent de département, contester leur minorité, comme cela pouvait être le cas par le passé.
Troisièmement, la circulaire publiée par le ministre de l’intérieur en septembre dernier vise à proposer aux MNA placés à l’ASE et engagés dans un parcours professionnalisant d’anticiper l’examen de leur droit au séjour à la majorité. En effet, il n’est plus possible d’attendre quelques jours avant la majorité pour se poser la question de l’insertion professionnelle d’un jeune. Dès qu’un MNA atteint l’âge de 17 ans, il faut que les préfectures et les départements commencent à se préoccuper de sa situation de futur majeur.
Enfin, je voudrais aborder la question de l’accompagnement des départements par l’État.
Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » du projet de loi de finances pour 2021 a précisément pour objet la contribution financière consacrée par l’État aux départements, via une participation forfaitaire.
Vous avez parlé d’heures de négociation, monsieur le sénateur… Ce mécanisme a justement été élaboré en concertation avec l’ADF : nous nous sommes mis d’accord pour qu’un forfait de 90 euros pendant quatorze jours, puis de 20 euros pendant neuf jours, et qu’un forfait de 6 000 euros par MNA supplémentaire par rapport à l’année suivante sur un quorum de 75 %, soient accordés par l’État aux départements.
Cette contribution financière a été portée à 96 millions d’euros en 2018, et à 33 millions d’euros en 2019, selon les nouveaux critères. En outre, l’aide exceptionnelle prévue dans le cadre du dispositif des centres académiques pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des élèves issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav) a été reconduite.
Dès mon arrivée, Stéphane Troussel, président de conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, m’a alerté sur les difficultés liées à la clé de répartition des MNA. Je me suis engagé à revoir celle-ci, afin que nous puissions parvenir à une réparation plus équitable tenant davantage compte de la situation de chaque département.