Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, conclure un tel débat est une gageure, c’est évident. En tout cas mon propos, qui va relever certaines des questions qui ont été abordées, n’a pas vocation à mettre un point final, bien évidemment, mais à faire saillir quelques éléments.
Le point principal par lequel je voudrais commencer, c’est la nécessité et le caractère indispensable du débat que nous avons et dont les seize orateurs ont évoqué toutes les dimensions. En effet, une politique publique qui voit son volume multiplié par douze ou par treize, voire davantage, en cinq à sept ans doit nous interroger en tant que responsables publics. Quelles en sont les causes ? Examinons les conséquences et essayons de comprendre ce qui se passe.
Ensuite, cela a été dit également, monsieur le secrétaire d’État, il s’agit là d’une compétence départementale majeure, particulièrement sensible et même emblématique de l’action sociale des départements.
Pour avoir siégé pendant près de sept ans au bureau de l’Assemblée des départements de France, je puis vous assurer que l’ensemble des présidentes et présidents de départements ont à cœur de remplir cette noble mission de donner une deuxième chance à ces enfants qui ne trouvent pas toutes les chances dans leur famille. Je puis attester qu’ils y sont tous très attachés. C’est justement cela qui les amène à s’inquiéter de cette situation de dégradation.
Ensuite, ce débat était absolument nécessaire parce que les départements, qui sont la cheville ouvrière de ces politiques, sont déjà en grande difficulté, bien évidemment pour d’autres raisons.
Les dépenses sociales n’ont cessé de croître : elles représentent de 57 % à 60 % de leurs dépenses de fonctionnement. On peut déjà constater, avec la crise sanitaire et ses conséquences économiques, que le RSA a encore augmenté ; dans nombre de départements, il a même connu une croissance à plus de deux chiffes, ce qui est tout à fait considérable.
Par ailleurs, pèsent des risques importants sur les recettes des départements, notamment les droits de mutation à titre onéreux, dans ce contexte de crise. L’impact a déjà été souligné à plusieurs reprises ; il est très lourd, je n’y reviens pas.
Enfin, depuis dix ans, les départements sont confrontés à une surdité chronique de l’État, qui s’inscrit dans un contexte déjà ancien de maltraitance de ces collectivités par l’État.
Je vous renvoie au rapport de Cécile Cukierman et à celui de la mission d’information, que j’ai eu l’honneur de présider, sur la place des départements dans les grandes régions. Mes chers collègues, vous connaissez tous les différentes étapes de la disparition programmée des départements, avec les lois NOTRe, Maptam, ainsi que l’étranglement financier de cette collectivité, notamment avec la baisse de 40 % de la dotation de fonctionnement pendant le quinquennat précédent, ce qui est tout de même considérable.
Ce débat était donc absolument nécessaire, dans une situation particulièrement difficile.
Nous sommes également face à un angle mort des politiques migratoires ; ce point est apparu très clairement pendant l’ensemble du débat. Nous avons affaire maintenant à un phénomène économique, l’eldorado européen. On continue à attirer les jeunes, fragilisés ou non d’ailleurs dans leur pays, ainsi que leurs familles, qui, souvent, les mandatent pour en faire des sources de revenus pour divers besoins dont ils estiment qu’ils seront les leurs par la suite.
Ce phénomène économique est adossé, cela a été dit également, à un phénomène mafieux évident. Nous connaissons bon nombre de filières ; monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons même vous donner les tarifs par pays et par région dans ces pays, puisque ces éléments sont apparus dans les différents départements.
Enfin, je vous le concède, monsieur le secrétaire d’État, l’évaluation de la minorité est un sujet extrêmement délicat, pour lequel il n’y a pas de réponse évidente.
C’est pourquoi d’ailleurs, je pense, le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, quand il est venu au congrès de l’ADF en octobre 2017, a pratiquement dit que cette mission d’accueil et d’évaluation devait relever de l’État. Ensuite, il a considéré que peut-être les départements pouvaient l’assurer pour le compte de l’État. Le problème, c’est que les moyens n’ont pas été au rendez-vous, loin de là, avec, on l’a rappelé, 120 millions d’euros de crédits pour 2021 ; ces sommes baissent d’ailleurs par rapport à l’année précédente, ce qui est difficile à comprendre.
À l’évidence, nous sommes confrontés à un état d’urgence qui est temporairement masqué par la crise sanitaire – on comprend bien qu’il est difficile de se déplacer en ce moment, vu la situation –, mais qui est appelé à prospérer, et nous ferions une erreur considérable en restant sur la même appréhension du problème après cette brève accalmie.
Je pense qu’il faut nous mobiliser dès maintenant pour apporter des réponses qui soient plus solides que celles qui ont été les nôtres jusque-là.
Enfin, dans cet état d’urgence, nous mettons en danger l’aide sociale à l’enfance elle-même dans les départements, notre capacité à l’assurer de façon satisfaisante, les départements eux-mêmes dans leurs finances, mais aussi les Français. Il a été fait état d’un certain nombre de faits délinquants, qui sont de plus en plus préoccupants, notamment dans les territoires d’outre-mer.
À droit constant, y a-t-il une réponse possible ? C’est à vous de nous le dire, monsieur le secrétaire d’État. S’il n’y en a pas, il faudra envisager une réflexion plus large et remettre en cause bien des choses dans ce pays.