Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 10 février 2021 à 15h00
Fonctionnement des universités en temps covid et malaise étudiant — Débat organisé à la demande du groupe écologiste – solidarité et territoires

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Monique de Marco vous a présenté, dans sa globalité, l’analyse et le regard des écologistes sur la crise majeure qui bouleverse le monde étudiant de notre pays.

Pour ma part, je m’attarderai sur un point particulier qui me semble essentiel : la santé mentale des étudiants.

La détresse psychologique des étudiants a été une dimension sous-estimée de la crise que traverse la jeunesse. De récentes tentatives de suicide ont jeté une lumière crue sur la détresse qui frappe de nombreux étudiants et étudiantes.

On le sait, la série de restrictions que nous impose la crise sanitaire frappe durement la jeunesse : absence de vie sociale, arrêt des cours en présentiel, cantonnement des étudiants dans leurs logements parfois vétustes, impossibilité de mener d’autres activités ou de travailler, autant de difficultés qui viennent sérieusement amplifier les problématiques de santé mentale.

Reste que tout mettre sur le dos du covid-19 serait se voiler la face ! Nous sommes en fait devant une réalité qui dure depuis des années.

En réalité, les universités publiques manquent tellement de moyens et de personnel que parler de délabrement n’est parfois plus qu’un euphémisme.

En réalité, la jeunesse compte plus d’un million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

En réalité, une génération entière voit ses perspectives disparaître à l’ombre des crises économiques, sociales et, bien sûr, climatiques.

Il nous faut répondre à toutes ces réalités, aujourd’hui, mais aussi sur le long terme.

Il faut y répondre, tout d’abord, avec des solutions matérielles à fournir d’urgence aux étudiants, en revalorisant les bourses et en engageant la création d’une allocation minimale étudiante.

Il faut y répondre, ensuite, avec une réflexion sur la présence des étudiants en cours. Il y a un an, il était tout à fait nécessaire de prendre des règles de confinement d’urgence. Tous les campus ont été fermés, comme le reste du pays. Un an plus tard, il est temps de travailler à des protocoles sanitaires de crise adaptés, à des protocoles pensés en fonction des campus, des universités et de leurs capacités, et non plus fixés uniformément pour toute la France, à des protocoles qui doivent permettre le retour d’étudiantes et étudiants en présentiel, même partiellement.

Trouvons enfin des solutions, maintenant, pour celles et ceux qui sont en détresse psychique, pour celles et ceux qui ne peuvent plus continuer leur vie comme avant !

Les conséquences du 100 % distanciel sur l’état psychologique des étudiants ont été largement sous-estimées. Il faut de l’accompagnement humain.

Or, dans ce domaine, la France est en queue de classement par rapport aux autres pays développés, et de très loin ! À la fin de l’année dernière, notre pays comptait 1 psychologue universitaire pour 30 000 étudiants, contre 1 pour 7 300 en Autriche, 1 pour 4 000 en Australie, 1 pour 2 600 en Irlande, 1 pour 1 600 aux États-Unis. La Charte de l’accréditation internationale des services de santé mentale universitaire recommande de viser un taux de 1 psychologue pour 1 000 à 1 500 étudiants.

Si aucun pays n’atteint à ce jour ce chiffre ambitieux, force est de constater que la France en est loin, très loin. En janvier dernier, le Gouvernement a annoncé vouloir doubler ce chiffre, en recrutant 80 psychologues universitaires, portant ainsi le ratio à 1 psychologue pour 15 000 étudiants.

Cet effort doit être salué, bien sûr, mais comme de nombreuses réformes entreprises par ce gouvernement en direction de la jeunesse, nous avons un souci d’échelle. Ainsi, la création d’un « chèque psy » s’inscrit dans cette même démarche. Ce chèque, qui porte mal son nom puisqu’il s’agit en réalité de séances gratuites, permettra aux étudiants de bénéficier de trois rendez-vous chez un psychologue. Mais comment satisfaire cet objectif louable alors que notre pays est si dramatiquement sous-doté en termes de personnel qualifié ?

Afin de commencer à avoir un accompagnement correct dans tous les services universitaires, encore nous faudrait-il atteindre le ratio de 1 psychologue pour 4 000 étudiants, ce qui implique le recrutement de 520 psychologues. Nous en sommes loin !

Il s’agit non pas d’appeler à une dépense inconsidérée ni de céder à un caprice électoraliste, mais, au contraire, de répondre à l’urgence réelle et terrifiante des files d’attente qui s’allongent devant les bureaux des psychologues universitaires, et à celle des 22 % d’étudiants qui ont eu des pensées suicidaires. Il s’agit d’investir d’urgence dans l’avenir de notre jeunesse !

Cette dernière est bord du gouffre, madame la ministre : cessez alors la politique des petits pas, des aides ponctuelles insuffisantes et trop ciblées, et engagez, dès maintenant, un plan massif de l’État pour aider toute une génération à maintenir la tête hors de l’eau !

Investissez dans les campus afin de permettre le retour des étudiants en présentiel, investissez dans les aides matérielles et financières indispensables à la poursuite des études, investissez dans la création de postes de psychologues !

Regardez enfin la jeunesse en face, permettez-lui d’envisager son avenir avec espoir !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion