Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je tiens d’abord à remercier le groupe CRCE pour ce débat sur le nécessaire état des lieux des fichiers de notre pays. Respect des libertés publiques, protection de la vie privée, voilà les principes qui orientent notre discussion de ce soir. Ce sont des principes largement partagés, à droite comme à gauche, car tout le monde sait que le Sénat est une institution profondément attachée à la défense des libertés publiques.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait d’ailleurs demandé l’audition du ministre de l’intérieur par la commission des lois sur les fichiers de police dès le 11 décembre dernier. Le président de la commission, François-Noël Buffet, et nous l’en remercions, avait donné une suite favorable à cette demande, ce qui nous a permis d’entendre le ministre le 12 janvier, je vais avoir l’occasion d’y revenir.
Comme citoyens, nous sommes tous fichés de gré ou de force. S’il peut être de bon ton de s’opposer au principe même du fichage, il faut rappeler que nous nous fichons souvent volontairement. Qui, ici, n’a pas adhéré à un parti politique, créé son compte Google, demandé sa carte de sécurité sociale ? Personne, évidemment ! Il faut d’ailleurs reconnaître que nous sommes tous bien moins regardants avec les fichiers détenus par des tiers privés qu’avec les fichiers détenus par l’État. Cela s’explique : rares sont les entreprises à avoir pris le contrôle de pays, créé leur propre police et enfermé des gens selon leurs convictions personnelles. A contrario, il n’est pas rare que des États dépassent le cadre qu’ils s’étaient fixé ; il n’est pas rare que des États aient des polices et des prisons à leur disposition.
Cela ne signifie pas que l’on doive s’opposer au principe du fichage par les États. Le maintien de l’ordre public, l’accès de tous aux soins, la lutte contre le terrorisme sont des justifications que l’on ne peut nier. Mais c’est ce nécessaire antagonisme entre les besoins de l’État et la défense par les individus des libertés publiques qui fait l’honneur de nos démocraties.