Je ne me sens pas capable de décider quelle est la courbe du trafic qui justifie l'existence du tunnel. Après la crise financière de 2008 et la baisse de trafic qu'elle a induite, on a pensé que le projet ne se justifiait plus. Mais deux ou trois ans plus tard, le trafic était reparti à la hausse. Nous connaissons de nouveau une période difficile. Je suis totalement incapable de la moindre prévision. Il faut faire des études, certes, mais ce n'est pas à elles de dicter ce qui relève avant tout d'une décision politique.
Cet axe aura d'abord pour rôle de faciliter les liens entre les deux régions économiques Auvergne-Rhône-Alpes et Piémont, qui ont déjà beaucoup de raisons de multiplier leurs échanges - personnes et marchandises. Si l'on élargit notre vision, cet itinéraire permet de relier l'Espagne, le sud de la France, le nord de l'Italie et le nord de l'Europe. Il s'agit d'enjeux économiques déjà considérables.
Ce qui est certain, c'est que notre projet permet de faire passer un million de camions, soit une part significative des poids lourds qui traversent aujourd'hui les Alpes par les trois axes Mont-Blanc, Fréjus et Vintimille. Cela ne sera possible que si ces camions trouvent, de part et d'autre, des itinéraires et des réseaux suffisamment prioritaires pour passer.
Ce projet s'inscrit bien dans le Green Deal européen et les choix stratégiques pour accélérer les politiques de lutte contre le changement climatique et la transition écologique. C'est aussi la raison pour laquelle la Commission insiste pour lever tous les doutes sur la réalisation de notre projet, dans les délais.
Nous bénéficions du plan de relance français à hauteur de 200 millions d'euros et nous nous inscrivons également dans la politique européenne de relance économique.
Madame Filleul, je ne pense pas que ce projet soit défavorable aux ports français. Je ne vois pas pourquoi le port de Marseille, qui dispose de capacités absolument remarquables, serait pénalisé par rapport aux ports italiens. Certes, avant la crise, les Italiens ont fait les yeux doux à la Chine. À l'époque, on attendait de la Chine financements et soutien aux grands trafics internationaux. J'ai toujours été très réservé sur ces questions : ma mission n'était pas d'accueillir plus facilement le trafic chinois. Nous avons déjà beaucoup à faire dans nos territoires.
Il est possible d'améliorer les voies d'accès, notamment l'axe Dijon-Modane. J'ai beaucoup de sympathie pour cet itinéraire magnifique, le long du lac du Bourget, mais ce n'est plus le corridor Méditerranée. Notre sujet est d'aller à Lyon, puis de descendre vers l'Espagne. Je ne me prononce pas sur l'intérêt d'améliorer la desserte de Dijon, je dis simplement que cela ne résout pas le gros problème lyonnais - traversée de la ville, gare de la Part-Dieu... Nous n'échapperons pas à un important effort d'investissement pour traiter le noeud lyonnais.
Dans le langage bruxellois, l'acte d'exécution permet à l'Europe d'intervenir dans un rôle de coordinateur des travaux. La France a tendance à dire que chacun doit rester chez soi dès qu'il est question des accès français, mais nos amis italiens souhaitent évoquer ces questions, car l'itinéraire est unique. Le rôle de Bruxelles est donc important.
Au total, la France ne finance que 25 % du coût du tunnel. À côté de la question de la rentabilité économique, on peut se demander si la France n'a pas intérêt, en ne payant que 25 % de cet ouvrage, à développer un équipement de transport ferroviaire fret de grande dimension.
Toujours est-il qu'il s'agit d'une volonté européenne durable, qui remonte à plus de trente ans. Les majorités et les gouvernements se sont succédé, mais l'Europe est toujours restée sur la même ligne.