Intervention de Hubert du Mesnil

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 10 février 2021 à 9h30
Projet de liaison ferroviaire lyon-turin — Audition de M. Hubert du Mesnil président de la société tunnel euralpin lyon-turin

Hubert du Mesnil, président de la société Tunnel euralpin Lyon-Turin :

Certaines évolutions politiques conduisent à des changements, à des questionnements, voire à des critiques. Je suis très troublé par la position des partis ou des mouvements écologiques. D'abord favorables au projet, en ce qu'il donnait priorité au report modal et au respect de la convention alpine, ils s'y opposent aujourd'hui. Report modal et protection de l'environnement sont pourtant les principales raisons d'être du tunnel. Et ces raisons sont aujourd'hui combattues par ceux-là mêmes qui les défendent, estimant que la voie actuelle suffit.

Nous n'arrivons pas à aborder ces questions de manière objective. La question de savoir combien de trains peuvent passer sur la ligne est rationnelle et appelle une réponse rationnelle, hors idéologie ou sensibilité. Il s'agit d'une analyse objective qui peut être vérifiée, expertisée. Or nous n'y arrivons pas et nous restons sur un malentendu fondamental. Nous en sommes là. Je ne sais pas si nous parviendrons à concilier nos positions, alors même que nous devrions partager la même ligne de préoccupations environnementales.

La politique italienne est assez subtile. En Italie du Nord, la volonté est très largement partagée dans les milieux économiques et politiques. Seul le Mouvement 5 étoiles s'y oppose, relayant ainsi les contestations très fortes de la vallée. Je pense que nos amis italiens ont commis une erreur en n'associant pas les territoires au lancement du projet, contrairement à ce que nous avons fait en France. Le tracé, réalisé de manière très technocratique, s'est heurté à un rejet total des élus et des habitants de la vallée, où circulait déjà une autoroute. Il n'y a pas eu de vrai débat public comme nous en connaissons. Le Mouvement 5 étoiles est resté dans cette opposition, mais sa collaboration au gouvernement Conte n'a pas freiné l'avancée du projet. Un point d'équilibre politique a été trouvé et il semble que la classe politique italienne y soit aujourd'hui globalement favorable.

Si la France a toujours avancé, on ne peut pas dire non plus qu'elle ait fait preuve d'une volonté farouche ni d'un très grand dynamisme pour aboutir. De fait, le projet a toujours été poussé par les présidents de la République successifs pour des raisons de rapprochement stratégique des régions européennes et de politique franco-italienne.

Je ne me place pas sur le terrain politique. Nos autorités publiques me fixent des objectifs que je m'efforce de remplir. Mon travail consiste à fournir aux deux États les éléments les plus précis possible pour que les politiques prennent les décisions. Ensuite, nous faisons le travail qui nous est demandé. Nous avons réussi à tenir ce cap, avec mon collègue italien directeur général, quelles que soient les péripéties politiques.

Fondamentalement, vous avez raison de dire que ce projet a tenu parce que l'Europe croit à ce réseau ferroviaire européen à grande dimension et à grande capacité. Elle croit que ce projet doit se faire pour permettre au corridor sud de fonctionner. Cette volonté a d'ailleurs permis de bousculer certaines résistances culturelles franco-françaises : nos concitoyens sont tous passionnés par le transport de voyageurs, mais bien peu par celui des marchandises. Lorsque je travaillais à Réseau ferré de France et que je voulais accorder une certaine priorité aux trains de marchandises pour leur permettre de rouler, on m'expliquait que je n'étais qu'un technocrate éloigné des problèmes des gens. Le président Huchon m'expliquait notamment que mes trains de marchandises qui ne pouvaient pas contourner Paris ne l'intéressaient pas, parce que son problème principal était d'assurer le trafic des RER. Je comprends bien la position d'un président de région, mais si les trains de marchandises ne peuvent ni traverser ni contourner Paris, il n'y aura tout simplement pas de trains de marchandises en France. Il est donc essentiel de trouver des compromis.

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