Intervention de Marc-Éric Bobillier-Chaumon

Délégation aux entreprises — Réunion du 4 février 2021 à 9h45
Table ronde sur « l'impact des nouveaux modes de travail et de management sur la santé »

Marc-Éric Bobillier-Chaumon, membre du conseil d'administration de l'Association internationale de psychologie du travail de langue française (AIPTLF) et professeur - titulaire de la Chaire de Psychologie du travail au Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) de Paris :

Une étude que nous avons réalisée à l'Association internationale de psychologie du travail au niveau européen et avec les principaux partenaires sociaux a montré que l'on considère généralement dans le monde l'entreprise qu'un salarié de plus de 50 ans n'est plus apte à faire face aux nouveaux modes de travail, et qu'il n'est plus rentable d'investir dans la mise à jour de ses compétences. Cette opinion est entretenue par l'accélération et la brutalité des vagues de progrès technologique. Tout ce passe comme si l'expérience professionnelle des séniors n'avait aucune valeur.

Les sauts technologiques instaurent ainsi une forme de précarité professionnelle, dont il résulte une souffrance au travail souvent très difficile à exprimer car elle n'est pas jugée digne de cadres supposés être les premiers à promouvoir le progrès technologique. Ce n'est que lors de l'analyse a posteriori du résultat d'une activité que l'on identifie des points de blocage. Pour ma part, j'ai constaté que les séniors sont ceux qui gèrent le mieux l'afflux de mails, sans doute grâce à leur capacité à juger de leur utilité réelle au regard de leur activité propre et de leur connaissance informelle de l'entreprise, alors que les jeunes ont plutôt tendance à tout lire. Les entreprises auraient tort de se priver de telles compétences.

Carl Benedict et Michaël Osborne, deux chercheurs d'Oxford, ont prédit en 2014 que 43 % des emplois allaient disparaître en raison de l'avènement des technologies émergentes. Depuis, cette vision a été très critiquée et aujourd'hui l'OCDE et le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) ont ramené ce chiffre à entre 9 et 14 %, mais une chose est sûre : tous les emplois seront affectés, d'une manière ou d'une autre, par l'arrivée des nouvelles technologies. L'important pour la santé au travail, c'est de veiller à ce que les individus ne soient pas dépossédés par la technologie du sens de leur métier, au point de devenir l'assistant de la technique. Une forme de déterminisme technologique estimant que la technologie va nécessairement apporter un progrès justifie qu'on l'impose aux travailleurs sans concertation. Dans cette vision, il incombe aux individus de s'adapter aux technologies, et non l'inverse, quitte à ce qu'ils soient contraints d'agir en contradiction avec leurs valeurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion