Cet amendement soulève deux problèmes, chacun d'eux suffisant à justifier notre opposition. Le cumul des deux le rend radicalement inacceptable. Cela explique la colère que je ressens devant la procédure qui a été choisie, au moment même où nous votions hier soir dans le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique un article pour demander au Gouvernement d'établir dans les six mois un rapport sur le recours aux machines à voter. L'absence de toute concertation préalable avec les groupes politiques et l'absence d'avis du Conseil d'État achèvent de discréditer cette proposition totalement improvisée, d'autant que l'élection présidentielle, qui est la mère de toutes les élections, ne peut être le lieu d'expérimentation des innovations !
Le premier problème soulevé par cet amendement est celui du vote par anticipation. J'y suis catégoriquement hostile. Quid en cas d'incident majeur qui remettrait en cause, avant la fin de la campagne électorale, le vote d'un citoyen ? Il n'est pas acceptable de voter avant la fin d'une campagne, car cela crée une distorsion considérable. Une telle proposition n'est pas anecdotique. Prenez cent grandes villes de France : cela représente des millions d'électeurs. Sans aucune expérimentation préalable, à elle seule la question du scrutin par anticipation disqualifie l'amendement.
Le deuxième problème tient à l'usage de machines à voter et à son incidence sur la sécurité du scrutin. Les machines à voter ne sont pas une nouveauté puisqu'elles existent depuis 1969. On les utilise convenablement, y compris dans de grandes villes. Mais ce n'est pas sans raison qu'après l'élection présidentielle de 2007, le Conseil constitutionnel s'est interrogé, dans ses observations de 2008, sur le recours aux machines à voter. Certes, les problèmes soulevés pour la sécurité du scrutin ne sont pas insolubles, mais c'est néanmoins assez risqué. Comment assurer la conservation des machines dans les mairies ? La question du double vote se pose également.
Cet amendement, tel qu'il est rédigé, ne pose pas seulement des problèmes démocratiques ou politiques, mais aussi des problèmes techniques. Comment l'adopter, pour une élection aussi importante, avant d'avoir résolu toutes ces difficultés ? Voilà pourquoi il est impossible d'accepter, sans hurler à la mort, un amendement de ce genre.