Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 février 2021 à 9h00
Proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale — Audition de Mme Sophie Cluzel secrétaire d'état chargée des personnes handicapées

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, présidente :

Mes chers collègues, nous accueillons ce matin Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, que je remercie d'avoir accepté notre invitation à échanger sur les dispositions de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de justice sociale. Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera ensuite disponible sur le site du Sénat en vidéo à la demande.

Le parcours du texte qui nous occupe ce matin mérite quelques précisions. Je voudrais tout d'abord rappeler que le Sénat a rejeté, en octobre 2018, une proposition de loi déposée par notre collègue Laurence Cohen tendant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous reviendrons bien sûr sur les termes du débat qui s'était alors instauré, mais je voudrais relever que notre rapporteure d'alors, notre collègue Cathy Apourceau-Poly, indiquait dans son rapport que la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère avait été incapable d'évaluer le montant d'une telle réforme.

Il y a un an, en février 2020, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi présentée par Mme Jeanine Dubié et plusieurs de ses collègues membres du groupe Libertés et territoires, dont la principale disposition opère cette suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH.

Depuis, aucun groupe politique n'a demandé l'examen de ce texte au cours d'un de ses espaces réservés. Néanmoins, une pétition lancée le 10 septembre 2020 sur la plateforme en ligne du site du Sénat demandait au législateur « dès que possible une nouvelle loi pour mettre fin à cette incongruité et injustice fondamentale ».

À la demande du président du Sénat, notre commission des affaires sociales a examiné cette pétition le 20 janvier dernier. Sur le rapport de notre collègue Philippe Mouiller, la commission a recommandé, d'abord, qu'une étude d'impact, le cas échéant confiée à un cabinet indépendant, soit réalisée, ensuite, que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale soit inscrite à l'ordre du jour, et enfin, que la ministre soit entendue en commission.

Si les deux derniers points sont satisfaits, aucune étude d'impact approfondie n'a été réalisée, faute de données disponibles. Nous avons été assez surpris de cette difficulté des différents organismes à produire des données dans des délais compatibles avec l'examen du texte. C'est d'autant plus surprenant qu'une réflexion est en principe engagée sur l'évaluation des différents minima sociaux dans le cadre du projet de revenu universel.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a certes réalisé des travaux statistiques, mais elle n'est pas en mesure de travailler sur les données de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) qui, elle-même, ne dispose pas de simulateur permettant d'évaluer les effets de la proposition de loi pour les 25 % d'allocataires actuels de l'AAH qui sont en couple. Nous attendons ainsi de la CNAF qu'elle nous précise les profils des allocataires qui seraient perdants à l'issue de cette réforme. Si les bénéficiaires potentiels du texte ont su faire entendre leur voix, il n'en va pas de même pour ceux qui y perdraient et que nous ne pouvons pas négliger.

Un an après son adoption et plus de deux ans après l'irruption de ce sujet dans le débat public, l'impact de ce texte reste donc à préciser. Au-delà, il ouvre un débat sur la nature même de l'allocation et plus généralement sur l'évolution de nos aides sociales.

L'AAH a été créée en 1975 en même temps que le minimum vieillesse. Les deux allocations avaient alors le même montant et le même objectif : lutter contre la pauvreté de personnes qui se trouvaient dans l'incapacité de travailler.

Le texte soumis à notre examen acte un changement de nature de l'AAH. Il s'agirait non plus seulement de lutter contre la pauvreté des personnes handicapées, mais aussi de rechercher une forme de compensation du handicap par la solidarité nationale. Le soutien à l'autonomie de la personne justifierait que ne soient plus pris en compte les revenus du foyer auquel elle appartient.

C'est sur tous ces sujets que nous souhaiterions vous entendre, madame la ministre. Je vous laisse donc la parole pour un propos introductif avant que ne s'engage le débat avec notre rapporteur, Philippe Mouiller, ainsi qu'avec les autres commissaires.

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