Intervention de Patrick de Cambourg

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 17 février 2021 à 9h05
Audition de M. Patrick de Cambourg candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président de l'autorité des normes comptables

Patrick de Cambourg, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de l'Autorité des normes comptables :

Je commencerai par le statut de l'ANC. Elle n'est effectivement pas une autorité administrative indépendante au sens juridique du terme. En revanche, elle fonctionne comme telle : le collège comprend des représentants des entreprises proposés par les entreprises, mais choisis in fine par le ministre, des représentants de la profession, mais aussi des grandes juridictions, de l'AMF, de l'ACPR et un représentant des syndicats. Elle élabore les normes en toute indépendance, et les conditions de désignation du président, vous le savez, sont aussi une garantie de son indépendance. Cette « petite » autorité répond au besoin de remplir une mission en liaison avec une communauté. Elle est dotée d'un budget relativement modeste, qui avoisine les 2 millions d'euros en frais de personnel, et est soumise à des processus de fonctionnement progressifs : il s'agit de parvenir à consensus tout en sauvegardant l'intérêt général lors de la finalisation des règlements que nous proposons. Les règlements sont publiés après homologation par les autorités gouvernementales. À notre grande satisfaction, il n'y a jamais eu la moindre difficulté sur ce point.

Concernant le Brexit, nous sommes dans le domaine de l'impalpable, parce que la normalisation internationale fonctionne avec une gouvernance qui est censée être assez répartie. Or le bureau international est localisé à Londres et la normalisation internationale IFRS est fortement influencée par la culture britannique. Lorsque le Royaume-Uni faisait partie de l'Union européenne, le dialogue ne pâtissait d'aucune difficulté particulière. Il faut maintenant oeuvrer pour inventer un partenariat entre l'Efrag et l'organisme qui a été créé outre-Manche sur le modèle de ce qui existait en Europe. Je fais l'hypothèse aujourd'hui que le Royaume-Uni sera probablement relativement proche de l'IASB, tout en gardant son quant-à-soi et en préservant ses intérêts politiques qui ne sont pas nécessairement identiques à ceux de l'IASB, qui est assez tourné vers l'Asie et souhaiterait mettre fin à l'optionnalité au Japon considérée comme « un caillou dans la chaussure ».

Il nous faut agir dans ce panorama, dans lequel les Britanniques sont parfois avec nous et parfois contre nous. Oui, le Brexit change fondamentalement la donne, car les règlements adoptés en Europe ne s'appliqueront pas automatiquement au Royaume-Uni. Néanmoins, on constate une fréquente communauté de pensée, notamment sur l'assurance.

J'en viens à la profession comptable.

Les grands cabinets - vous le savez, j'ai essayé de contribuer au développement de l'un d'entre eux - ont un rôle fédérateur, mais avec des différences. Il faut favoriser la sensibilité européenne des plus grands acteurs pour que cette diversité culturelle soit effectivement un ferment de qualité. Je n'ai jamais cru au déploiement mondial d'une seule culture ; je crois à la convergence des meilleurs éléments pour un résultat original.

L'organisation que j'ai eu l'honneur d'animer pendant de nombreuses années s'efforçait de faire vivre cette diversité culturelle. Je constate d'ailleurs que, sur l'information extrafinancière, on sait mobiliser les énergies au sein des cabinets européens même s'ils sont inscrits dans des réseaux plus globaux, à partir du moment où existe un objectif politique clair. Par une sorte d'effet magnétique, on crée une dynamique européenne qui est absolument essentielle dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur général, les recommandations pour lutter contre la covid-19 avaient effectivement pour objet principal d'aider les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, à y voir clair le plus rapidement possible et à prendre conscience de l'influence de la crise sur leurs comptes, mais aussi sur leur capacité à rebondir.

Ensuite, nous avons émis l'hypothèse que, pour ce faire, ces entreprises auraient besoin de communiquer avec des tiers de façon « normée », c'est-à-dire d'une façon compréhensible. C'est la raison pour laquelle nous avons axé nos travaux sur la présentation des effets de la pandémie. À mon sens, il fallait plutôt retenir une présentation d'ensemble, car la pandémie touche tous les aspects de l'exploitation d'une entreprise et pas simplement quelques-uns. Donc, isoler certains coûts n'est pas la meilleure réponse ; il est plus intéressant de se pencher sur l'exploitation normative d'une entreprise dans des conditions normales pour trouver le moment où elle pourra retrouver son rythme habituel.

Enfin, pour ce qui concerne l'ACPR, c'est à la demande du gouverneur de la Banque de France que je pilote la commission précitée ; j'en suis très heureux, car elle fait du bon travail en incitant les grands acteurs du secteur financier, d'abord à s'aligner sur de meilleures pratiques, ensuite à respecter les engagements qu'ils ont pris, et enfin à établir des scénarios sur les effets du réchauffement climatique pour leur portefeuille. Cela étant, il faut être très prudent avec le greenwashing, car je crois fermement que la normalisation extrafinancière européenne nous amènera dans des délais relativement courts - j'ai eu l'occasion de m'entretenir sur la question avec le commissaire européen à l'environnement la semaine dernière - à un nouveau système de reporting en 2024 sur les comptes de 2023. L'échéance étant très proche, il nous faudra faire preuve d'un véritable effort de normalisation, qui est possible à condition que nous mobilisions les ressources correspondantes. Il y va de cette sécurité de reporting, qui est nécessaire si l'on veut éviter les effets de manche.

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