Monsieur le président, madame la rapporteure, chère Elsa Schalck, mesdames, messieurs les sénateurs, le dopage et, plus largement, les conduites dopantes ou addictives sont un fléau en ce qu’ils menacent l’intégrité de nos compétitions sportives comme la santé de nos sportifs, professionnels et amateurs.
Au-delà, ils faussent la performance, pénalisent les athlètes propres et attaquent fondamentalement l’esprit de loyauté et d’équité, qui fonde pourtant l’essence même des compétitions sportives.
Je salue à cet égard la décision du tribunal arbitral du sport du 17 décembre 2020, qui, grâce aux investigations menées par l’Agence mondiale antidopage (AMA) durant presque quatre ans, a reconnu la responsabilité des autorités russes dans la dissimulation organisée d’échantillons positifs et un programme centralisé de dopage entre 2011 et 2015.
La crédibilité de nos compétitions et la loyauté entre sportifs passent ainsi par des sanctions exemplaires lorsque les compétitions sont faussées.
J’en suis intimement convaincue, une politique efficace de prévention du dopage est une politique qui est l’affaire de tous : sportifs, ministère chargé des sports, désormais en lien étroit avec le ministère de l’éducation nationale, fédérations, agences mondiale et française de lutte contre le dopage, corps médical, communauté scientifique, médias, sponsors, mais aussi l’ensemble du public amateur de spectacles sportifs.
Aussi, dès mon arrivée au ministère des sports, en septembre 2018, j’ai tenu à placer les enjeux d’éthique au cœur de mes priorités.
Je considère en effet que le ministère des sports doit s’investir prioritairement dans les politiques publiques liées à la protection des pratiquants, qu’il s’agisse du sport de haut niveau ou du sport amateur.
Jean-Michel Blanquer et moi-même poursuivons une politique volontariste de lutte contre le dopage et toutes les formes de conduites addictives. Cette politique associe l’ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles figure l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage.
Ensemble, nous développons des programmes de formation et de sensibilisation des sportifs et de leur entourage ; nous accompagnons les fédérations et les établissements du ministère dans leur campagne de prévention et l’élaboration de leur stratégie ; et nous donnons les moyens humains et financiers nécessaires à une lutte efficace contre le dopage.
L’efficience de notre politique passe en effet nécessairement par les actions concrètes que nous menons.
Durant ma carrière de nageuse de haut niveau, j’ai profondément manqué d’informations sur les produits à risque et la lutte contre le dopage. Avec Witold Banka, le président de l’Agence mondiale antidopage, lui aussi ancien sportif, je partage la même détermination à former et impliquer les sportifs dans la préservation des valeurs de notre sport.
Le plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes 2020-2024 et le guide d’accompagnement à destination des fédérations sportives illustrent ainsi l’engagement des pouvoirs publics français pour renforcer une culture commune de prévention et de vigilance, à tous les niveaux de l’organisation sportive.
Je présiderai d’ailleurs un comité de pilotage de ce plan national le 23 février prochain, pour faire un point d’étape avec tous les acteurs concernés.
L’engagement de l’État en faveur de la lutte contre le dopage est bien sûr aussi financier : en 2021, ce sont près de 12 millions d’euros que notre gouvernement investit en soutien des opérateurs de la lutte contre le dopage. La contribution annuelle de la France au fonctionnement de l’AMA s’établit, ainsi, à plus d’un million d’euros. Par ailleurs, la dotation attribuée par l’État à l’Agence française de lutte contre le dopage atteint près de 11 millions d’euros, pour permettre notamment des recrutements complémentaires ainsi qu’une augmentation du volume des contrôles, qui passeront ainsi de 7 000 à 10 000 en 2021.
Notre ambition s’inscrit dans la perspective de l’accueil à Paris des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Cet événement planétaire doit nous permettre de changer la place du sport dans notre société, de l’inscrire durablement dans le quotidien de tous et, bien sûr, d’en faire le véhicule central d’un sport propre, loyal et digne.
J’en viens plus précisément au sujet pour lequel nous sommes réunis cet après-midi, à savoir la transposition des nouvelles dispositions du code mondial antidopage dans notre droit français.
Ce code, vous le savez, n’a pas de force contraignante directe à l’égard des États. C’est donc en application de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adoptée en 2005 sous l’égide de l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) et ratifiée par la France en 2007, qu’il nous appartient de transposer les dispositions du code mondial pour assurer la conformité de notre droit national.
Permettez-moi de rappeler brièvement la chronologie qui me conduit devant vous aujourd’hui, dans le cadre d’une procédure accélérée.
La version 2021 du code mondial antidopage a été adoptée en novembre 2019 en Pologne. Dès le 19 février 2020, j’avais déposé un projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale, dont l’examen n’a malheureusement pas pu s’inscrire dans l’agenda parlementaire compte tenu des urgences liées à la pandémie.
Le 7 décembre dernier, les députés ont adopté à l’unanimité l’article unique du présent projet de loi, qui vise à habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage.
Je l’avais dit à l’Assemblée nationale, j’aurais souhaité pouvoir offrir, pour la première fois, un débat de fond à la représentation parlementaire sur les prochaines dispositions législatives du code du sport en matière de dopage.
Malheureusement, la crise sanitaire a bouleversé notre calendrier législatif. Je suis donc contrainte de procéder, comme les précédents gouvernements, par voie d’ordonnance, avec la confiance du Parlement.
Dans le cadre des travaux parlementaires menés avec Mme la rapporteure et les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, j’ai écouté les préoccupations exprimées et tenté de lever les inquiétudes. Devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite réitérer les engagements pris par le Gouvernement.
D’abord, concernant les pouvoirs d’enquête qui seront confiés à l’AFLD par la future ordonnance, le travail conjoint mené avec l’AFLD nous a permis de considérablement renforcer les prérogatives dont disposera l’Agence pour mener le plus efficacement possible une lutte antidopage complémentaire des procédures judiciaires pouvant être parallèlement engagées.
Comme aucune autre organisation antidopage nationale, les enquêteurs de l’AFLD pourront ainsi user d’une identité d’emprunt sur internet, accéder aux locaux professionnels et sportifs, se faire communiquer tout document utile ou encore convoquer et entendre toute personne de l’entourage d’un sportif en amont d’une procédure disciplinaire.
Le travail de rédaction de l’ordonnance a été long et minutieux, car, comme vous, je suis profondément attachée à préserver les libertés individuelles et la présomption d’innocence.
Quant au transfert, en janvier 2022, du laboratoire d’analyse au sein de l’UFR (unité de formation et de recherche) de pharmacie de l’université Paris-Saclay, c’est une chance immense pour notre lutte antidopage d’intégrer ce campus récemment reconnu « initiative d’excellence » par un jury international.
Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère a accéléré la mise en œuvre d’une collaboration rapprochée avec l’université. Vous nous avez permis de faire progresser ce projet, afin d’en faire un laboratoire d’excellence ; je tiens à vous en remercier.
Désormais, un comité de pilotage se réunira tous les mois pour mettre en œuvre efficacement cette réforme et traiter de tous les sujets de façon positive.
Ce comité a vocation à élaborer le futur modèle économique du laboratoire, au travers de trois perspectives qui l’assureront de son rayonnement national et international : son fonctionnement courant, ses capacités d’investissement pérennes et la gestion de ses fonctions support.
Dès 2022, le ministère chargé des sports apportera à l’université des ressources à la hauteur de nos ambitions communes, pour la qualité des analyses, les investissements en matériels ainsi que les travaux de recherche. Une convention pluriannuelle liant l’État à l’université apportera toutes les garanties nécessaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que, pour vous, le sujet de la lutte contre le dopage ne souffre aucune polémique partisane.