Dans ces conditions, quel est le rôle du Sénat ? Devons-nous adopter ce texte sans poser de questions, pour vous permettre de rattraper un peu le retard accumulé depuis plus d’un an ?
Bien évidemment, le Sénat ne pouvait faire l’économie d’un travail de fond sur le contenu du code mondial antidopage et les problèmes engendrés par sa mise en œuvre. Nous avons donc longuement auditionné l’ensemble des acteurs au mois de janvier, afin de nous faire notre propre opinion.
Comme vous le savez, ces auditions nous ont été précieuses pour identifier au moins deux sujets de préoccupation, qui n’ont pas permis à la commission d’adopter, voilà quinze jours, le projet de loi.
Je reviendrai sur ces deux points clés. À ce stade de nos échanges, je souhaite vraiment que les enjeux du débat d’aujourd’hui soient parfaitement clairs pour chacun d’entre nous.
Nous sommes conscients de l’intérêt qu’il y a à ce que le Sénat apporte son soutien à ce texte. Nous souhaitons tous une plus grande efficacité dans la lutte contre le dopage et le nouveau volet relatif à la prévention nous semble très prometteur pour renforcer l’éthique du sport.
Nous avons bien mesuré, par ailleurs, la contrainte de la date du 12 avril 2021, qui marque le terme du délai donné par l’AMA à la France pour se mettre en conformité. Mais le respect de ce délai ne peut avoir pour effet de nous priver des réponses que nous attendons sur les points qui font encore débat, d’autant que la date du 12 avril prochain constitue seulement une étape de la procédure de mise en conformité de l’AMA. Il n’existe donc aucune épée de Damoclès au-dessus de nos têtes qui justifierait de nous priver d’un débat.
Notre débat d’aujourd’hui est utile. Je souhaite d’ailleurs saluer, madame la ministre, la qualité de nos échanges. Vous-même et l’ensemble de vos collaborateurs avez été à l’écoute de nos interrogations, et je peux d’ores et déjà indiquer que vous avez commencé à apporter des réponses très positives à nos demandes d’éclaircissement.
Il est donc important, pour tous les acteurs du monde du sport, que vous puissiez cet après-midi nous confirmer ces avancées, mais aussi nous rassurer sur les quelques points qui demeurent en suspens, comme le confirment d’ailleurs les propos que vous venez de tenir.
Quels sont les sujets sur lesquels nous souhaitons vous entendre ? Ils sont au nombre de deux.
Le premier sujet concerne les pouvoirs d’enquête administrative de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD. Ces pouvoirs sont aujourd’hui notoirement insuffisants pour lui permettre de remonter les filières et confondre tous les intervenants. L’AFLD demande depuis des années à obtenir des pouvoirs similaires à ceux dont disposent d’autres autorités indépendantes comme l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Or nous savons que le travail gouvernemental n’avait pas permis, jusqu’à récemment, d’aboutir sur la question de ces pouvoirs d’enquête.
Notre commission s’est donc engagée pour demander que l’AFLD dispose au moins de deux types de pouvoir d’enquête administrative : un pouvoir de convocation assorti d’un pouvoir de sanction pour les contrevenants et un droit à recourir à des identités d’emprunt, notamment pour réaliser des « coups d’achat ». Je précise que l’AMF bénéficie de ces deux compétences.
Nous le savons, vous vous êtes saisie ces derniers jours de ce dossier, qui a bien avancé. C’est pourquoi nous vous serions reconnaissants de nous préciser quels seront précisément les pouvoirs d’enquête de l’AFLD définis par l’ordonnance.
Le second sujet est également important à nos yeux puisqu’il concerne le laboratoire antidopage, qui doit quitter le giron de l’AFLD pour rejoindre la faculté de pharmacie de l’université Paris-Saclay.
Nous avons découvert, en auditionnant la présidente de cette université, que, à quelques mois du rattachement, elle ne disposait d’aucune indication sur le futur modèle économique de ce laboratoire, sur son budget prévisionnel et sur la prise en charge de sa masse salariale, alors même que le déménagement aura pour conséquence de priver le laboratoire des fonctions support que lui prodiguait jusqu’alors l’AFLD. Nous avons également été surpris d’apprendre que l’université n’avait jusqu’à présent reçu aucun accompagnement pour organiser ce rattachement.
Nous savons que, là encore, vos services se sont saisis du dossier et ont décidé de mettre en place le comité de pilotage, qui n’avait jamais été réuni.