Intervention de Michel Savin

Réunion du 16 février 2021 à 14h30
Code mondial antidopage et lutte contre le dopage — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction de mon propos, je tiens à m’associer aux orateurs précédents pour vous féliciter, madame la rapporteure, de votre excellent travail.

Je tiens ici à témoigner de la qualité des auditions et de votre volonté de partager avec l’ensemble de vos collègues les problématiques soulevées lors de ces échanges. Je souhaite aussi remercier le président de notre commission, qui s’est fortement mobilisé sur ce dossier. C’est grâce à ce travail précis et empreint d’une volonté de coconstruction que nous abordons ce débat.

Ce projet de loi, qui était présenté comme une simple formalité pour assurer la conformité de notre code antidopage aux principes du code mondial antidopage, a fait apparaître quelques points qui méritent des réponses et des engagements précis du Gouvernement.

Nous sommes bien conscients que ce texte est d’une absolue nécessité ; nous le devons à nos athlètes et para-athlètes, qui portent chaque jour les couleurs de la France au plus haut niveau international. Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce qu’ils ne puissent plus participer aux différentes compétitions en raison d’un manquement de la France.

De nouvelles dispositions vont permettre plusieurs avancées en termes d’antidopage, notamment en renforçant la coopération entre les acteurs. Ce point me paraît central et attendu, car il permettra d’accroître la responsabilisation de tous les acteurs, notamment des fédérations. Puisque celles-ci souhaitent s’impliquer plus largement dans la lutte contre le dopage, il convient de leur en donner les moyens nécessaires.

La lutte antidopage est un combat commun de chaque instant, et nous devons être intransigeants sur ce sujet. C’est pourquoi la mise en place d’une véritable politique de formation et d’information est une bonne chose. Nous connaissons l’engagement de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) sur le sujet.

Je tiens à saluer aussi certaines avancées, notamment sur l’aspect éducatif, qui est un point central pour les acteurs, comme peut l’être le renforcement des moyens d’action de l’AFLD, notamment au travers de pouvoirs d’enquête accrus.

Si cette mise à jour de la législation antidopage permet d’en renouveler l’efficacité, je tiens toutefois à exprimer plusieurs regrets s’agissant de ce texte.

Tout d’abord, sur la forme.

Lors des auditions, il nous a été indiqué à plusieurs reprises que nous étions dans l’obligation de voter conforme ce projet de loi, parce qu’il y a urgence à agir, que l’Agence mondiale antidopage (AMA) a laissé à l’AFLD un délai de trois mois pour se mettre en conformité, que la France fait partie des trois derniers pays à ne pas être en règle, qu’en cas de manquement le sport français serait sanctionné avec un risque d’exclusion de nos athlètes des compétitions internationales.

Alors que nous allons organiser la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024, cela ferait tache !

Le Gouvernement a laissé traîner le sujet, ce qui est regrettable. Car, avec les délais qui nous sont aujourd’hui imposés, c’est une nouvelle fois une occasion manquée d’avoir un véritable débat de qualité sur la lutte contre le dopage dans notre pays, sur les moyens qui y sont affectés et sur notre ambition commune en la matière.

Ensuite, sur le fond.

Lors des différentes auditions, nous n’avons pu que constater que de nombreux points restaient à régler en matière d’antidopage : sur les moyens, le financement, les partenariats, l’organisation, la collaboration entre les différentes instances, etc.

Nous le constatons donc, la situation est aujourd’hui est plus compliquée qu’il n’y paraît.

Je ne vais pas reprendre tous les aspects extrêmement bien évoqués par notre rapporteure et que je partage pleinement. Mais je voudrais revenir sur deux points déjà relevés par mes collègues et sur lesquels – vous les avez déjà abordés lors de votre propos liminaire, madame la ministre – nous avons besoin d’avoir des engagements précis de votre part.

D’abord, nous attendons des garanties sur les pouvoirs d’enquête de l’AFLD.

Il est nécessaire que l’ordonnance accorde à l’AFLD des compétences – je pense notamment au pouvoir d’enquête administrative – indispensables à son bon fonctionnement. Il faut que vous nous confirmiez cet élément. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’amendement de mon collègue Claude Kern.

Par ailleurs, nous avons besoin de garanties concernant le nouveau laboratoire antidopage.

L’ordonnance doit définir le nouveau statut du laboratoire, dont le code mondial antidopage prévoit qu’il doit être dorénavant séparé de l’Agence.

Ce sera chose faite avec le nouveau laboratoire intégré au sein de l’université Paris-Saclay. Cette évolution est tout à fait essentielle pour s’assurer de son entière indépendance, administrative comme opérationnelle.

Des engagements doivent être pris à l’égard de l’université non seulement sur la compensation des charges, en particulier s’agissant des fonctions support, mais aussi sur le régime de responsabilité applicable au laboratoire, puisque celui-ci devrait être rattaché à la faculté de pharmacie tout en conservant son autonomie.

Ensuite, il faut apporter des garanties quant à la pérennité de ces financements.

Nous voulions pour cela être assurés que, au-delà du transfert par l’AFLD des moyens existants du laboratoire à l’université, votre ministère sera vigilant à définir dans les prochains mois le futur modèle de financement du laboratoire et sa programmation pluriannuelle, ce qui inclut en particulier l’équipement en matériel technique de pointe surtout dans la perspective des jeux de 2024.

Vos propos au début de la discussion générale nous ont rassurés, au moins sur ces points.

J’ai déposé un amendement pour prévoir que le modèle économique et les moyens nécessaires au fonctionnement du nouveau laboratoire seront déterminés dans le cadre d’une convention signée entre l’État et l’organisme d’accueil, en l’espèce l’université Paris-Saclay.

La clarification de ce modèle économique est un point essentiel auquel nous tenons ; là encore, j’espère que vous pourrez, madame la ministre, vous engager fermement sur ce point.

Je tiens toutefois à nous féliciter, car nos doutes ont d’ores et déjà produit une partie des effets escomptés avec la convocation du comité de pilotage, qui ne s’était encore jamais réuni.

Vous l’aurez compris, notre démarche collective correspond à la volonté affichée du Sénat d’être constructif. Nous prendrons nos responsabilités, mais nous soulignons également celles qui incombent au Gouvernement.

J’espère cependant que nos débats permettront d’avancer sur le sujet, et que nous aurons l’occasion de rassurer les acteurs de la lutte antidopage de notre pays. Nous le devons à nos sportifs et au mouvement sportif.

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