Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous tenons à rappeler, en préambule, la vigilance que nous devons tous avoir sur l’usage excessif des ordonnances, lesquelles tendent indubitablement, à long terme, à affaiblir l’exercice démocratique et à amoindrir notre rôle de législateur.
Les marges de manœuvre qui avaient été données au Gouvernement en début de crise sanitaire, face à l’urgence de la situation, ne doivent pas empêcher le contrôle démocratique de la représentation nationale ni faire glisser le régime sanitaire qui nous est imposé depuis désormais un an vers un régime d’ordonnances. Non seulement l’état d’urgence doit faire l’objet de ce contrôle parlementaire, mais les nombreuses ordonnances prises, dans des domaines extrêmement larges, dans le cadre de la lutte contre le covid-19 auraient déjà dû être soumises à la consultation des deux chambres et ratifiées dans leur intégralité.
Il est plus que jamais nécessaire, en période de crise, alors que l’urgence semble, hélas, devenir permanence, de renforcer la relation de confiance entre représentants et représentés et de ne point fouler aux pieds le dialogue et la concertation, si tant est que le souhait du Président de la République de « bâtir ensemble des réponses » ne soit pas un vœu pieu. Il est nécessaire, madame la secrétaire d’État, de rappeler que la concertation et le débat démocratique ne sont pas exclusifs d’une décision tout à la fois efficace et proportionnée, sauf à remettre en cause les piliers mêmes de notre République.
J’en viens désormais au fond du projet de loi.
Si la prolongation de l’existence du fonds de solidarité est bien évidemment nécessaire, sans doute sera-t-il besoin de prolonger encore ce dispositif, compte tenu de la situation actuelle et des évolutions attendues de l’épidémie.
Néanmoins, permettez-nous de le souligner, les conditions pour bénéficier de ce fonds, certes élargies à l’automne dernier, ont fait perdre de la clarté et de la visibilité à ce dispositif, dont l’impact pourrait être beaucoup plus important si vous acceptiez sa territorialisation ; cela permettrait un fonctionnement plus souple et la prise en charge de situations non prévues dans le cadre législatif et réglementaire actuel, et cela permettrait d’accompagner plus équitablement les entreprises en fonction de leur situation.
En outre, de nombreuses collectivités territoriales ont lancé des initiatives pour soutenir le tissu économique grâce à des aides spécifiques. Dans ce cadre, nous souhaiterions avoir des garanties sur la prise en compte, lors du contrôle de légalité, du caractère exceptionnel des difficultés actuelles.
Par ailleurs, nous saluons la décision de reporter d’un an les premiers remboursements des prêts garantis par l’État (PGE) ; c’est indispensable pour ne pas fragiliser davantage les entreprises déjà en difficulté.
Une question subsiste toutefois sur les effets à long terme des PGE pour les entreprises qui, face à l’alourdissement de leurs dettes, seraient confrontées aux difficultés de remboursement et, plus largement, à des problèmes de liquidité.
En ce qui concerne l’ouverture aux PME d’un accès privilégié aux marchés publics globaux, serait-il envisageable de pérenniser les dispositions de l’ordonnance, voire de rendre possible leur cumul avec les critères écologiques, sociaux, locaux, d’insertion ? C’est une piste que nous souhaiterions voir approfondie.
J’en terminerai avec la réorganisation de la Banque publique d’investissement, dont le renforcement des moyens d’investissement, dans un contexte de difficultés économiques pour les entreprises, est évidemment pour nous un motif de satisfaction, puisque le groupe doit investir près de 2, 5 milliards d’euros dans des produits climat, composés de prêts verts destinés aux PME et aux ETI (entreprises de taille intermédiaire), afin de permettre à celles-ci de réaliser des économies d’énergie.
Enfin, de manière plus spécifique, j’appelle, à titre personnel, l’État à prendre en compte l’ampleur de la crise économique et sociale en Corse, ainsi que la volonté unanimement exprimée par l’Assemblée de Corse d’y faire face de manière adaptée, en raison des conséquences majorées de la crise pour ce territoire du fait de son insularité, de la spécificité de notre tissu économique et social et de la structure de nos recettes fiscales, les circulaires de droit commun étant moins adaptées à la situation corse.
Voilà les éléments que nous souhaitions porter à votre connaissance.
Nous voterons bien sûr la ratification de ces ordonnances, que la menace d’un troisième confinement justifie d’autant plus.