Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 16 février 2021 à 14h30
Ratification de diverses ordonnances pour faire face à l'épidémie de covid-19 — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

L’urgence peut justifier le recours à ce dispositif, mais il ne peut en aucun cas justifier que vous inscriviez dans la loi des habilitations que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste considère comme floues et larges.

Le sort réservé à Bpifrance est particulièrement significatif : l’ordonnance procède à une réorganisation totale de sa gouvernance et ses activités, alors que vous n’étiez autorisé qu’à « renforcer sa capacité à accorder des garanties ». Aujourd’hui, l’amorce d’un long processus de dépossession de la banque publique par les acteurs privés est à l’œuvre, sans que nous puissions refuser l’accès des actionnaires à son conseil d’administration. Les règles du débat parlementaire nous contraignent à valider cette décision stratégique ; croyez-moi, nous saurons nous en souvenir.

L’objectif consistant à permettre à Bpifrance d’accorder massivement des prêts aux entreprises était louable – ça l’est encore –, mais cela nous invite à beaucoup de prudence.

Quelque 660 000 entreprises, soit 20 % d’entre elles, se sont endettées auprès des banques commerciales à des taux d’intérêt supérieurs à 2 % ; je le rappelle, l’État emprunte à cinquante ans au taux négatif de 0, 14 %. C’est une rémunération importante pour les établissements de crédit, dans un contexte de taux bas et alors que 90 % du risque est couvert par l’État. En résumé – vous m’excuserez pour la formule –, pendant la crise, les banques s’enrichissent, avec une certaine complicité de l’État…

Le risque de non-remboursement des prêts garantis par l’État pourrait atteindre, selon Nicolas Dufourcq, directeur de Bpifrance, 7 % des souscripteurs. Ce scénario découle du faible taux de refus – 3 % – et représente un effet d’aubaine pour les acteurs bancaires, qui pourraient sortir de l’opération avec 2 milliards d’euros de bénéfice, quand l’État devra couvrir 8 milliards d’euros de pertes.

Le volume de prêts accordés est deux fois moins important que ce qu’avait prévu le Gouvernement et 65 % des entreprises qui en ont bénéficié ne le décaisseront pas. L’exclusion du champ des administrations publiques de la nouvelle BPI permet de s’affranchir des règles de déficit budgétaire, d’éviter le risque de contradiction avec le principe d’universalité budgétaire et de limiter l’autorisation du Parlement. Les crédits de la BPI risquent donc d’échapper au contrôle de ce dernier.

Nous avons déjà eu l’occasion de saluer la création, pour faire face à la crise sanitaire, du fonds de solidarité, vous le savez. Pour autant, ce dispositif nous semble souffrir encore d’une grande complexité et d’une grande illisibilité.

Les entreprises subissent, dans leur activité, les conséquences de la crise. Je ne prendrai qu’un seul exemple pour illustrer leur incertitude. Pardonnez-moi de parler du département dont je suis élu – d’autres pourraient citer le leur –, mais, dans le Val-de-Marne, le 11 février dernier, 19, 6 % des entrepreneurs individuels n’avaient toujours pas touché leur versement du fonds de solidarité du mois de décembre ; qu’est-ce que cela veut dire ? Cela représente 4 500 entrepreneurs individuels. Pourtant, vous-même l’admettez, cette aide leur est indispensable pour couvrir leurs charges fixes, qu’ils ne peuvent payer en retard.

Un cinquième des entreprises auraient bénéficié à tort du fonds de solidarité. Or, après avoir dépecé les services du fisc – nous avons longtemps évoqué ce sujet dans cette enceinte et avons même soutenu à la quasi-unanimité des amendements relatifs aux moyens donnés à ces services –, vous êtes dans l’obligation de recruter des contractuels pour pallier cette carence de personnel. Il est impératif de récupérer les 30 millions d’euros ciblés.

Vous devez concilier contrôle et réactivité dans le versement des aides. Il y va du destin de nos entreprises fragilisées.

La condition de la confiance retrouvée exige la garantie pendant plusieurs mois d’un montant minimum par catégorie d’entreprises. Notre amendement déclaré irrecevable allait dans ce sens, en prévoyant le versement d’un pourcentage de chiffres d’affaires perdu pour toutes les entreprises, loin de l’aide inéquitable de 1 500 euros, eu égard à leur situation économique. Il faudrait aussi en finir avec le principe de seuil, qui, par exemple, exclut une entreprise au motif qu’elle n’aurait perdu que 49 % de son chiffre d’affaires et non la moitié, conformément aux règles actuelles.

Pour conclure, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe comprend une partie de vos réponses à la crise, mais nous vous demandons de bien vouloir soutenir nos propositions pour améliorer le texte. Si ces amendements étaient retenus, nous voterons le texte. À défaut, nous nous abstiendrons.

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