Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est une réforme attendue par les courtiers et par les consommateurs. Nous avions eu l’occasion d’en débattre lors de l’examen de la loi Pacte, texte pour lequel j’ai un intérêt tout particulier, et sur l’initiative de sénateurs, notamment MM. Bizet et Yung, avec le soutien du Gouvernement et de la commission spéciale du Sénat. Comme présidente de la commission spéciale à l’Assemblée nationale sur la loi Pacte, j’avais à l’époque pleinement soutenu l’objectif de mieux accompagner les activités de courtage. Puis, le Conseil constitutionnel a finalement considéré l’article concerné comme un cavalier législatif.
C’est un honneur d’être aujourd’hui devant vous, et peu de temps après le passage du texte à l’Assemblée nationale, pour réaffirmer notre désir commun en faveur d’une telle réforme. Ce texte apporte des réponses pragmatiques à nos entreprises de courtage pour pérenniser et renforcer la confiance des Français à leur égard, et donc leur viabilité. Il répond à la nécessité de protéger le consommateur, par la promotion d’un haut niveau d’exigence professionnelle pour l’ensemble du secteur.
Au cours des dix dernières années, nous avons renforcé les règles en matière de protection du consommateur dans la sphère financière. Pourtant, force est de constater que ces règles ne sont pas toujours respectées : il y a, d’un côté, le manque de responsabilité de certains acteurs ; il y a aussi, de notre côté, parfois un manque de contrôle. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n’est en mesure de réaliser que 70 contrôles par an, alors que nous avons près de 40 000 courtiers et mandataires en assurances et 13 000 courtiers et mandataires en opérations de banque et services de paiement.
Au détriment de tous les professionnels de bonne foi, un tel contexte a permis le développement de pratiques malhonnêtes. Pour citer quelques exemples, nous pouvons parler du développement des garanties d’assurance construction placées chez des acteurs situés en dehors de nos frontières, à Gibraltar notamment. Faute de provisionnement adéquat, ces sociétés ont fait faillite en cascade à partir de la fin de l’année 2017, laissant les assurés sans aucune protection. Nous en avons tiré les leçons à l’échelon européen par un meilleur contrôle des activités transfrontalières. Mais nous devons aussi en tirer les leçons en France s’agissant de la distribution de garanties que l’on sait parfois douteuses.
Je pense également à la pratique du démarchage téléphonique en assurance, qui s’est multipliée ces dernières années. La loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux était une première réponse. Je crois que nous pouvons aller plus loin pour contrer les purs schémas d’escroquerie et le démarchage abusif. J’aurai l’occasion de vous présenter un amendement du Gouvernement en ce sens ; j’espère qu’il trouvera consensus ici.
Pour que les Françaises et les Français puissent donner au courtage toute la confiance que ce métier mérite, il paraît indispensable que celui-ci s’organise, en actant la création d’associations professionnelles agréées, dont la relation avec l’ACPR sera consacrée dans la loi. Ces associations agréées seront chargées du suivi de l’activité et de l’accompagnement de leurs membres. À ce titre, elles offriront un service de médiation et vérifieront les conditions d’accès et d’exercice de l’activité, ainsi que le respect des exigences professionnelles, dans une logique de conseil et d’accompagnement.
Dans le souci de favoriser la diversité nécessaire pour que chaque professionnel se sente à son aise, plusieurs associations seront créées. À ce jour, huit associations professionnelles ont déjà indiqué être prêtes à déposer leur dossier d’agrément. Cela démontre que le secteur est déjà en ordre de marche et, encore une fois, que cette réforme est attendue ou, en tout cas, trouve d’ores et déjà une réponse dans la pratique des professionnels.
Les acteurs exerçant des activités en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d’établissement pourront également adhérer à ces associations professionnelles agréées. Le droit européen ne nous permet pas de les y contraindre. Il s’agira donc d’une faculté, mais il est probable que la grande majorité de ces acteurs souhaiteront y recourir dès lors que cette adhésion constituera, pour les clients français, une marque de sérieux, d’engagement et un gage de confiance dans leur courtier.
Concrètement, les associations agréées seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité.
Quant aux professionnels, ils disposeront également de garanties importantes. Ainsi, la demande d’adhésion à l’association donnera lieu à une réponse dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de réception d’un dossier complet. En cas de refus, celui-ci devra être strictement motivé et pourra faire l’objet d’un recours devant les tribunaux.
En dehors d’une modification opérée en commission sur laquelle je vous proposerai de revenir un peu plus tard, le Gouvernement apporte aujourd’hui tout son soutien à cette proposition de loi nécessaire à la pérennité de notre réseau de courtage, en particulier des courtiers de proximité, dont la présence est si importante pour les assurés. Nous souhaitons qu’elle puisse être promulguée dans les meilleurs délais, afin que sa mise en œuvre puisse intervenir au printemps 2022 pour permettre une transition du secteur et renforcer dans la durée la présence des courtiers auprès des Français, en toute confiance.
En cet après-midi, je vais m’autoriser une formule facile qui – on ne va pas se mentir – a laissé de marbre vos collègues députés, mais dont je ne doute pas qu’elle trouvera à vos oreilles une plus juste résonance : nous faisons une réforme pour le courtage, mais pas une réforme pour le court terme !