Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que nous devions marcher vers une simplification massive de l’administration, alors que nous ne cessons de dénoncer, comme une majorité de Français, le poids de la suradministration, des normes et des régulations dans tous les domaines, comme la santé ou la recherche, et alors que nous avons supprimé les centres de gestion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, nous nous réunissons aujourd’hui, contrairement à toute attente, afin de débattre sur la création d’une nouvelle obligation administrative pour les courtiers en assurances. Cette obligation est évidemment doublée d’une charge financière non productive.
Pour tout vous avouer, j’avais d’abord déposé un amendement de suppression de l’article unique de cette proposition de loi lors de son examen en commission des finances ; je considérais que les efforts de simplification n’étaient pas respectés et que l’Orias pouvait remplir cette tâche sans créer de strate supplémentaire. Cependant, au cours de nos échanges en commission, j’ai pris conscience que le nombre des inscriptions et résiliations des intermédiaires en assurances et de leurs mandataires était considérable : pas loin de 11 000 chaque année. J’ai également pris conscience que les courtiers en assurances devaient remplir des obligations de médiation, de formation et de garanties financières. Cet aspect est aujourd’hui peu suivi compte tenu de la taille moyenne des structures.
En revanche, je ne vous cache pas que j’espérais que cette proposition de loi protégerait les assurés des courtiers étrangers, mais aussi des sociétés d’assurance immatriculées dans des pays européens qui exercent aujourd’hui en France au titre de la libre prestation de services, les fameux LPS, et ce sans les obligations de solvabilité ou de garantie financière que doivent respecter les entreprises françaises. Mais rien sur ce sujet – je le regrette.
Dans le texte que nous examinons aujourd’hui, il est proposé que les courtiers en assurances qui dépendent de l’autorité de contrôle, à savoir l’ACPR, et sont immatriculés à l’Orias dès leur installation et dont l’adhésion est renouvelée chaque année soient adhérents d’une association professionnelle à partir du 1er avril 2022. Les associations agréées assureront, moyennant une cotisation annuelle d’environ 500 euros qui sera à la charge du courtier, la médiation pour les litiges entre courtiers et clients et l’information sur les nouvelles règles législatives ou normatives et sur la garantie financière ; elles vérifieront le respect des exigences professionnelles, en particulier l’obligation de formation. Le contrôle et la sanction des mauvaises pratiques resteront à la charge de l’ACPR, et l’Orias poursuivra ses missions sans étendre ses compétences.
Ces associations auront la possibilité de prévenir l’ACPR et les autres associations en cas d’irrégularité, mais elles pourront également édicter des recommandations en termes de bonnes pratiques ou de prévention des conflits d’intérêts. J’espère que ces recommandations seront d’ordre général et ne se transformeront pas en obligations nouvelles se traduisant en contraintes pour les professionnels du courtage dans les prochaines années. Le risque, c’est bien qu’à nouveau la libre concurrence et la recherche d’innovation fassent les frais de ce formalisme normatif contraignant.
Il est indispensable pour un assuré de pouvoir juger lui-même de la compétence d’un courtier motivé par le mérite et la passion. L’uniformisation des pratiques serait contraire à l’intérêt de l’assuré. Le Gouvernement s’était d’ailleurs engagé à défendre la liberté d’entreprendre et d’innover, mais quelle ne fut pas ma surprise en voyant l’amendement qu’il a déposé en dernière minute et qui a pour but d’imposer à tout intermédiaire en assurances d’enregistrer ses conversations téléphoniques avec ses clients et de les archiver pendant deux ans, le but étant prétendument de limiter le démarchage commercial des plateformes d’appel.
L’idée est louable, si c’est pour éviter le démarchage commercial par des plateformes à distance qui ne respectent pas la vulnérabilité des personnes, mais l’amendement reste compliqué à accepter pour les professionnels, assureurs et banquiers, qui ne pourront appeler un prospect ou un client pour lui faire une nouvelle offre sans enregistrer la conversation. C’est une disposition compliquée, alors que nous développons la mobilité, les portables et le télétravail. Compliquée aussi, car elle impose des normes aux professionnels de proximité, qui, aujourd’hui, ne posent pas de problème.
On peut également se demander si cet amendement est conforme à la Constitution, puisqu’il impose quelque chose aux assureurs et aux banquiers, mais pas aux autres démarcheurs.
Enfin, est-ce que cet amendement suffira pour stopper le démarchage par les plateformes situées à l’étranger ? Je n’en suis pas sûr. De ce fait, vous ne réglerez pas le problème réel, mais vous handicaperez des professionnels de proximité qui travaillent sur l’ensemble du territoire.
Je regrette que cet amendement ait été déposé sans concertation avec les professionnels de l’assurance et de la banque. La commission des finances a d’ailleurs déposé un sous-amendement afin que cette disposition soit revue avec les professionnels et mieux adaptée à l’objectif.
En conclusion, je dirai que cette proposition de loi impose à nouveau un coût non productif aux courtiers en assurances du territoire, sans régler le problème de la concurrence étrangère peu scrupuleuse. Cependant, j’estime qu’elle a le mérite d’assurer la médiation pour les courtiers, ainsi que la formation, l’information et la garantie financière. Il serait en revanche inutile de l’étendre aux agents généraux et mandataires de leur compagnie, qui, à l’instar des banques, ont déjà mis toutes ces obligations en œuvre. Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte.