Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 16 février 2021 à 21h00
Renouvellement des conseils départementaux et régionaux — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c’est une imposture », déclarait Antoine de Saint-Exupéry. Ces mots justes nous renvoient directement à une notion fondamentale que nous oublions parfois à l’heure de la crise sanitaire, celle de la participation.

La participation et la confiance sont les maillons essentiels de la démocratie. C’est pourquoi nous nous félicitons de l’adoption en commission mixte paritaire du projet de loi visant à reporter les élections départementales et régionales. À l’heure où la pandémie de la covid-19 fait ressortir les maux les plus profonds de notre société et génère un mal-être sans précédent, nous nous devons de réaffirmer au sein de cet hémicycle, garant des libertés, les valeurs de notre démocratie représentative.

Devant cette situation, il faut bien le reconnaître, le report était essentiel pour permettre la tenue d’une campagne dans des conditions propres à conserver le pluralisme et le débat entre tous les candidats à ces élections. Ces dernières ont parfois été reléguées au rang d’élections mineures, alors qu’elles sont si importantes pour nos collectivités locales.

La covid-19 bouleverse nos institutions. Le durcissement des mesures de couvre-feu, puis de confinement, a rapidement fait apparaître qu’il serait difficile d’observer un retour à la normale d’ici au mois de mars prochain et, a fortiori, d’organiser une campagne électorale. Réunies à la mi-février, les assemblées ont donc pris acte de ce report aussi logique qu’inévitable. Telle est en tout cas la position exprimée par le Sénat et réaffirmée en commission mixte paritaire, ce qui revient à acquiescer au principe de ce report de trois mois. Oui, l’épidémie bouleverse nos institutions, nos libertés publiques et nos échéances institutionnelles !

Nous avons largement débattu et amendé ce projet de loi, et mon groupe se félicite de l’accord de nos deux chambres, qui confirme la volonté d’une démocratie apaisée. Nous sommes réalistes face aux impératifs sanitaires et calendaires. Cela ne signifie pas pour autant que nous acceptons de mettre durablement entre parenthèses le principe constitutionnel de périodicité des scrutins. Ces élections doivent avoir lieu – et auront lieu –, non seulement pour l’équilibre de nos institutions, mais aussi pour garantir que la parole de nos concitoyens soit entendue et que notre démocratie perdure.

Comme l’a dit notre rapporteur Philippe Bas, « la démocratie ne saurait être confinée ». Reporter les élections départementales et régionales au mois de juin 2021 doit permettre de préparer leur bon déroulement. Cela n’a rien d’impossible, loin de là : nombre de nos voisins européens organisent ou ont organisé des scrutins cette année. Nous avons pu l’observer en Catalogne, pas plus tard que le week-end dernier. Tout aussi près de chez nous, l’Allemagne organisera plusieurs élections régionales et nationales à partir du mois de mars… C’est pourquoi les dates préconisées par le Sénat des 13 et 20 juin 2021 pour l’organisation des scrutins nous satisfont. Nous pouvons collectivement nous féliciter que le Gouvernement les ait retenues.

Reste que ce report imposé par la situation est loin d’être anodin et ne doit pas constituer le premier pas d’une démarche de procrastination, par laquelle on verrait les élections être systématiquement repoussées au moindre rebond de l’épidémie. Il nous faut vivre avec ce virus, et, si la situation perdurait, nous devrions nous adapter tant dans notre manière de faire campagne que dans notre processus de vote.

Ce texte adopté en commission paritaire permettra le recours aux doubles procurations et garantira la fourniture par l’État d’équipements de protection adaptés dans les bureaux de vote. Ces mesures nous sont familières, en ce qu’elles avaient déjà été proposées par le Sénat, l’an dernier, en marge des discussions sur le deuxième tour des élections municipales. De plus, notre chambre haute s’est assurée de la tenue d’un double scrutin pour éviter une fragmentation de la participation et garantir à nos administrés simplicité et sécurité sanitaire.

Malheureusement, certaines de nos propositions ont été écartées, notamment celles qui étaient relatives à la déterritorialisation des procurations. C’est regrettable, car elles auraient pu utilement contribuer à restaurer la confiance des électeurs et lutter contre l’abstention, redoutable en période de crise sanitaire.

Après plus d’un an de crise et de sacrifices, les Français méritent de renouer avec leurs droits de participation à la chose publique – au-delà d’un droit, c’est une nécessité.

D’autres apports du Sénat continuent de figurer dans le projet de loi et procèdent à des ajustements bienvenus du déroulement des scrutins et du fonctionnement des collectivités. C’est par exemple le cas de l’adaptation du calendrier budgétaire des régions et des départements, intégrée par les amendements de notre collègue Catherine Di Folco, qui permet, là encore, d’ajuster nos institutions à la crise actuelle.

L’adaptation et la métamorphose de la démocratie doivent également passer par la prise en considération des nouveaux moyens électoraux, au bénéfice de nos électeurs. En tant qu’élue du Havre, qui recourt aux machines à voter depuis 2005, j’ai moi-même souhaité en sécuriser l’utilisation pour ce double scrutin départemental et régional. Ce n’est pas une première, puisque des tests ont été réalisés dès 2008 pour des scrutins municipal et départemental… Je me félicite de ce que cet amendement ait été repris par l’Assemblée nationale.

Avec une efficacité qui n’est plus à prouver et habilitées à recevoir un double scrutin, les machines à voter permettent de voter dans un seul et unique bureau, en minimisant les risques de contamination. Elles diminuent aussi le nombre de personnes engagées dans la gestion des bureaux de vote – point qui n’est pas négligeable en période de crise sanitaire –, permettant ainsi d’envisager une organisation simplifiée et adaptée aux plus petites communes.

À l’heure où la démocratie cherche à se réinventer, le débat autour du moratoire des machines à voter prendra une place prépondérante dans les discussions que nous tiendrons à l’avenir. Le regain d’intérêt que ces machines suscitent ces derniers jours rompt totalement avec la frilosité gouvernementale manifestée depuis 2007, date à laquelle le moratoire a été décidé, sans que personne ait pu démontrer véritablement les risques liés à leur utilisation.

Espérons que les communes qui le souhaitent pourront rapidement se doter de machines nouvelle génération, une fois le moratoire levé. Espérons aussi que les discussions qui auront lieu jeudi prochain ne soient pas l’arbre qui cache la forêt de l’utilisation régulière et constante des machines à voter dans de nombreuses communes…

Quoi qu’il en soit, le projet de loi, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire, nous semble satisfaisant. Notre groupe votera donc en sa faveur, dans le seul but de montrer que, face à la crise, la démocratie fait bloc.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion