Intervention de Olivier Véran

Réunion du 17 février 2021 à 15h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Olivier Véran :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi soumise à votre examen est un texte important par les engagements qu’il concrétise comme par les ambitions dont il est porteur. Ces engagements sont ceux du Ségur de la santé ; ces ambitions répondent à la situation d’un système de santé qui, depuis un an, fait face à l’impensable.

Voilà un an, je franchissais les portes d’un ministère sur le point d’affronter une crise historique, qui n’est pas encore derrière nous. D’une brutalité inouïe, l’épidémie qui nous frappe est combattue par nos soignants depuis le premier jour : ces femmes et ces hommes, en ville comme à l’hôpital, ont fait face et permis à la France de tenir.

Il fallait les applaudir, mais aussi et surtout les reconnaître ; j’allais dire : les reconnaître enfin.

Le Ségur de la santé n’a pas été un énième grand barnum, une consultation de plus avant un rapport qui terminerait dans je ne sais quel tiroir. Des sommes extrêmement importantes ont été mises sur la table, pour des revalorisations sans précédent. C’est un fait. Signées le 13 juillet dernier à Matignon, ces revalorisations profitent à l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux de l’hôpital, notamment public.

Au-delà de ces revalorisations, attendues depuis bien longtemps par-delà les âges et les alternances, le Ségur de la santé a permis de dresser un diagnostic solide et partagé de l’ensemble de notre système de santé. Nous n’avons éludé aucun sujet : investissements, pour regarder l’avenir avec confiance ; gouvernance, pour redonner le pouvoir à ceux qui soignent – en tout cas, partager les processus de décision ; élargissement des compétences des professionnels de santé.

Après la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, cette proposition de loi vient donner force de loi aux engagements pris dans ce cadre. Je salue le travail et la rigueur de son auteure, Mme Stéphanie Rist, ainsi que sa détermination à changer la donne pour l’ensemble de notre système de santé.

Après l’Assemblée nationale voilà quelques semaines, le Ségur de la santé franchit donc à nouveau les portes du Parlement. S’il était indispensable de donner la parole aux soignants, il ne l’était pas moins que les représentants de la Nation s’emparent d’un sujet qui concerne tous nos concitoyens. Je remercie chacune et chacun d’entre vous pour le travail d’enrichissement et de consolidation que vous avez mené en commission et qui, je n’en doute pas, sera poursuivi dans cet hémicycle.

Parlons-nous clairement : le texte qui résulte des travaux de la commission des affaires sociales présente, à l’évidence, de nombreuses qualités, mais le Gouvernement ne partage pas l’ensemble de ses orientations.

Le Ségur a préconisé la réhabilitation du rôle et de la place du service au sein de l’hôpital, pour mettre fin aux excès de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, en reprenant notamment une préconisation, consensuelle, formulée dans son rapport par le professeur Olivier Claris.

Cette proposition de loi répond également à la revendication, ancienne et renforcée par la crise sanitaire, visant à laisser une plus grande liberté d’organisation interne des établissements de santé à la main des acteurs locaux. La crise a montré que les collectifs de soins savaient s’adapter, s’organiser et surmonter des situations extrêmement sensibles sans attendre un accord, une validation ou un feu vert venu d’en haut.

Si, dans un hôpital, les communautés sont d’accord pour adapter l’organisation médicale, pour mettre en place une gouvernance un peu différente de celle de l’établissement d’à côté, au nom de quoi les en empêcherait-on ? Faut-il vraiment que les règles applicables à un centre hospitalier universitaire de plusieurs dizaines de milliers de salariés soient, au mot près, calquées sur celles d’un hôpital de périphérie, plus petit et aux missions parfois différentes ?

Nous devons continuer à progresser en matière de démocratie hospitalière. À cet égard, ce texte prévoit de faire siéger au sein du directoire des établissements publics hospitaliers un représentant des personnels non médicaux, un représentant des étudiants en santé et un représentant des usagers. Cela semble aller de soi, mais ce n’est pas actuellement le cas. Nous le devons aux personnels paramédicaux, aux étudiants et aux usagers, parce que l’expérience vécue, quelle qu’elle soit, a sa place quand il s’agit de prendre des décisions.

Certains membres de la commission des affaires sociales se sont inquiétés, émus même, du manque d’ambition de ce texte, notamment en matière de gouvernance, craignant des dissonances normatives et une forme d’insécurité juridique.

Je tiens à rassurer chacun : l’ordonnance prévue à l’article 37 de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (loi OTSS), relative aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), est en cours de concertation avec l’ensemble des acteurs, et les commissions médicales de groupement (CMG) seront demain des instances décisionnelles dans la vie de ces établissements. Par voie de conséquence, les missions des commissions médicales d’établissement (CME), des présidents de commission médicale d’établissement (PCME) et des présidents de commission médicale de groupement (PCMG) sont revues dans l’ordonnance, ainsi que certaines recommandations du rapport Claris, qui ont fixé le cap que nous suivons.

La réforme de la gouvernance hospitalière, j’y tiens ; elle est en train de se dessiner, avec celles et ceux qui, demain, présideront aux destinées de l’hôpital public dans notre pays.

Par ailleurs, le Gouvernement poursuit sa la lutte contre l’intérim médical – une orientation déjà au cœur du plan « Investir pour l’hôpital » défendu par ma prédécesseure. Ce mercenariat désorganise l’offre de soins dans nos territoires et peut mettre à mal les finances de nos hôpitaux : le déficit de certains établissements correspond, à l’euro près, aux surdépenses liées au recours contraint à l’intérim médical…

Plus précisément, la proposition de loi rend effectif, une bonne fois pour toutes, le plafond réglementaire de l’intérim médical, en obligeant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de cette limite. L’intérim n’est pas à jeter, comme l’on dirait, avec l’eau du bain : il peut être intéressant, important même, en tout cas avoir sa place ; mais lorsqu’il devient la règle, en dehors de tout cadre budgétaire, la situation peut devenir proprement scandaleuse. Pour qui connaît la vie d’un service, c’est aussi et surtout une plaie qui mine la cohésion de toute une équipe.

Par ailleurs, ce texte renforce un certain nombre de mouvements nés l’été dernier, avec le Ségur de la santé. Je pense en particulier à l’extension du champ de compétences de certaines professions, au premier rang desquelles les sages-femmes et les masseurs-kinésithérapeutes. Permettre à des professions comme celles-là d’accomplir des actes qui leur étaient jusqu’alors impossibles, c’est faire le choix de la confiance et de l’efficacité ; c’est faire le pari que notre système de santé ne relèvera pas les défis qui l’attendent en ménageant les guerres de chapelles et les prés carrés.

J’ai énuméré les grands axes de la proposition de loi : à bien les regarder, je les trouve nombreux et importants pour un texte qui manquerait d’ambition… Il est vrai qu’il est toujours temps d’enrichir, d’améliorer, de renforcer un texte ; tel est évidemment l’objet de nos travaux.

Une ambition, ce sont d’abord des moyens. Or les moyens sont là et bien là, en monnaie sonnante et trébuchante, personne ne pourra le contester.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de voir le Ségur de la santé se poursuivre à partir de cet après-midi dans votre hémicycle. Les enjeux sont clairs : nous devons trouver ensemble les voies et moyens par lesquels les mesures décidées l’été dernier trouveront à s’appliquer concrètement, sur le terrain, dans les territoires, dans chaque service hospitalier de France.

Je salue encore une fois le travail de toutes celles et de tous ceux qui ont déjà enrichi ce texte et qui contribueront à lui donner la force d’une promesse tenue. Je ne doute pas que nous parviendrons à surmonter nos désaccords pour faire avancer ensemble, et pour de bon, des sujets qui ne peuvent plus attendre !

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