Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire confiance et simplifier : l’intitulé de cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, est riche de promesses.
La crise sanitaire a contribué, depuis un an, à inscrire ces objectifs fédérateurs au cœur des attentes des acteurs de santé. Exprimée tant dans le Ségur de la santé que dans la mission sur la gouvernance hospitalière présidée par le professeur Claris, leur aspiration, légitime, est de se recentrer sur leur cœur de métier : le soin.
Malheureusement, le choc de confiance et de simplification tant attendu n’est clairement pas au rendez-vous de ce texte. La commission en a déploré le contenu disparate et, sur certains volets, chétif, le prisme et le manque de vision stratégique.
De fait, cette proposition de loi ne nous paraît pas porter haut l’ambition pour notre système de santé que ses acteurs de première ligne, au front de l’épidémie depuis un an, sont aujourd’hui en droit d’attendre. Cette ambition appellerait, selon moi, la discussion d’un texte à l’ossature plus forte, plutôt que procédant à des ajustements.
Surtout, la cohérence de certaines mesures que nous sommes appelés à examiner est mise à mal par le calendrier de la discussion, des ordonnances structurantes pour l’hôpital, prévues par la loi relative à l’organisation et la transformation du système de santé, dite loi Ma santé 2022, n’ayant pas encore été publiées.
Bien que contraints par les règles de recevabilité des amendements, les membres de la commission des affaires sociales ont adopté une version largement remaniée de ce texte.
D’abord, nous en avons d’abord recentré l’objet en supprimant dix articles sur trente-sept, portant principalement sur des évolutions de trop faible portée ou, selon nous, insuffisamment préparées. En particulier, nous avons supprimé l’article 1er, qui créait une profession médicale intermédiaire aux contours indéfinis : engagée, je crois, sans concertation avec les professionnels intéressés, cette mesure n’avait pas sa place dans un texte censé rétablir la confiance avec les acteurs.
D’autres évolutions envisagées dans les missions des professionnels de santé sèment la confusion dans la logique du parcours de soins, sans répondre à la demande légitime de ces professionnels de voir leurs compétences reconnues. Là aussi, nous avons déploré l’absence d’une ligne directrice claire.
Ensuite, nous avons rejeté des mesures engagées dans la précipitation, dont les potentiels effets collatéraux ne nous ont pas paru maîtrisés. Ainsi, la commission a réaffirmé le rôle majeur des associations dans l’encadrement des bénévoles qui interviennent dans le contexte, si sensible, des lieux de soins, en refusant les dérives que pourrait entraîner la notion de bénévole individuel.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la gouvernance hospitalière, je ne puis vous cacher, monsieur le ministre, que la déception de la commission est réelle.
Nous déplorons d’abord un problème de méthode : la proposition de loi, d’une part, traite de plusieurs sujets pour lesquels le Parlement a très largement habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances et, d’autre part, se borne, malgré l’ambition de son titre, à hisser au niveau législatif des dispositions réglementaires existantes.
Surtout, nous regrettons que les propositions traduites par le texte soient, pour la plupart, des traductions, parfois édulcorées, des recommandations émises par le professeur Claris au terme de sa mission sur la gouvernance hospitalière ou issues de la concertation du Ségur de la santé.
La possibilité de former une commission médico-soignante, le droit d’option en matière d’organisation interne, la recomposition du directoire, le plan de gouvernance et de management et même la lutte contre l’intérim médical sont autant de mesures dont l’annonce produit certes un effet de courte durée, mais dont la faible envergure est unanimement regrettée par les acteurs médicaux et administratifs que nous avons auditionnés.
Devant ce texte, la commission avait deux options, chacune pouvant se justifier aux yeux de l’opinion : le rejeter en bloc, son adoption devant en fin de compte n’entraîner que peu de changements, ou tenter de l’améliorer en profondeur. C’est la seconde voie que nous avons choisie.
Nous avons adopté une position qui me paraît équilibrée, de prudence mais de méfiance, à l’égard des GHT, à propos desquels la commission avait commandé à la Cour des comptes une étude spécifique, dont elle a tenté de tirer profit.
Nous avons supprimé l’article 4 quater, le considérant comme une véritable provocation à l’égard des praticiens hospitaliers, dont la vie privée subissait une atteinte manifestement disproportionnée.
La commission a fait part de son intérêt pour plusieurs initiatives qui seront discutées en séance en ce qui concerne l’inégalité de traitement entre l’activité libérale exercée par un praticien hospitalier d’un établissement public de santé et l’activité libérale exercée par un praticien salarié d’un établissement de santé privé à intérêt collectif (Espic).
Surtout, la commission a réécrit les articles 5 et 6, pour exploiter à fond les opportunités ouvertes par les dispositions à peine esquissées du texte initial. Elle a sécurisé les compétences du chef de service afin d’éviter tout chevauchement avec celles des chefs de pôle. Elle a fait droit à la demande très ancienne d’approfondir la délégation de gestion au sein de l’établissement.
Enfin, elle s’est attelée à traiter l’une des causes du défaut d’attractivité de l’hôpital public pour les personnels paramédicaux. Mes auditions ont montré qu’il est en grande partie lié à un défaut de représentation auprès de la direction. Nous avons donc prévu l’inscription de la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT) au rang des organes représentatifs de l’établissement public de santé, ainsi que l’élection de son président par ses membres.
À toutes ces avancées, saluées par les acteurs, le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir peu constructive, en déposant une série d’amendements visant à rétablir l’ensemble des articles touchant à la gouvernance hospitalière dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Leur examen donnera lieu, dans la discussion des articles, à des explications plus détaillées.
Fidèle à ses positions, la commission a accueilli favorablement les initiatives, de tous bords politiques, servant la construction d’un hôpital public moins contraint et plus soucieux d’assurer à ses personnels l’attractivité qui lui fait aujourd’hui tant défaut. Nul doute que le texte qui résultera de nos débats répondra davantage aux maux et aux attentes de nos soignants.
Néanmoins, notre tâche est encore loin d’être achevée. Face au problème, désormais structurel, de l’abandon résigné de l’hôpital public par nos gouvernements successifs, la commission a une nouvelle fois rappelé qu’aucune mesure législative ne pourrait durablement se substituer aux revalorisations salariales qui s’imposent. L’urgence est là, impérieuse. Mais avec le mauvais génie français de la réforme, il semble que les évidences les plus criantes restent encore ignorées…
Mes chers collègues, ayant eu le souci de tirer le meilleur parti possible de ce texte, la commission peut vous en présenter une version, sinon parfaite, du moins nettement améliorée. Elle recommande au Sénat d’adopter la proposition de loi dans le texte issu de ses travaux.