Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit sur l’immense déception de la quasi-totalité des acteurs de santé quant à cette proposition de loi – après le Ségur, le rapport Claris, le mouvement social et surtout la crise sanitaire –, tant sur le fond que sur la méthode.
Si nous saluons l’abandon de la création d’une profession médicale intermédiaire, il convient de rappeler que la reconnaissance et l’évolution attendues des compétences, en vue d’un décloisonnement des professions de santé, ne doivent pas correspondre à un glissement des tâches vers des personnels formés « sur le tas », sans parcours qualifiant, dans le seul but de libérer du temps médical.
Ce mouvement doit au contraire consacrer un réel niveau d’autonomie et être cadré par des diplômes nationaux.
Nous sommes favorables à des délégations de tâches, de missions et de responsabilités au sein d’un véritable parcours de formation professionnelle. La montée en charge du diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée doit être obligatoirement couplée avec le renforcement des moyens humains.
Cette offre doit s’articuler et non se confondre ou entrer en concurrence avec les spécialisations infirmières en bloc opératoire, puériculture ou anesthésie, dont le champ de compétences et d’exercice comprend, de fait, celles requises pour la pratique avancée paramédicale.
Dès lors, avec des moyens humains à la hauteur des besoins, l’effet sur l’efficience du temps médical aura un impact positif.
La proposition de loi poursuit la lente mais nécessaire reconnaissance du métier de sage-femme, profession médicale à part entière, à compétences définies mais sous-déployées.
II est temps de poursuivre l’élargissement du champ de compétences des sages-femmes à partir de leur cœur de métier, et de reconnaître leur place dans le parcours de soins, et le décloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital.
Nous ne prendrons pas le tournant attendu et nécessaire vers plus de prévention et de promotion de la santé, parents pauvres des politiques publiques de santé, sans nous appuyer sur cette profession médicale qui maille finement le territoire, pour la santé des femmes et du nouveau-né.
C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient les articles en ce sens et les enrichira.
Rappelons que pour cette profession comme pour d’autres, le compte des accords du Ségur n’y est pas, ce qui justifie le mouvement social actuel.
Autre occasion manquée de la proposition de loi, l’accès aux soins de kinésithérapie et d’orthophonie n’a pas été amélioré, alors qu’il contribuerait à éviter des passages tardifs aux urgences ou – pire – des renoncements aux soins, dans le cadre d’une politique de prévention et de fluidité du parcours.
L’article relatif à la lutte contre l’intérim est révélateur, par son coût indécent, d’une volonté politique obligée de se manifester quand les conséquences des logiques austéritaires deviennent insupportables et contreproductives.
La solution pour assécher l’intérim réside en partie dans la revalorisation sensible des missions de service public, notamment les gardes et les astreintes, mais il faut aussi améliorer rapidement les conditions d’exercice à l’hôpital, en recrutant massivement pour renouer avec le sens du travail bien fait, et permettre la réduction du temps de travail et du recours obligé aux heures supplémentaires.
L’intérim reste parfois le seul moyen de maîtriser son temps.
En attendant, l’injonction paradoxale entre continuité du service et soumission au chantage des sociétés intérimaires ne peut peser sur le seul directeur d’établissement.
Autre axe de cette proposition de loi, la gouvernance acte le retour du service ou, du moins, sa réaffirmation après la contestation majoritaire de l’organisation par pôles.
En revanche, aucun enseignement n’est vraiment tiré de ce qui a permis à l’hôpital de fonctionner pendant la crise. Cette dernière aurait pu inspirer de véritables avancées en matière de démocratie participative, au-delà du seul management participatif, notamment en s’appuyant sur tous les acteurs du terrain.
Or l’hôpital reste largement médico-centré, vertical et descendant, loin des aspirations des jeunes générations de salariés qui, au-delà de salaires décents, aspirent à davantage de participation aux décisions. La gouvernance, élément essentiel de l’attractivité, attend toujours sa réforme en profondeur.