Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.
Monsieur le ministre, alors que vous nous aviez habitués à présenter des textes qui n’avaient pas toujours les moyens de leurs ambitions, nous avons découvert avec étonnement un texte qui n’avait pas les ambitions de son titre !
Le Ségur de la santé, qui a eu lieu entre mai et juillet derniers, s’annonçait pourtant prometteur. Or cette proposition de loi, présentée comme la traduction législative des mesures issues de cet accord qui ne relèvent pas du domaine budgétaire, est plus que décevante. Nous ne pouvons que le regretter.
La crise sanitaire a de nouveau illustré la lourde tâche qui incombe quotidiennement aux professionnels de santé. Il est devenu urgent de revaloriser ces professions à la hauteur de la responsabilité qui est la leur.
Toutes les voies possibles ont été explorées, afin de recueillir le maximum de points de vue et de témoignages : concertations, groupes de travail, consultations en ligne. Plusieurs thématiques avaient été déterminées à l’avance, afin de déterminer les objectifs et les solutions proposées pour répondre aux malaises des personnels soignants.
À l’image du grand débat national, la méthode utilisée lors de ce Ségur était annonciatrice des limites qui seraient atteintes lors de la traduction législative de ces enjeux primordiaux. En effet, monsieur le ministre, nous sommes plusieurs dans cet hémicycle à vous avoir alerté sur les conséquences prévisibles d’une limitation du Ségur de la santé à certaines professions de santé et, en particulier, sur le fait d’exclure les professions de santé libérales.
À l’image de son cheminement, cette proposition de loi est hospitalo-centrée. Elle ne saisit pas l’essence même des difficultés rencontrées quotidiennement par nos concitoyens en matière d’accès aux soins. Notre système de santé est un tout. On ne peut pas prétendre le simplifier en se limitant à certaines professions. Cela crée au minimum de l’incompréhension et provoque, dans le pire des cas, un profond sentiment d’iniquité et de colère.
Je reviendrai également sur le vecteur législatif utilisé pour traduire les conclusions du Ségur. Est-ce de l’impréparation ? C’est peut-être un euphémisme quand on sait que ce texte a été déposé une première fois, puis retiré faute de cohérence et de solutions, avant d’être à nouveau redéposé, alors que les premières interrogations n’avaient toujours pas trouvé de réponses satisfaisantes.
Je m’interroge également sur la pertinence d’aborder une thématique de cette ampleur par le prisme d’une proposition de loi. Un projet de loi semblait bien plus adapté et, surtout, davantage à la hauteur de l’enjeu que représentent les difficultés rencontrées par les professionnels de santé et l’ensemble de nos concitoyens en matière d’accès aux soins.
La simplification est une attente, c’est vrai. La confiance, elle, se mérite ! En fait, je doute profondément de la méthode choisie par le Gouvernement pour aborder ce dossier auquel nous sommes évidemment très attachés, et à propos duquel les attentes étaient fortes.
Que dire d’un texte qui fait référence à des ordonnances qui, à ce jour, n’ont pas été publiées ? Que dire d’un texte sur lequel, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, l’avis du Conseil d’État n’a pas été sollicité ?
Vous avez déjà répondu à cette dernière question : le Gouvernement a souhaité mieux valoriser l’initiative parlementaire en privilégiant cette méthode de travail. Il est vrai qu’un des travers de ce quinquennat a souvent été de vouloir abaisser le rôle du Parlement. Et pourtant, j’ai du mal à me faire à l’idée que cette proposition de loi marquerait un regain d’intérêt de la part de l’exécutif vis-à-vis du pouvoir législatif.
Monsieur le ministre, les avis exprimés par l’ensemble de mes collègues, sur de nombreuses travées de cette assemblée, sont révélateurs de la profonde déception qui est la nôtre concernant ce texte.
Son champ d’action très limité nous a empêchés d’aborder de nombreuses thématiques qui semblaient pourtant prioritaires et urgentes. Bon nombre de catégories de professionnels de santé ne comprendront pas qu’après une loi Ma santé 2022 en demi-teinte, cette proposition de loi se concentre principalement sur la médecine hospitalière.
Pour autant, le groupe Les Républicains a souhaité travailler sur ce texte et l’enrichir.
Si, au travers de cette ambition d’améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, nous avions perçu une volonté forte de faire en sorte que le parcours des patients soit plus simple, et ce avec une qualité de soins identique sur l’ensemble du territoire, nous aurions pu nous y retrouver.
Hélas, ce texte ne règle pas grand-chose. Les professionnels de santé sont désabusés. Plus qu’une faute politique, c’est une faute morale que commet l’exécutif en proposant un texte si peu ambitieux et si peu convaincant. Le temps long, si cher à notre Haute Assemblée, saura vous le rappeler : vous aviez vu, vous aviez su, mais en définitive, vous auriez dû !
Et puisque la confiance figure dans l’intitulé de ce texte, monsieur le ministre, je profite du temps de parole qui m’est donné pour vous demander si vous entendez publier rapidement le décret d’application de la mesure votée sur l’initiative du Sénat dans la loi Santé de 2019, qui impose aux internes en médecine de troisième année une période de professionnalisation d’au moins six mois en zone sous-dotée.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, j’ai interrogé la ministre chargée de l’autonomie à ce sujet. Elle nous a alors affirmé que le décret paraîtrait rapidement, car la mesure est censée entrer en application le 1er novembre prochain. Qu’en est-il exactement ? La confiance, c’est aussi cela, monsieur le ministre, et je souhaite vous faire confiance !