Intervention de Olivier Véran

Réunion du 17 février 2021 à 15h00
Amélioration du système de santé par la confiance et la simplification — Discussion générale

Olivier Véran :

Je répondrai brièvement aux différents points abordés et à quelques-unes des questions directes qui m’ont été posées.

D’abord, le Ségur de la santé ne se résume évidemment pas à cette proposition de loi. L’immense majorité des mesures non salariales figurant dans le Ségur relèvent du domaine réglementaire et non du domaine législatif, ce qui nous permettrait d’aller bien au-delà du périmètre de ce texte.

Il a beaucoup été question des ordonnances GHT ; le sénateur Jomier en a ainsi parlé à plusieurs reprises. Le délai d’habilitation court jusqu’au 25 mars : il n’y a donc plus beaucoup à attendre. D’ailleurs, je le disais dans mon intervention liminaire, ces ordonnances font actuellement l’objet d’une concertation avec les différents acteurs. Vous le verrez, leur contenu est, je pense, équilibré ; elles répondent en grande partie aux préconisations du rapport Claris, dont je rappelle qu’il avait été très bien accueilli.

Je vous propose, si vous le désirez, madame la présidente Deroche, de venir présenter ces ordonnances devant votre commission dès qu’elles auront été publiées.

Madame la sénatrice Imbert, vous m’avez posé une question sur le renforcement de l’attractivité des zones sous-denses pour favoriser l’appropriation des futurs métiers. Vous avez notamment parlé de la maîtrise de stage ambulatoire.

Nous visons deux objectifs, qui sont pour moi indissociables : l’augmentation du nombre de maîtres de stage pour parvenir à une capacité de formation suffisante sur le territoire ainsi que le maintien, voire, si nécessaire, l’amélioration de la qualité de l’encadrement des internes sur le plan tant pédagogique que professionnel.

Dans le cadre d’un groupe de travail spécifique du Ségur de la santé, des travaux sur la diversification des terrains de stage ont été menés. Les services de mon ministère y travaillent aujourd’hui : nous souhaitons que ces stages s’effectuent et se développent dans les territoires dans des conditions garantissant la qualité de la formation. Nous devrions aboutir dans les tout prochains mois.

S’agissant de votre seconde question, madame la sénatrice, je vous donnerai une réponse précise et factuelle : le décret 2020-951 du 30 juillet 2020 relatif aux conditions de l’agrément des maîtres de stage des universités accueillant des étudiants de deuxième et de troisième cycle des études de médecine a été pris en application du III de l’article 2 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Si vous le souhaitez, mes services pourront compléter ma réponse.

J’ajoute que l’esprit du Ségur, c’est l’esprit de la liberté retrouvée et du retour du sens pour celles et ceux qui exercent leur mission dans une structure de type hospitalier.

L’esprit du Ségur, c’est de permettre à chacune et à chacun de s’organiser, non pas librement – on ne va pas transformer l’hôpital en phalanstère ! –, mais selon des règles moins rigides. C’est finalement rendre non opposable une partie du code de la santé publique, non pas pour mettre en cause la qualité, la sécurité ou la continuité des soins, mais pour réformer l’organisation interne de l’hôpital.

Pardon de le dire, mais j’ai moi aussi porté une blouse blanche pendant un certain temps. La disparition du service et l’organisation en pôles ont certes eu du bon, mais les services ont tout de même été beaucoup regrettés…

Concernant les modalités de gouvernance interne, le discours très dur du président de la République de l’époque, déclarant en 2007 qu’il n’y avait qu’un seul patron à l’hôpital, le directeur, n’a pas non plus été sans conséquences sur l’état d’esprit qui règne depuis plus de dix ans dans nos établissements de santé.

Je ne dis pas pour autant que la réforme était mauvaise. Je dis simplement que les transformations sont nécessaires au bout d’un certain temps, au terme d’un certain cycle, quand on se rend compte que les externalités négatives des décisions qui ont été prises commencent à l’emporter sur leurs aspects positifs.

Redonner une certaine souplesse à l’organisation de l’hôpital ne signifie certainement pas que l’on oppose de nouveau directeurs et médecins. Je n’ai jamais compris ce débat, peut-être parce que j’ai eu la chance de toujours évoluer dans des hôpitaux où le directeur et le président de la CME fonctionnaient en binôme.

Je crois profondément qu’en donnant la possibilité aux uns et aux autres de modifier leur gouvernance interne, on apporte une solution à beaucoup de problèmes.

L’un des maux qui ronge l’hôpital – il n’en a pas été question lors de la discussion générale –, ce sont les conflits interpersonnels. C’est dévastateur !

La qualité de vie à l’hôpital passe aussi par notre capacité à donner à chacun le sentiment d’être entendu, écouté, libre dans l’exercice de son métier et respecté.

Pendant la crise de la covid-19, les directeurs, les soignants, les médecins, les personnels paramédicaux ont tous regardé dans une seule et même direction : soigner, sauver des vies, et s’organiser dans ce but.

Il a fallu prendre des décisions très vite : elles ont été prises ! Il a fallu s’écarter du code des marchés publics lors de l’état d’urgence sanitaire pour pouvoir acheter de quoi bâtir en catastrophe, en quarante-huit heures, des services d’urgence extérieurs à l’hôpital : on a pu le faire ! En revanche, dans la vie quotidienne, ça ne va pas.

Pardonnez-moi de faire de nouveau appel à mon expérience professionnelle personnelle, mais j’ai eu la chance de pouvoir monter un hôpital de jour en neurologie au CHU de Grenoble, et je me souviens très bien d’un cas, parmi d’autres : pour traiter des patients souvent jeunes atteints de scléroses en plaques, appelés à recevoir une perfusion pendant une ou deux heures, j’avais préféré disposer, plutôt que de lits, de fauteuils confortables, compatibles avec l’administration de perfusions.

On pouvait installer trois fauteuils à la place de deux lits, et j’avais identifié des fauteuils qui, bien que confortables, ne coûtaient pas très cher – un peu plus d’un millier d’euros pièce –, de nature à rendre l’espace plus accueillant, plus moderne et propice à une prise en charge vraiment ambulatoire.

Catastrophe : dans le code des marchés publics, vous trouviez un seul type de fauteuil – à 30 000 euros pièce ! C’est cela, aussi, la rigidité à l’hôpital. Franchement, si j’avais pu, je serais même allé plus loin que les mesures qui ont été proposées, notamment en matière de code des marchés publics. Mais, en la matière, il existe une législation européenne très contraignante.

Il ne faut pas avoir peur de donner de l’autonomie aux établissements. Il faut évidemment encadrer les choses par des règles, mais il ne faut pas désigner un patron du doigt en lui disant : « C’est toi qui vas être responsable de tout le monde » ! Ce n’est pas ainsi que les choses doivent se passer.

Le CHU de Grenoble, c’est 10 000 feuilles de paie ; on ne peut pas confier toute la responsabilité à une seule personne, quand bien même celle-ci serait extrêmement dévouée et talentueuse. Il faut donc repenser l’organisation et la gouvernance internes.

À cette exigence, les éléments contenus dans cette proposition de loi répondent en partie, le reste relevant du domaine réglementaire – nous aurons l’occasion d’en débattre.

Je ferai un point sur les Espic, les établissements de santé privés d’intérêt collectif ; le sénateur Bernard Bonne en a parlé.

J’avais entrevu l’idée de déposer des amendements sur ce sujet, mais ils eussent été susceptibles d’être déclarés irrecevables, à l’Assemblée nationale, au titre de l’article 45 de la Constitution, et il me paraissait difficile d’envisager une situation dans laquelle mes propres amendements seraient ainsi rejetés…

Vous comprendrez donc que j’y aie renoncé. Néanmoins, j’examinerai avec beaucoup d’attention ceux que vous avez déposés, monsieur le sénateur, ainsi que ceux de certains de vos collègues ; je pense à M. Xavier Iacovelli ; ils me semblent vraiment intéressants. Nous aurons l’occasion d’en parler : personne, évidemment, ne doit être abandonné ou oublié.

Quant à la médecine de ville, elle répond à une organisation qui, à proprement parler, relève non pas du domaine législatif, mais des négociations conventionnelles entre la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie, l’Unocam, et les syndicats. C’est le cadre du dialogue social qui a été déterminé par la loi de 2004 et que je respecte, évidemment.

Des dispositions sont prises qui concernent la médecine de ville. Certaines sont déjà opérationnelles – je pense notamment aux mesures sur l’investissement du Ségur. D’autres seront décidées dans le cadre de la convention ; les débats et les échanges avaient commencé, mais ils ont été suspendus compte tenu de la proximité des élections professionnelles, ce contexte n’étant pas propice à la conclusion d’accords.

Les discussions reprendront sitôt les élections professionnelles passées, et nous allons évidemment travailler à l’articulation entre la médecine de ville et l’hôpital.

Je me bats depuis des années pour que l’on casse les silos entre la ville et l’hôpital ou entre le médico-social et le médical. On a vu, pendant la crise du covid-19, que l’on était plus efficace quand on cassait les silos, et c’est vraiment l’état d’esprit qui m’anime.

Or je parviens à retrouver mes bébés, si j’ose dire, dans un certain nombre d’articles de cette PPL, à laquelle je crois. Je le répète, il s’agit d’un travail parlementaire, que vous avez la possibilité, en tant que parlementaires, de modifier et d’enrichir. Aussi, débattons !

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