Intervention de Brigitte Lherbier

Réunion du 18 février 2021 à 14h30
Justice de proximité et réponse pénale — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Brigitte LherbierBrigitte Lherbier :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la violence a changé de nature ces dernières années ; les nombreux faits divers nous le rappellent tous les jours. La montée de l’individualisme et le développement des incivilités du quotidien nuisent au vivre ensemble. Nous devons tous agir pour endiguer ce phénomène préoccupant ! Force est de constater que les délais souvent trop longs de la réponse pénale, la permissivité de la société et l’incertitude de la peine n’ont rien arrangé.

Les auteurs de cette proposition de loi ont cherché à apporter une réponse concrète, rapide et certaine aux petits délits du quotidien. Je tiens à saluer cette volonté qui va dans le bon sens, car rien n’est pire que de donner un sentiment d’impunité à un primo-délinquant : c’est lui donner le permis de recommencer.

Les mesures alternatives proposées dans ce texte sont fort intéressantes, en ce qu’elles proposent une réelle sanction et mettent l’auteur de l’infraction face à ses responsabilités. Dorénavant, ce dernier pourra, à la demande du procureur, réparer ses actes, en remettant en état les choses dégradées, en remettant l’objet du délit aux autorités, en n’entrant pas en relation avec la victime ou avec les complices ou encore en s’acquittant d’une contribution dite citoyenne.

Lors de mon mandant d’adjointe au maire en charge de la prévention et de la sécurité à Tourcoing, j’ai activement contribué au développement des chantiers TIG. Les magistrats et les élus locaux, comme les Français, plébiscitent à juste titre cette sanction éducative. §Je me déplaçais très souvent sur les chantiers TIG de Tourcoing – rien de tel pour analyser l’impact des mesures réalisées ! – et les jeunes me présentaient quelques fois avec fierté leurs réalisations – travaux de peinture dans les écoles, rénovations de salles de sport, etc. C’était souvent leur première expérience positive de vie, ils en étaient même surpris. Autrefois, seuls les petits boulots ingrats, voire dévalorisants, étaient proposés – c’était bien dommage.

Certes, pour le primo-délinquant, une mesure de TIG constitue avant tout une sanction, mais en réalité cette peine alternative, qui lui évitera la prison, peut représenter une seconde chance, une occasion de montrer qu’il peut s’intéresser à quelque chose – encore faut-il lui en donner l’opportunité. Cela lui apprend qu’il doit se former pour avoir un métier et ainsi retrouver autonomie et respect.

La réussite de la mise en place de tels chantiers dépendait souvent de la confiance entre l’élu et le JAP. Il n’est pas toujours évident de trouver un interlocuteur et d’établir cette relation. J’espère donc que la simplification des règles relatives à l’exécution des TIG facilitera son déploiement.

Le 20 décembre dernier, le ministère de la justice a publié son rapport annuel sur la délinquance, qui a établi que 41, 4 % des personnes condamnées à de la prison ferme pour des délits récidivent, soit près d’un individu sur deux ! Il est plus que temps de chercher des peines alternatives et de travailler collectivement.

Il nous faut comprendre ce qui mène à la récidive et la façon dont on peut la prévenir. La fonction essentielle de la sanction est d’acter la faute commise. La peine, quant à elle, permet d’intimider et de freiner les intentions néfastes. Les victimes doivent se sentir écoutées et, si celui qui leur a causé du tort est sanctionné, elles sont satisfaites. La prison reste incontournable dans certains cas, mais quoi qu’il en soit, sanctionner justement et rapidement demeure une obligation pour garantir l’avenir de notre pays.

Aussi, il est plus que temps de mettre des moyens pour adapter les peines à chaque situation.

La proximité, que ce soit pour la police, l’université ou encore la justice, est aujourd’hui revendiquée par nos concitoyens. La raison est simple : les Français ne veulent pas tomber dans l’anonymat. En effet, justiciables, victimes et auteurs des infractions ne sont pas des numéros, mais des êtres humains.

Se faire cambrioler est une lourde épreuve pour celui qui en fait les frais et les plaintes en ligne ne sont pas suffisantes. Il faut aussi pouvoir être écouté et, souvent, les élus locaux – j’ai moi-même fait de nombreuses permanences – ont un rôle d’écoute à jouer afin que la souffrance ne soit pas banalisée.

Le délinquant doit être arrêté dans sa progression criminogène le plus vite possible. La proximité permet de bien cerner son acte et sa prise en charge par une sanction adaptée. La police, si elle est organisée en proximité, donnera une analyse précise du contexte. Les magistrats et les avocats, s’ils sortent des universités locales, seront concernés par l’impact de leur travail autour du délinquant qu’ils connaissent bien. Et s’ils travaillent avec la PJJ et les élus locaux, la réaction sociale sera plus efficace.

En revanche, la sanction doit rester ferme, forte, juste et surtout rapide.

L’informatisation de la justice ne doit être qu’un outil à la disposition de cette proximité – combien de fois l’ai-je répété à votre prédécesseure !

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