Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous abordons l’examen d’un texte qui ne pose pas de difficulté et que notre groupe votera.
J’ai bien entendu, monsieur le garde des sceaux, grâce à votre sens de la répétition, et donc de la pédagogie, que ce texte portait sur la justice de proximité et qu’il était la conséquence d’un budget qualifié de « significatif ».
M. le Premier ministre avait évoqué sa volonté de promouvoir la justice de la vie quotidienne. Il avait même proposé la création de juges de proximité, qui avaient pourtant été supprimés en juillet 2017. Les services de la chancellerie se sont orientés, de manière plus raisonnable, vers une justice dite « de proximité ».
Pour commencer, j’exprimerai des réserves sur l’usage du mot « proximité », qui traduit très souvent pour d’aucuns une idée ou un programme à lui seul, mais qui finit par être dépourvu de toute consistance – je ne parle pas de la chancellerie.
De combien de programmes avons-nous eu à connaître sur le thème : « mon programme, c’est la proximité » ? La proximité est une manière d’être, un comportement, mais n’est pas en elle-même un programme d’action. J’avoue lui préférer depuis bien longtemps, dans nos gestions locales, la notion d’« accessibilité », tout simplement, et, en matière de justice, de respect du justiciable, comme de tout usager. En d’autres termes, la justice doit être accessible ; je ne suis pas sûr, monsieur le garde des sceaux, qu’elle doive être proche.
J’en viens à l’esprit du texte et à son contenu.
Vous proposez de perfectionner la panoplie des alternatives aux poursuites, c’est bien sûr une bonne chose.
Vous proposez également une contribution citoyenne. C’est une idée objectivement intéressante, originale dans notre droit. Nous connaissons bien la dimension punitive – la peine –, la dimension réparatrice – l’indemnité –, mais pas la pratique des dommages punitifs. Je ne veux pas dire par là que nous assistons à un début d’américanisation de notre système judiciaire. Je vous donne volontiers acte, monsieur le garde des sceaux, qu’avec une limite à 3 000 euros, nous sommes très loin d’une telle situation.
Cette idée est donc effectivement intéressante, mais il faudra évaluer sa pratique. Nous connaîtrons soit un échec complet, soit une réussite, auquel cas nous pourrions l’étendre. La contribution dite « citoyenne » est vue comme une alternative à la sanction, on pourrait y voir une alternative aux dommages. Combien de fois avons-nous entendu des parties civiles se poser cette question : est-ce que je demande un euro ou 2 000 euros de dommages et intérêts ? Quel sens cela a-t-il de réclamer 2 000 euros tout en assurant au président du tribunal qu’on les donnera ensuite aux Petits Frères des pauvres ?
Je raisonne là en termes non pas de sanctions, mais d’indemnisation : l’idée de demander qu’une indemnité soit versée à une association d’aide aux victimes plutôt qu’à la partie civile, même quand elle peut y prétendre, même quand elle a subi un préjudice, me paraît intéressante d’un point de vue intellectuel.
Le texte qui nous est soumis est bien sûr technique. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il soit de nature réglementaire. Nous savons tous que ce qui relève du droit de la peine est par essence de nature législative. Il est donc normal que l’ensemble de ces éléments soient soumis au Parlement.
Je dirai à présent quelques mots de la notion de travail d’intérêt général. Comme mes collègues, j’aimerais disposer d’un bilan de l’action de l’Agence nationale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes sous main de justice. Cette agence n’est pas très ancienne, sa création datant de 2018, mais nous aimerions qu’elle fasse l’objet d’une évaluation dès que cela sera possible. Je ne vous cache pas, monsieur le garde des sceaux, que le Sénat a plutôt la phobie des autorités administratives indépendantes, des agences, c’est-à-dire de toutes les formes de démembrement de l’État.
Une vieille règle très connue dans les collectivités locales, qui vaut également à l’échelle de l’État, veut qu’une institution, une fois créée, consacre son énergie à justifier son existence plutôt qu’à exécuter la mission qui lui est confiée ! Je ne dis pas que tel est forcément le cas de cette agence, mais nous vous demanderons de nous en apporter la démonstration.
J’évoquerai maintenant l’amende forfaitaire de cinquième classe, sur laquelle je n’émettrai aucune réserve. Je constate que l’idée de minoration en cas de paiement dans les quinze jours, qui avait fait débat à une époque, est désormais complètement entrée dans les mœurs. J’approuve l’application du même régime aux travaux non rémunérés en matière de composition pénale. J’avoue qu’il aura fallu ce texte pour me permettre d’appréhender la différence de nature juridique entre les travaux d’intérêt général et les travaux non rémunérés. Cette subtilité ne m’avait pas frappé jusqu’alors.
Vous voudrez bien me pardonner d’évoquer à présent une marotte : l’accessibilité, l’efficacité et la productivité de la justice. Ce n’est pas un gros mot de parler de productivité pour la justice. L’enjeu pour vous, monsieur le garde des sceaux, est aussi très largement de réussir vos chantiers informatiques. Je sais que vous en êtes conscient.