Vous m'interrogez sur le fonds de compensation. Notre pays devrait toucher 421 millions d'euros sur les 4,2 milliards prévus. La répartition a été faite sur des bases objectives, selon les secteurs et les régions les plus touchés. Je rappelle que nous avons un accord, grâce auquel le Brexit est ordonné. Si des tarifs et des quotas avaient été rétablis, pour le coup, cela aurait eu des conséquences extrêmement graves dans le domaine agricole, par exemple.
Parmi les secteurs les plus touchés figure clairement la pêche, puisque nous devrons rendre en cinq ans et demi 25 % - et non 100 % - de nos opportunités de pêche. Ces conséquences feront l'objet de compensations. Il faudra du temps pour évaluer les conséquences pour tous les secteurs. La Commission a proposé de donner une enveloppe nationale à chaque pays tout de suite. Ces enveloppes sont là et peuvent être utilisées immédiatement. Je recommande que vous gardiez le contact avec le ministre des affaires européennes français, et le ministre de la pêche, pour vérifier dans quelles conditions et comment cet argent est attribué.
Anne-Catherine Loisier a évoqué la non-régression. Encore une fois, je ne prétends pas que cet accord est parfait, mais il s'agit d'un compromis qu'il nous faudra juger dans la durée. À ce titre, vous aurez un rôle à jouer, notamment s'il faut que des outils de réplique ou de dissuasion soient utilisés. Cela inclut la capacité d'appeler à des mesures compensatoires quand on constatera des distorsions de concurrence, notamment dans le domaine des aides d'État.
Il n'est pas question d'instituer, comme le proposerait la commission environnement du Parlement européen, des contrôles communs avec les Britanniques à nos frontières. L'accord du Touquet est, lui, bilatéral. La France a créé environ 1 000 postes de douaniers supplémentaires, les Pays-Bas 700, la Belgique 400, pour contrôler les nouveaux flux qui ne l'étaient pas jusqu'au 31 décembre.
L'examen de conscience auquel nous appelle le Brexit s'applique aussi à l'administration européenne. À Bruxelles, pour trois périodes de cinq ans, j'ai eu la chance de travailler avec des fonctionnaires exceptionnels. Comme partout, si les bureaucrates prennent le pouvoir, c'est que les hommes politiques le leur ont laissé. Les commissaires et ministres doivent assumer leurs responsabilités et utiliser l'expertise des fonctionnaires, et non le contraire.
En ce qui concerne la filière sucre évoquée par Pierre Cuypers, ne nous faisons pas d'illusions sur le fait que les Britanniques signeront des accords commerciaux avec tous les pays du monde. Je suis convaincu qu'ils seront tentés de changer leur modèle alimentaire pour être moins dépendants de notre marché. S'il est directement touché par le Brexit, ce secteur peut tout à fait faire appel au fond d'ajustement par l'intermédiaire du gouvernement français.
Nous appliquerons rigoureusement les règles d'origine, qui permettent de protéger des centaines de milliers d'emplois chez nous. Nous avons trouvé des solutions dans certains domaines, comme pour les véhicules électriques. Mais nous ne voulons pas que le Royaume-Uni importe à bas coût des pièces du monde entier, les assemble en leur apposant la marque made in England puis devienne, à nos portes, un hub d'exportation sans tarifs ni quotas.
Il y aurait beaucoup d'inconvénients à rouvrir les négociations bilatérales parce que cela remettrait en cause tous les accords signés à 28, qui sont globalement positifs. Mais je suis conscient de ces questions.
Concernant la question de la langue anglaise, la règle est de prendre en compte l'intérêt de chaque pays, ce qui a largement contribué à l'unité. Les Vingt-Sept ont, par exemple, été solidaires de l'Espagne au sujet de Gibraltar. L'anglais constitue la langue d'au moins deux pays, l'Irlande et Malte, et restera donc l'une des langues de l'Union.
La question de Martine Berthet, qui a l'avantage d'être originaire de ma ville d'Albertville, concerne le tourisme. Pour moi, Brexit signifie Brexit et la situation sera amenée à changer pour les prestataires de services britanniques, qui ne bénéficient plus de la liberté de circulation et devront respecter les règles sociales locales, avec des permis de travail.