Je tiens à vous remercier, Madame la présidente, pour cette invitation à débattre d'une problématique très importante et je souhaiterais aussi remercier le Professeur Nisand qui a suggéré ma participation à cette table ronde afin de représenter la gynécologie médicale.
La Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) est une instance nationale composée de onze collèges régionaux, eux-mêmes constitués essentiellement de gynécologues médicaux mais aussi de gynécologues obstétriciens et de médecins généralistes. Ce qui fait la spécificité de la FNCGM est le maillage territorial que permet l'implantation des collèges régionaux, et l'exercice essentiellement libéral de leurs activités par les professionnels : nous bénéficions donc de multiples retours du terrain.
La fédération a pour rôle la défense et la valorisation de la gynécologie médicale.
La FNCGM se préoccupe depuis de nombreuses années déjà de l'insuffisance de l'offre de soins en gynécologie médicale du fait du manque de gynécologues médicaux mais aussi de l'évolution de la société avec les disparités géographiques que l'on connaît. Elle souhaite ainsi, à ce titre, l'augmentation du nombre d'internes de gynécologie médicale pour compenser à terme la baisse de la démographie.
Le gynécologue médical a un rôle essentiel dans la vie d'une femme. Il l'accompagne tout au long de sa vie avec des périodes charnières telles que l'adolescence, la grossesse, le désir d'enfant, la ménopause, avec pour chaque période des spécificités qui lui sont propres. Les champs d'activité sont très variés. La gynécologie va bien au-delà du dépistage du cancer col de l'utérus et de du sein et a une place très importante dans la prise en charge de la santé de la femme.
Les domaines d'expertise sont nombreux et reconnus : orthogénie, contraception à risque - prévention des IST, suivi des post-cancers, risque vasculaire - reproduction - PMA avec la problématique de la préservation ovocytaire - sexualité - gynéco, endocrinologie, suivi des femmes séropositives, oncogénétique, violences conjugales...
Nous avons pleinement conscience qu'il existe un déficit en matière d'accès aux soins en milieu rural. Outre la baisse démographique des praticiens gynécologues, qui en constitue le facteur principal, l'éloignement géographique doit être pris en compte, ainsi que les situations de précarité sociale, le manque d'information - beaucoup des femmes dans les territoires reculés ne savent tout simplement pas qu'elles doivent consulter ou se faire dépister -, ou encore la peur de consulter.
Dans les milieux sociaux défavorisés, il a été démontré qu'environ 40 % des femmes échappent au dépistage du cancer du col de l'utérus, et que beaucoup de patientes ménopausées ne consultent plus. En outre, les femmes en situation de précarité présentant des comorbidités, comme une obésité morbide, ou étant dans des situations de handicap, n'osent souvent pas consulter.
Pour lever les freins à la consultation, nous proposons d'abord d'aller à la rencontre des femmes en développant les journées de consultations dans les zones rurales reculées soit sous forme de cabinet secondaire soit de vacations hospitalières de proximité. Ceci implique de rendre ces consultations attractives pour les praticiens, tant en termes de plateau technique que de valorisation financière.
La prochaine campagne de dépistage du cancer du col de l'utérus s'accompagnera d'une augmentation très importante des demandes de colposcopie. Il faudra donc s'assurer que les femmes concernées disposent d'un accès de consultation facile pour cet examen, au travers des centres de soins secondaires ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Les CPTS constituent des structures très intéressantes en ce qu'elles permettent une prise en charge coordonnée de la santé de la femme, avec les autres professionnels compétents. Il convient aussi, bien entendu, de travailler avec les sages-femmes et les médecins généralistes, lesquels suivent d'ailleurs parfois des diplômes universitaires de gynécologie médicale.
Je pense aussi que l'on peut s'inspirer des initiatives qui existent déjà sur les territoires. Dans les Pays de la Loire par exemple, le collège de gynécologie travaille avec l'Union régionale des médecins libéraux (URML) et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) sur la possibilité d'assurer des consultations gynécologiques avancées dans des territoires de santé qui n'ont pas de spécialistes pour satisfaire au deuxième recours, avec la mise à disposition d'une salle et de matériel acheté par la commune.
Il faut proposer des solutions innovantes et développer les outils déjà à notre disposition. Les téléconsultations, dont le nombre a explosé avec l'épidémie de Covid-19, constituent un outil très intéressant, notamment pour des avis, bien qu'elles ne sauraient remplacer les consultations en cabinet. Dans les zones blanches où l'accès à Internet est très limité, créer des espaces de co-working permettant aux patientes d'avoir des téléconsultations avec un réseau correct serait d'une grande utilité.
La médecine itinérante, quant à elle, est une solution intéressante. Nous y sommes très favorables. Dans l'Orne, un camion « Mammobile » sillonne déjà depuis plusieurs années la campagne pour le dépistage du cancer du sein ; le dispositif s'étendra prochainement, à titre d'expérimentation, à toute la Normandie. Il conviendrait d'ailleurs que les services itinérants proposent les dépistages les plus complets possibles portant sur les cancers du sein, du col de l'utérus et du côlon.
Je pense qu'il faut aussi développer l'accès à l'information, car trop de patientes ne savent pas qu'elles doivent se faire suivre régulièrement. À cet égard, les relais locaux - mairies, pharmacies, salles d'attente des infirmières, sages-femmes et médecins généralistes, etc. - ont un rôle déterminant à jouer, sur le dépistage notamment. Il me semble également nécessaire d'informer les femmes de l'intérêt de la prévention, de la sensibilisation à la lutte contre les violences, des nouvelles techniques de procréation ou encore aider à la libération de la parole sur la sexualité, par le biais de conférences, ou de bus itinérants.
Quoi qu'il en soit, il faut proposer des solutions pérennes car s'agissant de la gynécologie, une relation de confiance, sur des questions intimes, doit pouvoir s'établir entre la patiente et le médecin.
Il convient enfin de tenir compte des spécificités de chaque territoire en s'appuyant essentiellement sur les relais locaux, les Agences régionales de santé (ARS), l'Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) et les Instances régionales d'éducation et de promotion de la santé (IREPS) qui connaissent bien le paysage médical.
Toutes les femmes, quels que soient leur lieu d'habitation et leur milieu social, doivent pouvoir bénéficier de consultations gynécologiques hyperspécialisées, avec une nécessité d'équité dans l'offre de soins. Les divers professionnels doivent, entre eux, articuler leurs domaines de compétence, dans l'intérêt des patientes.
Nous souhaitons que la FNCGM soit un interlocuteur permanent des décisions politiques concernant la santé des femmes et celle des couples de parents des enfants à naître. L'expertise en gynécologie médicale française devrait être développée et diffusée dans les autres pays d'Europe.