Je remercie la délégation aux droits des femmes du Sénat pour l'organisation de cette table ronde. Dans un monde où les droits des femmes ne sont jamais acquis, nous devons toutes et tous être mobilisés chaque jour pour leur préservation. Ce combat historique est toujours d'actualité pour défendre les droits des femmes, l'accès aux soins et leur liberté de disposer de leur corps. La défense des droits sexuels et reproductifs est indissociable de l'autonomie des femmes, de leur émancipation ainsi que de l'égalité entre les femmes et les hommes.
En 2017, en France, 78,5 % des IVG ont été pratiquées en établissement hospitalier, plus de 19 % en cabinet libéral et environ 2,2 % en centre de santé ou en centre de planification et d'éducation familiale. L'accès effectif à l'IVG dépend donc en grande partie de la carte hospitalière, notamment dans les zones rurales. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) notait dans son rapport de 2013 consacré à l'accès à l'IVG que les femmes ayant eu recours à une IVG étaient en moyenne à 30 minutes de l'établissement de prise en charge, mais que ce chiffre masquait de fortes disparités. Parmi les facteurs en cause, il soulignait l'impact des restructurations hospitalières et la fermeture d'hôpitaux de proximité, en particulier des maternités.
Depuis les années 1990, le nombre de maternités a fortement diminué. On dénombrait 814 maternités en 1996, 593 en 2005 et 512 en 2016. Pour conserver le maillage territorial de l'offre de soins, certaines maternités ont été remplacées par des centres de périnatalité de proximité, mais ces structures ont aujourd'hui des fonctionnements et des missions très variés. Aussi, une redéfinition et une restructuration de cette offre de soins, annoncée par le ministre, sont attendues et indispensables.
On assiste aujourd'hui à une raréfaction de l'offre médicale et à des disparités territoriales qui contraignent certaines parturientes à parcourir de longues distances pour accéder aux soins et en amènent d'autres à renoncer à leur suivi gynécologique. L'« Engagement maternité » annoncé par l'ancienne ministre des solidarités et de la santé vise à organiser des schémas de prise en charge pour les parturientes qui résident à plus de 45 minutes d'une maternité. Cet engagement doit devenir une réalité dans chaque territoire, peu importe la distance avec la maternité. Pour cela, il doit être construit par l'ensemble des acteurs du territoire et être présent dans le projet de territoire de santé.
Les sages-femmes constituent une référence de la santé génésique. Leurs compétences sont adaptées au suivi des femmes en bonne santé. Les sages-femmes accompagnent par essence les femmes dans leur grossesse, quelle qu'en soit l'issue. Mais la profession de sage-femme a muté pour suivre les évolutions et répondre aux besoins des femmes. Ainsi, les sages-femmes assurent le suivi gynécologique des femmes en bonne santé, et depuis la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), elles prescrivent la contraception.
Elles participent également, aux côtés des médecins et des gynécologues, au dépistage organisé du cancer du sein et du col de l'utérus. Depuis environ six à sept ans, les sages-femmes se sont véritablement emparées de cette compétence en matière de suivi gynécologique de prévention. Auparavant, elles rencontraient des difficultés liées à l'invisibilité de la profession dans ce domaine et au manque de communication et d'information auprès de la population sur leurs compétences médicales.
Depuis la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, les sages-femmes peuvent également prescrire et pratiquer l'IVG médicamenteuse, oeuvrant au quotidien pour garantir l'accès à ce droit. Elles sont désormais des acteurs incontournables de la politique de santé publique et de la promotion de la santé.
La démographie des sages-femmes a suivi le développement de leurs compétences pour répondre à la mutation de l'offre de soins. Leur nombre est ainsi en augmentation constante depuis cinquante ans. Alors que nous n'étions que 8 000 en 1974, nous sommes aujourd'hui 24 000 sages-femmes en activité.
Le secteur libéral connaît un dynamisme prononcé, suivant en cela le virage ambulatoire. Entre 2000 et 2010, le nombre des sages-femmes libérales a crû de 6,7 % par an en moyenne. En 2011, 3 412 sages-femmes exerçaient en libéral ou en exercice mixte ; en 2018, elles étaient 7 065 et aujourd'hui, 35 % des sages-femmes exercent en libéral.
Le virage ambulatoire est une opportunité de santé publique, car il permet de garantir une offre de soins dense aux femmes et de répondre à leurs besoins, grâce notamment au rôle exercé par les sages-femmes.