S'agissant des données : on utilise d'abord celles dont on dispose, même si elles sont imparfaites. Un peu comme les économistes mesurent la croissance du PIB, alors même qu'on connaît les limites de cet indicateur : pour augmenter la croissance, il suffit de casser une vitre, ou qu'il y ait davantage de morts sur la route. Je ne jette donc pas la pierre au Gouvernement : au début de l'épidémie, on ne savait rien ou presque des modes de transmission du virus. Une première étude américaine a permis d'y voir un peu plus clair, mais les résultats étaient difficilement transposables à la France. Il a fallu attendre décembre pour qu'une étude de l'Institut Pasteur permette d'y voir plus clair : le pire, c'est évidemment les lieux privés et les repas.
La CNIL et les règles de protection des données personnelles ralentissent-elles notre capacité à agir ? La réponse est oui, c'est malheureusement très clair. Disposer d'institutions qui assurent le bon respect de la règle à tout moment, c'est aussi nous priver de cette capacité de « bac à sable » indispensable à l'innovation, qui est toujours une transgression.
Vous avez raison, nous aurions pu avoir une communication plus positive, par exemple sur le nombre de vie sauvées et non pas seulement de vies perdues. C'est arrivé trop tard, et trop peu. Ceci dit, nous nous sommes rendu compte que le choix n'était pas entre la mort et la vie, mais entre les morts directes et les morts indirectes, qui sont beaucoup plus difficiles à comptabiliser, comme par exemple les suicides étudiants. D'une manière générale, on regarde toujours les moyennes, alors qu'il faudrait regarder les écarts-types : dans cette crise, certaines personnes ne sont quasiment pas touchées, au-delà du petit désagrément de ne pas pouvoir aller au restaurant depuis octobre, d'autres voient le travail d'une vie s'effondrer.
Par « confinement individuel », entendez-vous un confinement en fonction des risques courus par chacun, ou plutôt un confinement laissé à la libre appréciation des individus ?