Intervention de Olivier Babeau

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 28 janvier 2021 à 8h30
Audition de M. Olivier Babeau professeur à l'université de bordeaux président de l'institut sapiens sur le thème « les nouvelles technologies et la crise de la covid-19 »

Olivier Babeau, président de l'Institut Sapiens :

Merci pour ces excellentes questions. Pour répondre à l'interpellation du sénateur Alain Richard, je précise que prévoir n'est pas souhaiter. Dans mes livres, je n'appelle en aucun cas de mes voeux une société en sablier, bien au contraire. J'insiste pour que l'Université remette dans ses programmes la culture générale, en particulier en début de cursus. Je propose qu'on fasse de l'épistémologie et de l'histoire des sciences à l'école, qui montre que les découvertes sont parfois combattues au début : Pasteur a été très critiqué. Il faut davantage enseigner la science. On doit en outre faire confiance à l'être humain pour s'approprier les nouveaux outils numériques. C'est l'éducation qui permettra de développer l'esprit critique. Par le passé, la donnée était rare et chère, mais elle était sourcée et on pouvait avoir confiance en elle. Désormais elle est abondante et le nouveau défi est de sélectionner les informations. Une réforme de l'éducation pour prendre en compte le nouveau contexte est donc nécessaire.

Mais, pour répondre aux enjeux du numérique, il convient aussi de mener la réforme de l'État qui continue à avoir le monopole de la violence légitime. Or, des plateformes numériques s'immiscent dans ce qui était dévolu à l'État. Facebook dit maintenant le vrai et le faux, décide de ceux qui ont droit de parler et de ceux qui n'ont pas ce droit. Facebook ne s'est rendu compte de son rôle social et politique qu'après son lancement. Le but initial de Facebook était et reste de faire du commerce. Le texte proposé par la Commission européenne, le DSA (Digital Services Act) propose une solution certes limitée mais qui constitue un juste milieu. Les réseaux sociaux ne seront plus considérés comme de simples hébergeurs, mais ils ne peuvent non plus être assimilés à des éditeurs qui vérifient tout ce qui est publié avant publication et en assument la responsabilité. En revanche, les réseaux sociaux ont une obligation de résultat ex post. Si une publication contrevient à la loi, le réseau social doit intervenir et le faire rapidement.

Le démantèlement des GAFA me paraît compliqué à mettre en oeuvre : si Google ne fonctionnait plus, on ne pourrait tout simplement plus travailler dans le pays ! Mais on a la possibilité de fixer des règles.

Concernant la réforme de l'État, j'estime qu'il conviendrait que l'État soit pensé moins comme une administration que comme une instance politique. Ce n'est pas parce qu'on a toutes les données qu'on peut prendre des décisions. La loi doit aussi fixer les priorités. Pour prendre un exemple : les opérateurs de télécoms ont des obligations en matière de couverture du territoire. Pourquoi ne pas imposer aussi des obligations aux géants du numérique ? Ne confondons pas fonction publique et service public : un opérateur privé peut rendre un service public. L'Institut Sapiens a fait un rapport consacré à l'Estonie, montrant que la modernisation de l'État y était passée par la mise en place de plateformes.

Je défends aussi l'idée que les parlementaires devraient pouvoir s'appuyer sur une structure comme le NAO (National Audit Office) britannique, équivalent de la Cour des Comptes, pour disposer d'une véritable puissance de feu dans l'évaluation des politiques publiques et jouer un rôle de contrepouvoir.

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