Intervention de Martine Filleul

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 3 mars 2021 à 8h45
Proposition de loi visant à lutter contre le plastique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Martine FilleulMartine Filleul, rapporteure :

La proposition de loi visant à lutter contre le plastique est la traduction législative de propositions issues du rapport de l'OPECST consacré à la pollution plastique, dont Mme Préville était co-rapporteure et qui avait fait l'objet d'une audition passionnante par notre commission il y a quelques semaines.

Ce rapport faisait suite à une saisine de l'Office par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. C'est donc presque naturellement que nous nous retrouvons aujourd'hui pour débattre de ce texte.

Cette proposition de loi fait d'ailleurs écho à un texte qui a mobilisé notre commission il y a plus d'un an, la loi AGEC. Je salue à mon tour Marta de Cidrac, rapporteure de ce texte, qui s'était beaucoup investie sur ce sujet et qui avait permis à la commission, par son sens du compromis, de relever l'ambition des pouvoirs publics en matière de lutte contre la pollution plastique.

Je forme le voeu que nous travaillions sur ce texte dans le même état d'esprit transpartisan qui fait la force de notre commission et qui fera encore sa force lors de l'examen à venir du projet de loi Climat.

Comme vous le savez, la pollution plastique constitue un fléau environnemental majeur, présentant un risque très important pour les écosystèmes et la santé humaine. À l'échelle mondiale, 359 millions de tonnes ont été produites en 2018. Ce chiffre devrait doubler d'ici à 2050. Aujourd'hui, 81 % des plastiques mis en circulation deviennent des déchets au bout d'une année. Tout cela donne une idée de l'ampleur du problème.

Pour répondre à cette menace, des initiatives politiques majeures ont été engagées tant au niveau européen qu'au niveau national. Je pense bien évidemment à la loi AGEC, qui constitue une avancée intéressante à laquelle notre commission a largement contribué. Il faut cependant aller plus loin et plus vite pour s'attaquer le plus en amont possible aux sources de pollution plastique. C'est la philosophie de cette proposition de loi, qui constitue un prolongement de certaines dispositions introduites par la loi AGEC.

L'article 1er vise à renforcer l'obligation relative aux fuites de granulés de plastique dans l'environnement, introduite à l'article 83 de loi AGEC sur l'initiative du Sénat, mais dont la portée a été légèrement amoindrie par l'Assemblée nationale. La rédaction de l'article 1er est quasiment identique à celle adoptée initialement par le Sénat. Les rejets annuels dans l'environnement de granulés industriels sont estimés, à l'échelle européenne, à 25 000 tonnes de plastique : il est urgent de prévenir la fuite de ces granulés qui s'accumulent sur nos littoraux et dans nos mers et océans.

L'article 2 vise à interdire, sans délai de mise en oeuvre, l'ajout intentionnel de microbilles plastiques dans les détergents. Ce dispositif avait été adopté en première lecture du projet de loi AGEC par le Sénat, avant sa réécriture intégrale par l'Assemblée nationale. Je rappelle que les rejets annuels de plastiques intentionnellement ajoutés à des produits tels que les détergents s'élèvent à 36 000 tonnes en Europe.

L'article 3 vise à assimiler les lâchers de ballons de baudruche en plastique à l'abandon de déchets dans l'environnement.

Enfin, l'article 4 prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement sur les impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux de l'utilisation par l'industrie textile de fibres plastiques pouvant être à l'origine de microfibres dans l'environnement.

À titre liminaire, je vous proposerai de modifier l'intitulé de la proposition de loi de manière à mieux l'articuler avec son objet : la lutte contre la pollution plastique, plutôt que la lutte contre le plastique. Ce texte vise bien à s'attaquer à la pollution induite par cette matière, plutôt qu'à la matière elle-même.

Je vous présenterai ensuite plusieurs amendements visant à s'assurer de la bonne application des dispositions de la proposition de loi.

Tout d'abord, je vous proposerai un amendement de réécriture de l'article 1er afin de mieux l'articuler avec le dispositif issu de la loi AGEC et avec le projet de décret pris pour son application, très récemment publié. Ainsi modifié, cet article permettrait de contraindre les sites concernés à déclarer annuellement les pertes et fuites de granulés et à mettre en place des systèmes d'information par voie d'affichage.

Lors de l'examen de la loi AGEC, l'Assemblée nationale était revenue sur ces obligations, initialement présentes dans le texte adopté en première lecture par le Sénat. Ces éléments s'avèrent pourtant indispensables à la bonne application du cadre de prévention introduit par la loi AGEC.

À l'article 2, afin de laisser un temps raisonnable aux producteurs pour retirer les produits mis sur le marché et pour modifier les procédés de fabrication à grande échelle, je vous proposerai une date d'entrée en vigueur légèrement différée de l'interdiction des microbilles plastiques dans les détergents au 1er juillet 2022. Les différentes auditions confirment que cette disposition d'interdiction ne pose pas de difficultés particulières : les substituts aux microbilles plastiques existent pour les détergents. Certains producteurs ont déjà changé leurs modes de fabrication.

Enfin, à l'article 3, je constate que le code de l'environnement permet d'ores et déjà de considérer un lâcher de ballons intentionnel comme un abandon de déchets dans l'environnement. Toutefois, cet article contribuera à clarifier le droit en vigueur. Je vous présenterai deux amendements rédactionnels.

Je vous proposerai enfin deux articles additionnels pour alimenter notre débat sur des sujets très importants.

Le premier concerne les déchets liés aux repas livrés à domicile : 600 millions d'emballages à usage unique seraient ainsi générés chaque année. Le marché connaît une croissance forte de plus de 30 % par an, accélérée encore par la pandémie de Covid-19. Ce phénomène est jugé préoccupant par les collectivités territoriales qui observent, depuis le début de la crise sanitaire, un retour des déchets plastiques dans l'espace public.

Pour répondre à cette problématique, le Gouvernement a annoncé en février 2021 la signature d'une charte par les acteurs du secteur afin de réduire les déchets d'emballages. Si l'initiative du Gouvernement peut être saluée, il est permis de s'inquiéter du caractère non contraignant de la charte et de son manque d'ambition à moyen terme. La situation est pourtant très préoccupante pour nos territoires en charge du service public de gestion des déchets.

C'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à ce que les plateformes de livraison de repas à domicile soient tenues, à compter du 1er janvier 2025, de proposer au consommateur final la livraison dans un contenant réutilisable et consigné.

Il s'agit toutefois d'une proposition ambitieuse. Je retirerai donc cet amendement, en espérant que cette piste de travail pourra être reprise par notre commission dans le cadre de l'examen du projet de loi Climat.

Le deuxième amendement que je vous proposerai concerne les granulés de plastiques utilisés sur les terrains de sport synthétiques. Ils se dispersent dans la nature à raison de 50 kilogrammes par terrain chaque année, pour un rejet total de 16 000 tonnes à l'échelle européenne.

Issus du recyclage des pneus en fin de vie, ces granulés contiennent des substances susceptibles d'avoir des effets nocifs sur les organismes marins.

Deux solutions alternatives sont proposées par un rapport de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui devrait très prochainement paraître : soit une interdiction, soit la mise en place de mesures techniques de confinement des terrains de sport. Ces solutions seront prochainement soumises à l'arbitrage de la Commission européenne et des États membres. J'estime que les mesures de confinement proposées ne présentent qu'une garantie limitée en matière environnementale par rapport à une restriction d'usage.

De surcroît, rien n'indique que ces mesures de confinement seront moins coûteuses à mettre en place pour les collectivités territoriales.

Enfin, des alternatives aux granulés plastiques pourraient être développées, d'ici à l'échéance fixée, sous forme de liège ou de noyaux d'olives broyés.

Je vous proposerai donc un amendement visant à ce que l'emploi de ces granulés sur les terrains synthétiques soit interdit pour les nouveaux terrains de sport mis en service à compter du 1er mars 2026. La position que nous pourrions adopter aujourd'hui pourrait inviter le Gouvernement à la retenir dans le cadre des négociations qui se dérouleront dans les mois à venir au niveau européen. Elle est également suffisamment réaliste et pragmatique pour donner une perspective aux collectivités territoriales, puisque seuls les nouveaux terrains de sport seraient concernés.

Le sujet de la pollution plastique est vaste. Il mériterait de s'intéresser à de nombreux autres sujets. Malheureusement, le temps imparti pour l'examen d'une proposition de loi nous contraint à nous limiter à certains points. J'espère que le projet de loi Climat nous permettra de prolonger le débat que nous engagerons aujourd'hui.

Avant de conclure, nous proposons à la commission un périmètre pour l'établissement du texte au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat s'agissant des cavaliers. Je vous propose de retenir dans le périmètre du texte les sujets suivants : éducation et sensibilisation des citoyens à la pollution plastique ; prévention de la pollution plastique par la réduction de la production de déchets plastiques et par la prévention des fuites dans l'environnement ; soutien à la réutilisation et au réemploi afin de réduire la production de déchets plastiques ; recyclage du plastique.

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