Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 3 mars 2021 à 8h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement, qui traduit une mesure forte portée par la Convention Citoyenne pour le Climat et reprise par le Président de la République, a été déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 20 janvier dernier. Il sera examiné en séance publique par nos collègues députés du mardi 9 au jeudi 11 mars prochain.

Il vise à introduire à l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 une phrase selon laquelle « Elle [La France] garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Le thème abordé par cette révision dépasse largement le strict cadre de l'organisation des pouvoirs publics pour inscrire au sein de l'article 1er de la Constitution, celui même où se trouvent rappelés les grands principes et valeurs qui définissent la République, une ligne d'action forte en faveur de la protection de l'environnement.

C'est tout naturellement que notre commission a souhaité se saisir pour avis : cette révision constitutionnelle renforce, au sommet de la pyramide des normes, dès les premières lignes de notre texte constitutionnel, la préservation de l'environnement, de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique, trois sujets qui relèvent de plein droit de la compétence de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cette révision constitutionnelle se veut un geste politique et juridique fort, à une place hautement symbolique, au sein de l'article le plus solennel de notre constitution, qui synthétise nos valeurs matricielles et l'ADN de notre République.

À l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, ce texte sera examiné au fond par la commission des lois, à qui sont d'office envoyés tous les projets de révision constitutionnelle.

À cette fin, une partie de nos travaux pourraient être conjoints, notamment l'audition, le 24 mars prochain, du garde des sceaux Éric Dupont-Moretti et, à la même date, une table ronde de juristes et professeurs de droit. Nous pourrions par ailleurs entendre des spécialistes du droit de l'environnement ainsi que des représentants d'associations afin d'évaluer au mieux l'opportunité de l'inscription envisagée à cette place constitutionnelle éminente et évaluer l'impact, notamment en termes contentieux, de ce nouveau principe d'action pour les pouvoirs publics.

Autant de questions essentielles au coeur des compétences de notre commission, que nous examinerons avec soin, rigueur et conviction, comme le Sénat sait si bien le faire.

En vue de cet examen, je vous propose de désigner rapporteur M. Guillaume Chevrollier.

La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi constitutionnelle n° 3787 (A.N., XVe lég.) complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement et désigne M. Guillaume Chevrollier en qualité de rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, nous devons également procéder à la désignation de nos rapporteurs sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, présenté par la ministre de la transition écologique Barbara Pompili.

Comme vous le savez, ce texte est censé constituer la traduction des propositions de nature législative formulées par la Convention citoyenne pour le climat.

Cette initiative avait été lancée par le Président de la République, je le rappelle, à l'issue du Grand Débat national qui succédait au mouvement des gilets jaunes.

L'objectif fixé aux citoyens était clair : proposer des mesures permettant de réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici à 2030 par rapport à 1990 et cela dans un esprit de justice sociale.

Nous devrons donc déterminer, le moment venu, si les mesures proposées, qui s'ajoutent à celles prévues par d'autres textes thématiques ou budgétaires, permettent d'atteindre ces deux objectifs climatique et social.

Il s'agira également de nous prononcer sur l'ambition globale du texte, alors que l'Union européenne a récemment rehaussé ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre de - 40 à - 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990, soit 15 points de plus par rapport à nos objectifs actuels, ce qui est très important ! L'Union européenne vise également la neutralité carbone en 2050.

Je sais que nous pourrons compter sur nos rapporteurs pour clarifier ces enjeux et évaluer les propositions du Gouvernement et des députés.

Le projet de loi a été déposé le 10 février dernier sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Il comporte actuellement 69 articles répartis en 6 titres, qui correspondent aux thèmes de travail de la Convention citoyenne pour le climat : consommer ; produire et travailler ; se déplacer ; se loger ; se nourrir ; renforcer la protection judiciaire de l'environnement.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale se réunira du lundi 8 mars au vendredi 19 mars pour établir son texte. La discussion en séance publique aura lieu à partir du lundi 29 mars et vraisemblablement jusqu'à la mi-avril.

À l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, ce texte devrait être examiné au fond par notre commission, avec des délégations au fond à la commission des affaires économiques.

Je sais que l'attente est assez forte dans l'ensemble des groupes politiques et je souhaite que nous puissions travailler dans un esprit de respect et une bonne ambiance qui font la force du travail sénatorial.

En vue de cet examen, j'ai reçu les candidatures de Mme Marta de Cidrac, MM. Pascal Martin et Philippe Tabarot pour exercer les fonctions de rapporteurs sur ce texte.

L'objectif doit être un travail collégial avec toutefois des spécialisations thématiques pour des raisons techniques et pratiques évidentes. Les rapporteurs se répartiront entre eux les articles sur lesquels ils travailleront.

La commission désigne Mme Marta de Cidrac, MM. Pascal Martin et Philippe Tabarot rapporteurs sur le projet de loi n° 3875 rect. (A.N., XVe lég.) portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous en venons maintenant à l'examen de la proposition de loi n° 164 visant à lutter contre le plastique, déposée par notre collègue Angèle Préville et plusieurs de ses collègues.

Ce texte est la traduction législative de plusieurs propositions du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) consacré à la pollution plastique, que Mme Préville et M. Bolo étaient venus nous présenter il y a quelques semaines.

Je profite de ce propos liminaire pour saluer une nouvelle fois Angèle Préville, dont le rapport constitue une véritable référence. Je salue également Marta de Cidrac, présidente du groupe d'études Économie circulaire. Sur son initiative et grâce à son sens du compromis, notre commission avait largement amélioré le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) sur le volet des plastiques. J'espère que nous aborderons cette proposition de loi dans un même état d'esprit constructif et volontariste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

La proposition de loi visant à lutter contre le plastique est la traduction législative de propositions issues du rapport de l'OPECST consacré à la pollution plastique, dont Mme Préville était co-rapporteure et qui avait fait l'objet d'une audition passionnante par notre commission il y a quelques semaines.

Ce rapport faisait suite à une saisine de l'Office par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. C'est donc presque naturellement que nous nous retrouvons aujourd'hui pour débattre de ce texte.

Cette proposition de loi fait d'ailleurs écho à un texte qui a mobilisé notre commission il y a plus d'un an, la loi AGEC. Je salue à mon tour Marta de Cidrac, rapporteure de ce texte, qui s'était beaucoup investie sur ce sujet et qui avait permis à la commission, par son sens du compromis, de relever l'ambition des pouvoirs publics en matière de lutte contre la pollution plastique.

Je forme le voeu que nous travaillions sur ce texte dans le même état d'esprit transpartisan qui fait la force de notre commission et qui fera encore sa force lors de l'examen à venir du projet de loi Climat.

Comme vous le savez, la pollution plastique constitue un fléau environnemental majeur, présentant un risque très important pour les écosystèmes et la santé humaine. À l'échelle mondiale, 359 millions de tonnes ont été produites en 2018. Ce chiffre devrait doubler d'ici à 2050. Aujourd'hui, 81 % des plastiques mis en circulation deviennent des déchets au bout d'une année. Tout cela donne une idée de l'ampleur du problème.

Pour répondre à cette menace, des initiatives politiques majeures ont été engagées tant au niveau européen qu'au niveau national. Je pense bien évidemment à la loi AGEC, qui constitue une avancée intéressante à laquelle notre commission a largement contribué. Il faut cependant aller plus loin et plus vite pour s'attaquer le plus en amont possible aux sources de pollution plastique. C'est la philosophie de cette proposition de loi, qui constitue un prolongement de certaines dispositions introduites par la loi AGEC.

L'article 1er vise à renforcer l'obligation relative aux fuites de granulés de plastique dans l'environnement, introduite à l'article 83 de loi AGEC sur l'initiative du Sénat, mais dont la portée a été légèrement amoindrie par l'Assemblée nationale. La rédaction de l'article 1er est quasiment identique à celle adoptée initialement par le Sénat. Les rejets annuels dans l'environnement de granulés industriels sont estimés, à l'échelle européenne, à 25 000 tonnes de plastique : il est urgent de prévenir la fuite de ces granulés qui s'accumulent sur nos littoraux et dans nos mers et océans.

L'article 2 vise à interdire, sans délai de mise en oeuvre, l'ajout intentionnel de microbilles plastiques dans les détergents. Ce dispositif avait été adopté en première lecture du projet de loi AGEC par le Sénat, avant sa réécriture intégrale par l'Assemblée nationale. Je rappelle que les rejets annuels de plastiques intentionnellement ajoutés à des produits tels que les détergents s'élèvent à 36 000 tonnes en Europe.

L'article 3 vise à assimiler les lâchers de ballons de baudruche en plastique à l'abandon de déchets dans l'environnement.

Enfin, l'article 4 prévoit la remise, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement sur les impacts sanitaires, environnementaux et sociétaux de l'utilisation par l'industrie textile de fibres plastiques pouvant être à l'origine de microfibres dans l'environnement.

À titre liminaire, je vous proposerai de modifier l'intitulé de la proposition de loi de manière à mieux l'articuler avec son objet : la lutte contre la pollution plastique, plutôt que la lutte contre le plastique. Ce texte vise bien à s'attaquer à la pollution induite par cette matière, plutôt qu'à la matière elle-même.

Je vous présenterai ensuite plusieurs amendements visant à s'assurer de la bonne application des dispositions de la proposition de loi.

Tout d'abord, je vous proposerai un amendement de réécriture de l'article 1er afin de mieux l'articuler avec le dispositif issu de la loi AGEC et avec le projet de décret pris pour son application, très récemment publié. Ainsi modifié, cet article permettrait de contraindre les sites concernés à déclarer annuellement les pertes et fuites de granulés et à mettre en place des systèmes d'information par voie d'affichage.

Lors de l'examen de la loi AGEC, l'Assemblée nationale était revenue sur ces obligations, initialement présentes dans le texte adopté en première lecture par le Sénat. Ces éléments s'avèrent pourtant indispensables à la bonne application du cadre de prévention introduit par la loi AGEC.

À l'article 2, afin de laisser un temps raisonnable aux producteurs pour retirer les produits mis sur le marché et pour modifier les procédés de fabrication à grande échelle, je vous proposerai une date d'entrée en vigueur légèrement différée de l'interdiction des microbilles plastiques dans les détergents au 1er juillet 2022. Les différentes auditions confirment que cette disposition d'interdiction ne pose pas de difficultés particulières : les substituts aux microbilles plastiques existent pour les détergents. Certains producteurs ont déjà changé leurs modes de fabrication.

Enfin, à l'article 3, je constate que le code de l'environnement permet d'ores et déjà de considérer un lâcher de ballons intentionnel comme un abandon de déchets dans l'environnement. Toutefois, cet article contribuera à clarifier le droit en vigueur. Je vous présenterai deux amendements rédactionnels.

Je vous proposerai enfin deux articles additionnels pour alimenter notre débat sur des sujets très importants.

Le premier concerne les déchets liés aux repas livrés à domicile : 600 millions d'emballages à usage unique seraient ainsi générés chaque année. Le marché connaît une croissance forte de plus de 30 % par an, accélérée encore par la pandémie de Covid-19. Ce phénomène est jugé préoccupant par les collectivités territoriales qui observent, depuis le début de la crise sanitaire, un retour des déchets plastiques dans l'espace public.

Pour répondre à cette problématique, le Gouvernement a annoncé en février 2021 la signature d'une charte par les acteurs du secteur afin de réduire les déchets d'emballages. Si l'initiative du Gouvernement peut être saluée, il est permis de s'inquiéter du caractère non contraignant de la charte et de son manque d'ambition à moyen terme. La situation est pourtant très préoccupante pour nos territoires en charge du service public de gestion des déchets.

C'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement visant à ce que les plateformes de livraison de repas à domicile soient tenues, à compter du 1er janvier 2025, de proposer au consommateur final la livraison dans un contenant réutilisable et consigné.

Il s'agit toutefois d'une proposition ambitieuse. Je retirerai donc cet amendement, en espérant que cette piste de travail pourra être reprise par notre commission dans le cadre de l'examen du projet de loi Climat.

Le deuxième amendement que je vous proposerai concerne les granulés de plastiques utilisés sur les terrains de sport synthétiques. Ils se dispersent dans la nature à raison de 50 kilogrammes par terrain chaque année, pour un rejet total de 16 000 tonnes à l'échelle européenne.

Issus du recyclage des pneus en fin de vie, ces granulés contiennent des substances susceptibles d'avoir des effets nocifs sur les organismes marins.

Deux solutions alternatives sont proposées par un rapport de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui devrait très prochainement paraître : soit une interdiction, soit la mise en place de mesures techniques de confinement des terrains de sport. Ces solutions seront prochainement soumises à l'arbitrage de la Commission européenne et des États membres. J'estime que les mesures de confinement proposées ne présentent qu'une garantie limitée en matière environnementale par rapport à une restriction d'usage.

De surcroît, rien n'indique que ces mesures de confinement seront moins coûteuses à mettre en place pour les collectivités territoriales.

Enfin, des alternatives aux granulés plastiques pourraient être développées, d'ici à l'échéance fixée, sous forme de liège ou de noyaux d'olives broyés.

Je vous proposerai donc un amendement visant à ce que l'emploi de ces granulés sur les terrains synthétiques soit interdit pour les nouveaux terrains de sport mis en service à compter du 1er mars 2026. La position que nous pourrions adopter aujourd'hui pourrait inviter le Gouvernement à la retenir dans le cadre des négociations qui se dérouleront dans les mois à venir au niveau européen. Elle est également suffisamment réaliste et pragmatique pour donner une perspective aux collectivités territoriales, puisque seuls les nouveaux terrains de sport seraient concernés.

Le sujet de la pollution plastique est vaste. Il mériterait de s'intéresser à de nombreux autres sujets. Malheureusement, le temps imparti pour l'examen d'une proposition de loi nous contraint à nous limiter à certains points. J'espère que le projet de loi Climat nous permettra de prolonger le débat que nous engagerons aujourd'hui.

Avant de conclure, nous proposons à la commission un périmètre pour l'établissement du texte au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat s'agissant des cavaliers. Je vous propose de retenir dans le périmètre du texte les sujets suivants : éducation et sensibilisation des citoyens à la pollution plastique ; prévention de la pollution plastique par la réduction de la production de déchets plastiques et par la prévention des fuites dans l'environnement ; soutien à la réutilisation et au réemploi afin de réduire la production de déchets plastiques ; recyclage du plastique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Avant d'examiner les articles, je donne la parole à Mme Angèle Préville, auteure de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je remercie la rapporteure pour son excellent exposé, auquel je n'ai quasiment rien à ajouter. C'est un sujet qui me tient énormément à coeur depuis que j'ai découvert, en 2017 des granulés de plastiques industriels sur une plage de la dune du Pilat. C'est pourquoi j'ai tenu, à l'article 1er de la proposition de loi, à prévoir un encadrement de cette production et à faire en sorte qu'il n'y ait plus de fuites dans l'environnement.

Le problème du plastique est qu'il ne se décompose pas dans la nature. Il y reste des dizaines, voire des centaines d'années. L'accumulation des plastiques dans l'environnement génère d'énormes problèmes. Sur les microbilles vont se fixer des microorganismes et des microalgues qui se répandront sur toute la planète, parce que les plastiques ne disparaissent pas.

C'est lors de ma campagne pour les élections sénatoriales que j'ai découvert ce problème. Je me suis alors promis que, si j'étais élue, je ferais quelque chose pour réduire la pollution plastique et pour que nous prenions nos responsabilités par rapport aux générations futures, parce que c'est notre rôle.

C'est aussi à ce moment que j'ai découvert que l'on mettait des microbilles dans les détergents, qui partent ensuite dans les rivières et les océans.

J'avais déposé l'amendement sur les ballons de baudruche lors de l'examen de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). J'ai découvert au cours des auditions que ces morceaux de plastique étaient très délétères pour la biodiversité, parce qu'ils sont ingérés par les mammifères marins ou les oiseaux. C'est pourquoi la proposition de loi assimile leur lâcher à l'abandon d'un déchet dans l'environnement.

J'avais présenté un amendement sur les microfibres plastiques lors de l'examen de la loi AGEC. On est en train de découvrir ce sujet, qui me tient à coeur. Ces quinze dernières années, la production textile a crû de manière exponentielle. Or les microfibres plastiques ne se décomposent pas non plus. Elles vont rester dans l'environnement pour longtemps. Au reste, ces microfibres, notamment des tissus polaires, sont relarguées dans l'air lorsque l'on porte ces vêtements, ce qui posera peut-être un problème de santé dans l'avenir. L'article 4 vise à mettre ce problème sur la table et que l'on réfléchisse à ce sujet.

Les articles additionnels qui ont été introduits me conviennent parfaitement.

Je tiens également à saluer Marta de Cidrac. Le Sénat a réalisé un excellent travail lors de l'examen de la loi AGEC : il a introduit de nombreuses dispositions très intéressantes et très importantes pour l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Nous sommes évidemment très sensibles à ces questions. Nous partageons l'esprit et le contenu de la proposition de loi.

Je veux remercier la rapporteure d'avoir pris en compte les remarques que nous avons formulées lors des travaux préparatoires. C'est une question de bon sens et de pragmatisme. Ce travail collaboratif nous permettra de voter l'ensemble des amendements.

EXAMEN DES ARTICLES

Intitulé de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'amendement COM-3 vise à changer l'intitulé de la proposition de loi, de manière à mieux l'articuler avec son objet : il s'agit bien de lutter contre la pollution plastique, et non contre le plastique en tant que tel.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'article L. 541-15-11 du code de l'environnement, introduit par l'article 83 de la loi AGEC, encadre les pertes et les fuites de granulés de plastiques industriels dans l'environnement. Un projet de décret d'application de cet article a récemment été publié.

Deux obligations prévues par l'article 1er de la proposition de loi ne figurent pas à ce stade dans l'article du code ou dans le projet de décret : l'obligation d'apposition de la mention « Dangereux pour l'environnement » sur les contenants de granulés plastiques ainsi que l'obligation d'une déclaration annuelle des pertes et fuites de granulés. Ces obligations figuraient dans la version du projet de loi AGEC adoptée par le Sénat en première lecture.

L'amendement COM-4 vise à combler ces angles morts. Il tend, d'une part, à ce que les sites de granulés plastiques se dotent de systèmes d'information par voie d'affichage afin de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l'environnement. Ce système d'information sur le site présenterait l'avantage de ne pas poser de difficultés au regard du droit européen, au contraire de l'inscription de la mention « Dangereux pour l'environnement » sur les emballages, contraire au règlement européen CLP. D'autre part, l'amendement a pour objet que les sites déclarent chaque année les pertes et les fuites de granulés dans l'environnement. Cette obligation semble indispensable au suivi des règles inscrites dans la loi AGEC et dans son décret d'application.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

Cet amendement fait disparaître l'obligation de confinement, l'étiquette « Dangereux pour l'environnement », l'interdiction des contenants plastiques souples, ainsi que la sanction. Nous le regrettons. Pouvez-vous nous expliquer le sens de cette démarche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Les dispositions que vous évoquez sont pour l'essentiel présentes dans le décret d'application. Nous avons cherché à inscrire dans l'amendement ce qui n'apparaissait pas dans ce décret et qui était compatible avec le droit européen.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'amendement COM-5 prévoit une entrée en vigueur au 1er juillet 2022 de l'interdiction des microbilles plastiques dans les détergents.

Des solutions de substitution, qui ont permis à certains industriels de procéder au retrait de ces microbilles dans leurs détergents, sont d'ores et déjà disponibles. L'interdiction ne semble pas soulever de difficultés d'application particulières. Néanmoins, un délai de mise en oeuvre paraît indispensable afin de laisser aux producteurs le temps nécessaire pour retirer les produits mis sur le marché et pour modifier leurs procédés de fabrication. L'amendement COM-1 a le même objet : il vise lui aussi à retenir la date du 1er juillet 2022.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

Pourquoi ne pas avoir retenu la date du 1er janvier 2022 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'idée était de fixer un délai raisonnable, laissant aux industriels le temps de s'adapter.

L'amendement COM-5 est adopté ; l'amendement COM-1 devient sans objet.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'amendement COM-6 vise l'interdiction de l'emploi de granulés de plastiques sur les terrains de sport synthétiques.

Dans un rapport qui devrait être publié très prochainement et servir de fondement à une modification du règlement REACH afin d'interdire au niveau européen les microplastiques intentionnellement ajoutés, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) préconise que soit encadré l'emploi de granulés de plastiques sur les terrains de sport synthétiques, sources d'une importante pollution plastique. Ces granulés se dispersent dans la nature à raison de 50 kilogrammes par terrain chaque année, pour un rejet total de 16 000 tonnes à l'échelle européenne. Issus du recyclage de pneus en fin de vie, ces granulés contiennent des substances nocives pour les milieux naturels et les organismes vivants.

Deux solutions alternatives sont proposées par l'ECHA : l'interdiction ou la mise en place de mesures de « confinement » au niveau des terrains de sport.

Les mesures de « confinement » présentent des garanties limitées sur le plan environnemental et risquent d'avoir un coût important pour les collectivités territoriales. Par conséquent, je propose d'interdire l'usage de granulés sur les terrains synthétiques. Cette mesure pouvant paraître radicale, je propose, par pragmatisme, qu'elle ne s'applique qu'au mois de mars 2026 et seulement pour les nouveaux terrains de sport. Je suis consciente que cette interdiction peut susciter beaucoup d'interrogations et des débats importants, mais c'est l'occasion, pour le législateur, d'anticiper l'encadrement qui sera imposé au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

L'échéance de 2026 a été retenue pour ne pas perturber la gestion des conseils municipaux actuels, dont le mandat s'achèvera cette année-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Je ne suis pas en désaccord avec l'objectif de cet amendement, dont j'ai bien noté qu'il concernait les terrains futurs.

C'est l'échéance de 2026 qui me pose problème. Aujourd'hui, les solutions de substitution ne sont guère avancées. La date envisagée par l'Union des associations européennes de football (UEFA) est plutôt 2028.

J'entends bien que la date du 1er mars 2026 vise à tenir compte des échéances, mais l'absence de solutions de substitution posera des problèmes pour la pratique sportive dans les communes. L'échéance de 2028 me paraît plus adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Je me félicite de cette proposition. J'ai une pensée émue pour notre ancienne collègue Françoise Cartron, qui avait été, en 2018, à l'initiative d'une proposition de loi sur les conséquences sur l'environnement et sur la santé de l'utilisation des granulés dans les terrains plastiques. Nous soutiendrons donc bien évidemment cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Je suis favorable à cette proposition de loi.

Néanmoins, si nous interdisons ce procédé en 2026, le remplacement de terrains auquel nous devrons procéder va coûter cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Je veux insister sur le fait qu'il existe aujourd'hui des alternatives aux granulés plastiques pour les terrains. Ces alternatives ne sont pas encore généralisées, mais, en posant une échéance, l'objectif est de susciter une accélération de la mise en oeuvre de ces possibilités.

Par ailleurs, l'agence européenne va elle-même proposer à la discussion des États membres la date de 2026, qui risque fort de s'imposer à nous rapidement.

En 2026, coexisteront sans doute deux types de terrains : de nouveaux terrains, conformes à des procédés écologiquement satisfaisants, et d'autres qu'il faudra, à terme, remplacer progressivement. Le confinement des billes plastiques pour éviter leur dispersion risque quant à lui d'être beaucoup plus coûteux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Je trouve que cet amendement va vraiment dans le bon sens, puisqu'il permet une transition vers des systèmes beaucoup plus vertueux, tout en tenant compte des préoccupations des élus des territoires qui ont aujourd'hui des terrains synthétiques.

C'est sur mon territoire que s'entraîne le PSG... Le sujet est sensible !

Cette mesure permettra à nos élus d'anticiper les exigences à venir, en passant, dans leurs appels d'offres, des commandes qui seront beaucoup plus vertueuses pour l'environnement demain. Surtout, elle n'empêche pas la coexistence de deux types de terrain. Je remercie la rapporteure de cet équilibre judicieux.

L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'article 3 vise à assimiler le lâcher de ballons de baudruche en plastique à l'abandon de déchets dans l'environnement, passible des sanctions prévues à cet effet par le code de l'environnement.

Les amendements rédactionnels COM-7 et COM-2, identiques, visent à préciser que les lâchers de ballons ne sont soumis à ce régime juridique que dans les cas où le lâcher est intentionnel.

Les amendements COM-7 et COM-2 sont adoptés.

L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

L'amendement COM-9 a pour objet de mettre au débat la question des emballages plastiques pour la livraison de repas à domicile. Il s'agit de demander aux plateformes de portage des repas de permettre aux consommateurs de se faire livrer dans des contenants réutilisables et consignés.

Dans d'autres pays européens, en particulier en Suisse, des entreprises ont relevé ce défi. Ils y ont trouvé non seulement l'acquiescement des utilisateurs, mais également un équilibre financier.

En France, les plateformes sont suffisamment innovantes et déterminées pour trouver et mettre en oeuvre des solutions qui satisfassent tout le monde. Je retire l'amendement, mais il conviendra d'en débattre dans le cadre du projet de loi Climat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je vous remercie d'avoir ouvert ce débat.

L'amendement COM-9 est retiré.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des membres de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Nous allons examiner la proposition de loi visant à la création d'une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d'époque. Je salue son premier signataire, notre collègue Jean-Pierre Moga. Son pouvoir de conviction est particulièrement remarquable, puisque nous sommes très nombreux à avoir cosigné son initiative... Il faut dire que, si le sujet des voitures d'époque a une dimension sentimentale pour certains, c'est aussi un enjeu d'animation territoriale pour les élus et une composante de la culture industrielle de notre pays.

Je remercie notre rapporteure Évelyne Perrot qui a accepté la délicate mission de prendre en compte toutes les facettes de ce texte y compris, bien entendu, son aspect technique et juridique.

Avant d'entendre son rapport, je passe la parole au premier signataire de cette proposition de loi, notre collègue Jean-Pierre Moga pour une brève présentation de trois minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

On estime que notre pays compte actuellement 250 000 collectionneurs de véhicules d'époque. Les Français utilisent leurs véhicules de collection dans le respect du code de la route, pour effectuer une balade, transporter des mariés, participer à des rassemblements, des rallyes, des expositions, des salons...

La passion que suscitent ces véhicules n'est pas limitée à leurs propriétaires : des millions de sympathisants manifestent, lors de leur passage, leur attachement à ces véhicules de collection, qui constituent une composante essentielle de notre patrimoine historique et industriel et témoignent de la place de premier plan qu'a tenu la France depuis longtemps sur le plan industriel.

En outre, cette filière, constituée principalement d'artisans et de très petites entreprises, emploie plus de 24 000 personnes dans plusieurs secteurs d'activité de notre économie : la carrosserie, la mécanique, l'entretien... Cette activité est croissante, pour un chiffre d'affaires annuel évalué à 4 milliards d'euros, soit le double de celui des sports mécaniques.

Compte tenu de leur ancienneté, les véhicules de collection ne peuvent pas respecter les normes Crit'Air, qui n'existaient pas lorsqu'ils ont été fabriqués. Le risque est donc grand qu'ils ne puissent plus circuler si des mesures ne sont pas prises. Ces véhicules représentent 1 % du parc automobile français et roulent quinze fois moins que les autres véhicules. Leur impact en termes de particules fines est négligeable, puisqu'il est évalué à 1/100 000e des émissions totales de PM10 et à 1/20 000e des émissions d'oxydes d'azote (NOx). Leur limitation n'entraînerait aucune amélioration réellement chiffrable de la qualité de l'air dans les métropoles, ce qui est le but des zones à faibles émissions (ZFE).

La conservation de ces témoignages de notre histoire industrielle passe par leur circulation. Pour la maintenir, l'Allemagne a mis en place depuis douze ans une numérotation spécifique sur les plaques d'immatriculation. Ainsi, ces véhicules sont facilement reconnaissables, ce qui en facilite le contrôle éventuel par les forces de l'ordre et permet de les exempter des restrictions de circulation dans les zones équivalant aux ZFE. Malheureusement, il paraît extrêmement compliqué en l'état de reproduire l'exemple allemand en France.

Je propose la création d'une vignette « collection » apposée sur le pare-brise de ces véhicules, ce qui permettrait de les reconnaître aisément. Cette vignette serait délivrée aux propriétaires de véhicules disposant d'une certification d'immatriculation de collection. Cette solution permettrait, sans complication administrative particulière, de préserver l'avenir de ce patrimoine inestimable, auquel une large majorité de la population, toutes générations confondues, est très attachée et de garantir l'avenir d'une filière reposant en grande partie sur la transmission des savoirs par l'apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Mes chers collègues, avant de vous soumettre mon rapport sur la proposition de loi, je veux dire combien ce travail a été lourd de questionnements pour moi, qui suis une admiratrice des 48 heures automobiles de ma ville de Troyes, mais qui suis avant tout membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et qui ai travaillé avec vous sur la loi d'orientation des mobilités (LOM). Je dois dire que les amendements reçus et les courriers m'ont confortée dans ma décision finale.

Ce texte vise à créer une vignette spécifique pour permettre aux véhicules d'époque de circuler dans les zones à faibles émissions (ZFE).

Les ZFE sont un outil visant à diminuer la pollution de l'air en zone urbaine. Rendu obligatoire dans une dizaine d'agglomérations par la LOM, ce dispositif permet au maire ou au président d'EPCI de restreindre la circulation des véhicules les plus émetteurs dans des zones très polluées. Pour cela, les véhicules sont classés en fonction de leur vignette Crit'Air, qui est attribuée à chaque véhicule sur la base de sa catégorie, de son niveau d'émissions et de son année de première immatriculation. Or les véhicules de collection, qui sont par définition anciens, ne peuvent pas prétendre à une identification Crit'Air. Au premier abord, cette situation semble donc susceptible de conduire à l'exclusion de ces véhicules des ZFE.

Il revient à la commission de proposer un périmètre au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat s'agissant des cavaliers. Je vous propose de retenir dans le périmètre du texte les sujets suivants : la définition d'un régime dérogatoire pour circuler dans les zones à faibles émissions applicable aux véhicules anciens ; la définition des véhicules de collection.

L'initiative sénatoriale que nous examinons aujourd'hui a réuni 80 signataires. Elle envoie un message positif non seulement aux 250 000 collectionneurs de voitures d'époque, mais aussi à des millions de sympathisants, aux territoires, qui organisent 6 000 à 7 000 manifestations par an, et au dynamisme de toute la filière des voitures de collection, qui représente, en 2020, 24 000 emplois et 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

L'enjeu de la circulation des véhicules de collection est celui de la préservation d'un patrimoine industriel et de moments de convivialité dont notre pays a tant besoin aujourd'hui. Le passage des voitures de collection suscite l'enthousiasme ainsi que l'apaisement dans les grandes agglomérations, où la circulation est trop souvent crispée par des tensions entre les voitures, les deux-roues, les vélos, les trottinettes et les piétons.

Au moment où l'on souhaite relocaliser l'industrie sur nos territoires, il est essentiel de rappeler l'attrait des beaux objets et du design pour stimuler la montée en gamme de notre économie. Ce n'est pas un hasard si la puissance de l'industrie allemande s'appuie sur des centres de formation d'apprentis, avec une présence visible des voitures de prestige.

On nous fera observer qu'un certain nombre de jeunes urbains ne passent même plus leur permis de conduire et qu'ils consacrent leurs premiers salaires à d'autres achats qu'à celui d'une voiture. C'est tout à fait vrai, mais, bien souvent, la passion du design ou du « vintage » se porte alors sur d'autres objets roulants - je rappelle, par exemple, le prix élevé de certains vélos électriques, qui avoisine celui de nombre de véhicules de collection. Dans la plupart des cas, ce goût pour les beaux objets se distingue donc de l'élitisme, d'autant plus qu'un véhicule de collection n'est pas nécessairement un véhicule très onéreux.

Je veux dire un mot des émissions carbone des véhicules de collection. Ces véhicules représentent une très faible proportion du parc roulant - entre 0,5 et 1 % - et chaque voiture parcourt un petit nombre de kilomètres - environ 1 000 par an. La proportion de motorisations diesel est très faible, ce qui évite de générer des microparticules, mais leur consommation d'essence est souvent plus élevée que la moyenne et s'accompagne donc de plus fortes émissions de CO2, tout particulièrement en cas de mauvais réglage, avec une très grande hétérogénéité en fonction de l'âge du véhicule.

L'impact carbone des véhicules de collection est globalement assez faible. À la lumière de nos travaux sur le numérique, on pourrait même se demander, en poussant le raisonnement à l'extrême, si une promenade virtuelle en voiture de collection sur ordinateur ne serait pas moins bénéfique pour la planète en termes d'émission de gaz à effet de serre...

Les auditions que j'ai conduites en tant que rapporteure sont a priori rassurantes, puisque toutes les collectivités qui ont mis en place des ZFE prennent parfaitement en compte les éléments d'appréciation que je viens de vous résumer et ont d'ores et déjà prévu une dérogation pour les véhicules de collection. En effet, la loi prévoit trois types de dérogations à ces restrictions de circulation : ces dérogations peuvent être nationales, locales et individuelles. Toutes sont appliquées par voie réglementaire. Nos territoires sont ainsi sur la même ligne que les auteurs de la proposition de loi et ont tous accordé des dérogations locales pour permettre la circulation des voitures de collection. Il n'y a donc pas, à ce stade, d'urgence ni de menace immédiate, bien au contraire, comme en témoigne l'audition du vice-président de Grenoble-Alpes Métropole, chargé de l'air, de l'énergie et du climat, c'est-à-dire l'élu en charge de la ZFE de Grenoble.

Le ministère chargé des transports nous a d'ailleurs également confirmé que des discussions étaient en cours avec la Fédération française des véhicules d'époque pour inscrire les véhicules de collection parmi les dérogations nationales, au même titre que les véhicules de police ou de pompiers.

Dès lors, la question qui nous est aujourd'hui posée est de savoir si, au-delà du signal que nous envoyons, il nous faut voter une loi sur la libre circulation des voitures de collection. Voici les grandes lignes du raisonnement que je vous soumets.

À l'heure actuelle, nous n'identifions aucune difficulté juridique de nature à entraver la liberté de circulation des voitures de collection dans les ZFE déjà mises en place.

Certes, dans le passé, le Parlement a parfois légiféré dans le domaine réglementaire, comme en témoigne le degré de détail de certaines lois et le volume de la partie législative de certains codes. À l'inverse, le Conseil d'État protège de façon plus systématique le domaine législatif, et sanctionne les décrets qui s'aventurent dans le domaine de la loi. En l'occurrence, la loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les catégories de véhicules dont la circulation dans une ZFE ne peut être interdite.

Si le législateur intervient, il y aura une vraie dissymétrie ; d'une part avec une loi spécifique pour les voitures de collection, d'autre part avec un décret qui accorde des dérogations nationales pour tout le reste : voitures de police, de pompiers, etc. Avouons que l'on s'éloignerait juridiquement du « jardin à la française » bien ordonné.

J'ajoute que la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE) est venue au Sénat présenter son argument le plus convaincant. Elle invite à suivre le modèle allemand, qui fonctionne à la satisfaction de tous depuis douze ans et facilite la circulation de 595 000 véhicules de collection à travers 85 zones écologiques. En toute rigueur et cohérence, il faudrait pour transposer cet exemple allemand emprunter la voie du décret. Il suffirait d'ajouter trois mots dans la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales, à l'article R. 2213-1-0-1, qui dispose que l'on ne peut interdire l'accès à certains véhicules dans les zones à circulation restreinte.

Si l'on s'écarte de ce parallélisme des formes, on brise la cohérence juridique de l'outil ZFE.

Le Sénat, grand conseil et protecteur des territoires, reste plus que jamais attentif à la nécessité de différencier les solutions locales. Or c'est très exactement la philosophie des ZFE, qui ont été conçues comme des outils à la disposition des collectivités territoriales. Jusqu'à présent, l'intelligence territoriale a fonctionné à plein régime, en accordant aux voitures de collection la souplesse que nous préconisons.

Je conclus donc en adressant un message très positif pour la préservation d'un phénomène culturel, social et industriel. Toutefois, compte tenu des éléments de contexte que j'ai exposés devant vous, et par souci de cohérence avec les travaux législatifs passés et à venir ayant inspiré la philosophie des ZFE et les positions exprimées par notre commission, je vous propose de ne pas adopter ce texte qui pourrait en outre nous engager dans une mécanique juridique complexe.

Surtout, faisons confiance à l'intelligence territoriale ! Évitons d'agiter inutilement le chiffon rouge ou de susciter un raidissement de la part de certaines associations qui, à l'image de France nature environnement, craignent que l'on ouvre la « boîte de Pandore » des dérogations ! C'est d'ailleurs aussi la crainte exprimée par le Gouvernement, lequel ne semble pas avoir d'a priori favorable ou défavorable sur ce sujet.

Je tiens à dire à Jean-Pierre Moga combien je suis admirative de son engagement dans la Fédération, et de la passion qui l'anime. Mais ce qu'il a proposé mérite non pas un regard législatif, mais bien réglementaire. Nous en avons parlé tous les deux, et j'en ai eu confirmation lors des auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

L'exposé des motifs de la proposition de loi m'inspire beaucoup de respect. Je me suis d'ailleurs souvent référé à la chanson de Charles Trenet À la porte du garage. C'est dire combien l'automobile est partie intégrante de notre culture et de notre patrimoine commun ; c'est aussi une question populaire qui n'intéresse pas que les gens fortunés. En ce sens, on ne peut que comprendre les motivations qui sous-tendent la proposition de loi.

Cependant, le dispositif me paraît un peu décalé au vu du contexte. Il conviendrait de tirer les enseignements de l'expérience que nous avons tous vécue à l'occasion du mouvement des gilets jaunes. Beaucoup d'entre eux disaient posséder des véhicules anciens dont ils ont besoin pour se déplacer, mais dont on sait que l'usage est parfois décrié. En outre, d'autres textes sont en débat, comme le projet de loi Climat, si bien que nous risquons d'être mal compris. Nous serons certainement amenés à avoir ce débat de nouveau, dans une autre instance que celle-ci. Je tenais en tout cas à vous faire partager le sens de ma réserve s'agissant de la proposition de loi elle-même. Je converge avec le choix proposé par Mme la rapporteure, ainsi qu'avec l'appréciation qu'elle a donnée de la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Entre les plastiques dont nous avons discuté tout à l'heure et le sujet qui nous occupe maintenant, on peut dire que nos débats ont pour fil conducteur les travaux de Roland Barthes. En 1957, il consacrait, dans Mythologies, deux articles aux plastiques et aux automobiles - avec une référence à la fameuse appellation « DS » - chacun ayant marqué le XXe siècle. Mais nous sommes désormais au XXIe siècle, et le paradigme a changé.

Nous souscrivons donc complètement à l'avis de Mme la rapporteure. Premièrement, nous avons sans doute besoin d'envoyer un message positif aux collectionneurs, et de continuer à promouvoir ces véhicules qui font partie de notre patrimoine et de notre histoire industrielle et culturelle. Mais, à l'heure des débats sur le projet de loi Climat, nous risquons d'envoyer un autre message qui sera probablement mal perçu et serait susceptible de déconsidérer notre institution, au prétexte que nous nous intéressons à un sujet qui n'est pas si essentiel que cela.

Deuxièmement, vous avez signalé à juste titre le contexte réglementaire. Je pense en effet que chacun doit rester dans son pré carré.

Enfin, n'oublions pas que nous sommes l'assemblée des collectivités locales : ne les dépossédons donc pas de leurs prérogatives et, comme le disait Mme la rapporteure, faisons confiance à l'intelligence territoriale ! En définitive, nous ne sommes pas favorables à ce projet de loi, même s'il présente une forme de pertinence.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Je rejoins les conclusions de Mme la rapporteure. Derrière ce débat, un autre sujet doit nous intéresser collectivement, à savoir la définition des véhicules de collection. Cette dernière est très large aujourd'hui, dans la mesure où il suffit qu'un véhicule ait trente ans. Si nous mettions le doigt dans l'engrenage en légiférant sur un sujet qui ressortit au domaine réglementaire, nombre de personnes pourraient bénéficier d'un effet d'aubaine compte tenu du parc de voitures de plus de trente ans, lesquelles ne sont pas toutes des véhicules de collection. Il serait temps de réfléchir à une définition qui soit un véritable référentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Muller-Bronn

Je m'associe également aux conclusions de Mme la rapporteure, mais j'ai du mal à entendre que le message ne serait pas dans l'air du temps juste parce que l'on est en train d'examiner le projet de loi Climat. Il ne faut pas tout rapprocher de ce texte ! En matière d'écologie, les véhicules électriques paraissent être la panacée, mais on ne sait toujours pas comment recycler leurs batteries... Les moyens de mobilité prétendument innovants ne répondent pas toujours aux objectifs des textes environnementaux, et posent en tout cas certaines questions.

Lorsqu'ils étaient dans la rue, il y a deux ans, les gilets jaunes ont fait preuve d'une grande sympathie, à l'égard des véhicules de collection en leur ouvrant exceptionnellement le passage, j'en ai bénéficié avec ma DS de 1961 à Colmar ! Il y a véritablement un côté populaire des véhicules anciens de collection, qui constituent un patrimoine moins prétentieux que nostalgique.

Ne ramenons pas tout à des messages négatifs ! Dans le projet de loi Climat, il y a aussi des messages excessifs, qui ne correspondent pas du tout à la vie de nos classes populaires. L'organisation de grands évènements de sport mécanique ou cycliste est sans doute plus nocive pour notre planète qu'un véhicule de collection qui roule 1000 kilomètres par an !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Nous pouvons tout à fait comprendre et partager les préoccupations exprimées sur la préservation et l'exposition de notre patrimoine automobile et industriel. Sur un plan pragmatique, il faut s'en tenir au fait que tout cela concerne le domaine réglementaire : nous rejoignons donc la position de Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Faisant partie d'un club de collectionneurs de 2 CV, je connais bien la voiture populaire également...

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

La réunion est close à 12 h 35.