Intervention de Olivier Paccaud

Réunion du 2 mars 2021 à 14h30
Réforme en cours de l'éducation prioritaire — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la République théorique, c’est l’égalité des droits ; la République idéale, c’est l’égalité des chances.

Si la loi sculpte et garantit les droits, c’est l’école qui peut, patiemment, mais sûrement, façonner, ciseler la clé des chances de surmonter les déterminismes sociaux. Ces chances, ce sont celles de s’épanouir, de s’insérer et de progresser sur l’échiquier de la société.

École et République sont donc consubstantielles dans le socle des valeurs qui fondent notre pacte social. Mais elles sont aussi unies historiquement, car c’est la République, la IIIe, au début de la décennie 1880, au temps de Jules Ferry, qui a rendu l’école gratuite, l’instruction primaire obligatoire et l’enseignement public laïc ; et c’est l’école qui, en métamorphosant ses élèves en citoyens instruits et éclairés, a profondément enraciné la République jusqu’à nos jours, si l’on excepte le sinistre épisode de Vichy.

Or l’égalité des chances ne se décrète pas ; elle s’élabore pas à pas, mais reste fragile et le fameux âge d’or de la IIIe République doit être nuancé. Après l’école primaire, la poursuite des études y était rare. L’Ancien Régime et les privilèges avaient certes été effacés, mais les castes et les classes perduraient. Mieux valait être bien né pour accéder à des fonctions éminentes. Selon que vous étiez puissant ou misérable, les portes s’ouvraient ou restaient closes.

La prolongation de la scolarité obligatoire à seize ans, en 1959, et la création du collège unique, en 1975, avaient aussi pour but l’égalité des droits et des chances. Las, les résultats des élèves sont restés très inégaux et largement liés à l’origine sociale.

Est alors née officiellement, en 1981, la politique d’éducation prioritaire. Son principe, la discrimination positive, apparue notamment aux États-Unis dans les années 1960, consiste à donner plus à ceux qui ont moins, à favoriser les défavorisés.

Cette politique de différenciation territoriale concerne aujourd’hui un peu plus de 1, 7 million d’élèves, soit 20 % des 8, 5 millions d’enfants scolarisés dans les écoles et collèges publics, 110 000 enseignants et – les précédents orateurs l’ont rappelé – 1 100 réseaux d’éducation prioritaire. Elle mobilise environ 1, 5 milliard d’euros. Pour être précis, ce « surcoût » représente 4 % du total des moyens consacrés aux écoles et collèges publics.

Aujourd’hui, personne ne remet en cause la pertinence de l’éducation prioritaire, mais ses modalités doivent être revues pour que le système devienne plus juste et plus efficace.

Le système est-il juste ? Non, malheureusement. Un seul chiffre l’illustre, rappelé de nombreuses reprises : quelque 70 % des enfants socialement défavorisés sont aujourd’hui hors des dispositifs d’éducation prioritaire. La Cour des comptes a d’ailleurs insisté sur cette réalité.

Nous connaissons tous, dans nos départements, des écoles ou des collèges avec un public socialement fragile, qui mériterait de bénéficier de moyens supplémentaires.

La ruralité se révèle la grande oubliée et même l’injuste exclue de l’éducation prioritaire. Le ministère en est conscient. Il vient de lancer une expérimentation, modeste, autour de quelques territoires éducatifs ruraux : tant mieux !

Pour rendre la politique d’éducation prioritaire plus juste, il est indispensable de refondre son périmètre et de réfléchir à la pertinence d’un des critères en vigueur : la nécessité de relever, géographiquement, d’un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Mon département de l’Oise, dont plus de la moitié des habitants sont ruraux, comptait jadis deux collèges et leurs écoles de campagne en REP et en REP+. Aujourd’hui, ces établissements n’appartiennent plus auxdits réseaux. Pourtant, les difficultés touchant la population perdurent : elles ont même empiré.

Une mesure de bon sens serait de passer d’une logique de réseaux à une logique d’écoles d’éducation prioritaire, car, au sein du même secteur, de la même petite ville, on observe souvent des situations très différentes. Ne serait-il pas temps – les précédents orateurs l’ont également souligné – de faire confiance aux territoires, qui connaissent leurs forces et leurs faiblesses, pour mieux répartir les moyens d’action ?

Le système est-il efficace ? Bien des observateurs sont dubitatifs. Les résultats restent modestes, et l’écart demeure malheureusement important, au titre du brevet des collèges par exemple. Le Cnesco pointe à la fois la dilution des moyens et un mauvais calibrage du zonage des bénéficiaires.

Le dédoublement des classes de CP, de CE1 et désormais de grande section, engagé en 2017, peut apporter une réponse appréciable, même s’il est trop tôt pour crier victoire. Certains enseignants insistent d’ailleurs sur le revers de la médaille : certains élèves perdent une relative aptitude à l’autonomie.

En parallèle, prenons garde à ne pas créer de frustrations dans certaines zones périphériques des réseaux d’éducation prioritaire. En effet, les parents acceptent mal de voir leur enfant dans une classe à triple niveau avec 28 élèves, alors que, à quelques kilomètres, d’autres classes n’en comptent que 12. N’oublions jamais que le parent d’élève est aussi citoyen et contribuable.

Gardons également à l’esprit une catégorie d’élèves dont nous n’avons pas parlé : les lycéens des zones rurales dépourvues de lycées, qui partent tôt le matin pour rentrer tard le soir. Peut-on parler d’égalité des chances pour ces jeunes, qui passent deux à trois heures par jour dans les transports ? Non !

Que la République redevienne républicaine, …

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