Intervention de Olivia Grégoire

Réunion du 2 mars 2021 à 22h00
Situation et devenir de l'économie sociale et solidaire — Débat organisé à la demande du groupe écologiste – solidarité et territoires

Olivia Grégoire :

Monsieur le sénateur Benarroche, je souhaite tout d’abord remercier très sincèrement le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de l’organisation de ce débat, ce soir, sur la situation et le devenir de notre économie sociale et solidaire.

Cela faisait plusieurs années que ce débat ne pouvait se tenir, et pour cause : il manquait un portage gouvernemental et une ou un ministre chargé de l’économie sociale et solidaire. Ce manque est comblé !

Il était légitime, je crois, de faire revenir l’économie sociale et solidaire à sa vocation première – vous avez mentionné 2014 et la loi pour l’ESS –, c’est-à-dire à l’économie, ce qui implique la tutelle de Bercy.

C’était d’autant plus important que la représentation de l’ESS au Gouvernement a quasiment coïncidé avec le début d’une crise sanitaire, qui s’est très vite muée en une crise économique, laquelle met encore à rude épreuve les structures de l’économie sociale et solidaire, comme le reste des entreprises conventionnelles.

En effet, cette crise inédite prive nombre de ces structures d’activité et les force à puiser dans leur trésorerie. Or nous savons bien que le modèle même de l’économie sociale et solidaire, qui repose sur un caractère lucratif limité, conduit à une fragilité structurelle des fonds propres de ces structures.

S’y ajoute un accès limité aux financements bancaires et publics. L’exemple symptomatique est bien sûr celui des petites associations employeuses, qui, d’un côté, subissent la réticence des banques, et, de l’autre, ne connaissent pas forcément les dispositifs d’aides de l’État ou estiment même parfois, voire trop souvent, qu’ils ne leur sont pas destinés.

C’est le premier chantier auquel j’ai souhaité m’atteler en arrivant l’été dernier à Bercy. Pour reprendre l’expression de M. le sénateur Benarroche, ce manque de connaissance, parfois même des acteurs publics, ce manque de reconnaissance, aussi, des acteurs de l’économie sociale et solidaire, m’ont conduit à répondre d’abord et avant tout à l’urgence, en luttant contre le non-recours.

Depuis juillet dernier, nous avons successivement mis en place un guide pour expliquer à l’ensemble des acteurs de l’ESS comment bénéficier des aides d’urgence, mis à jour l’ensemble des informations pour recenser tous les appels à projets du plan de relance qui concernent l’ESS, et fait en sorte, en septembre dernier, que le numéro vert permettant aux entreprises conventionnelles d’obtenir des réponses, que ce soit sur le fonds de solidarité, le prêt garanti par l’État, ou PGE, ou bien des exonérations fiscales et sociales, puisse aussi répondre aux questionnements de nos entrepreneurs sociaux et aux acteurs engagés dans l’ESS.

J’imagine le sourire goguenard que peut susciter l’évocation même d’un numéro vert, mais je connais aussi très bien la détresse de l’employeur qui ne trouve pas de réponses à ses questions.

J’ai donc non seulement souhaité que les services de l’État disposent des réponses susceptibles d’être posées par les acteurs de l’ESS, mais aussi très directement missionné mon cabinet, pour garantir aux acteurs des réponses à leurs questions, si tant est qu’ils ne les aient pas trouvées par les autres moyens mentionnés. Et je puis vous assurer que c’est le cas très souvent.

Depuis le début de la crise, je me mobilise, avec Bruno Le Maire, pour rappeler que les structures de l’ESS sont très simplement des acteurs économiques à part entière, et que, de ce fait, tout aussi simplement, elles sont légitimes à être éligibles à toutes les mesures de droit commun. C’est le cas aujourd’hui.

Je ne le sais que trop bien, les spécificités de l’ESS la rendent plus fragile, et les mesures de droit commun peuvent se révéler soit mal calibrées, soit insuffisantes, voire, je le répète, trop souvent méconnues par les structures mêmes de l’économie sociale et solidaire. C’est ce fameux non-recours contre lequel je me bats.

C’est pourquoi j’ai souhaité demander, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, une hausse substantielle, de l’ordre de 30 %, des moyens alloués au dispositif local d’accompagnement, le fameux DLA, qui permet, dans nos territoires, de soutenir le recours des associations à des prestataires externes pour se développer et mieux répondre aux appels à projets.

C’est pourquoi, enfin, j’ai fait voter en collectif budgétaire, et vous l’avez mentionné, monsieur Benarroche, le fonds UrgencESS, doté de 30 millions d’euros, à destination des petites structures employeuses de l’ESS. Avec ce fonds, nous souhaitons toucher tous les acteurs, surtout ceux qui n’ont pas coutume de demander des aides publiques ou à qui elles ont été refusées.

Aussi, j’ai fait en sorte qu’il soit le plus simple d’accès possible. Il a été confié à un acteur que vous connaissez bien, et qui connaît bien les territoires, à savoir France Active. Il a un fonctionnement très simple : un guichet unique sur urgence-ess.fr ; un diagnostic simple individualisé, qui permet d’identifier les aides de droit commun auxquelles la structure peut prétendre ; une subvention allant de 5 000 à 8 000 euros en fonction des besoins, ainsi qu’un accompagnement renforcé par le DLA pour les structures éligibles.

Depuis le 22 janvier dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, nous recevons chaque jour environ 300 demandes venant d’associations, de coopératives, d’entreprises sociales ou de structures d’insertion.

Ces chiffres reçus aujourd’hui témoignent d’un fort intérêt ces derniers jours : à la fin du mois de février, 7 373 structures avaient fait une demande sur le portail ; 4 534 dossiers sont en cours d’instruction, et, aujourd’hui, ce sont 1 600 dossiers qui sont déjà en cours de traitement pour cette aide d’une première tranche de 10 millions d’euros. Ce mouvement s’est enclenché en moins d’un mois.

Il est important de préciser que, pour les deux tiers, il s’agit d’acteurs qui n’étaient jusqu’à présent pas identifiés par France Active. Il y a ainsi des acteurs qui sollicitent des aides pour la première fois.

Il y a deux manières de considérer cette réalité : c’est à la fois un sujet d’inquiétude, car cela montre la grande fragilité de notre tissu économique social et solidaire, mais c’est aussi un motif relatif de satisfaction, parce que cela veut dire que ce combat contre le non-recours que nous menons commence tout juste à porter ses fruits.

Quoi qu’il en soit, j’entends poursuivre le travail pour que le « quoi qu’il en coûte » s’applique à l’économie sociale et solidaire.

À mon sens, la question n’est pas tant, pour le moment du moins, d’injecter de nouveaux millions ou même des milliards d’euros, que de faire en sorte que l’écosystème de l’économie sociale et solidaire utilise bien la somme de 1, 3 milliard d’euros déjà disponible dans le plan de relance.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Benarroche, j’ai obtenu qu’une telle somme soit fléchée directement vers l’ESS, mais il faut aussi prendre en compte les 3, 9 milliards d’euros de crédits destinés à des secteurs où l’ESS est particulièrement représentée, comme l’économie circulaire, les ressourceries, les recycleries, le secteur médico-social ou le soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap.

Je crois profondément que l’ESS a un avenir, non pas juste pour elle-même, mais pour toute notre économie. Ce n’est pas le débat de ce soir, certes, mais force est de constater que les pratiques de notre économie sociale et solidaire sont en train d’essaimer dans notre économie. Nous le voyons sur la gouvernance, qui se démocratise, sur la limitation des profits, sur la prise en compte de l’impact écologique et social des activités économiques.

C’est cette influence que je souhaite aider l’ESS à valoriser. C’est d’ailleurs, et j’en terminerai sur ce point, la philosophie des contrats à impact que j’ai relancés au début de mon mandat. Il s’agit d’une nouvelle source de financement pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Aussi, je veux partager avec vous ce constat d’une véritable appétence pour ces contrats à impact, pour faire passer des projets à l’échelle de nos territoires.

Sur le premier que nous avons lancé, et qui concerne l’économie circulaire, nous avons reçu vingt-huit candidatures qui sollicitaient 72 millions d’euros. C’est pourquoi je suis en mesure de vous annoncer ce soir que j’ai décidé, avec l’Ademe, de tripler le montant des aides prévu dans ce premier contrat à impact, pour le porter à 30 millions d’euros.

Je conclurai sur cette note d’optimisme pour le devenir de l’économie sociale et solidaire. Certes, nous devons encore tout faire pour aider l’ESS à passer la crise. Toutefois, je partage avec vous, sincèrement, la conviction que l’économie sociale et solidaire nous aidera à nous dépasser par la suite.

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