La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, sur le thème : « Situation et devenir de l’économie sociale et solidaire. »
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je vous rappelle que l’auteur du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’économie sociale et solidaire, ou ESS, regroupe l’ensemble des structures économiques dont le statut, l’organisation, le fonctionnement et l’activité sont fondés sur les principes de la solidarité, de l’équité et de l’utilité sociale. Leur objectif est de favoriser la création d’emplois dans une perspective d’insertion ou de réinsertion, ainsi que d’une plus grande cohésion sociale.
Principalement constituées en associations, en mutuelles, en coopératives ou en fondations, les entreprises de l’ESS adoptent des dispositifs de gestion et de décision participatifs et démocratiques, avec un encadrement strict de l’utilisation des résultats financiers – pas de profit personnel, réinvestissement des bénéfices.
Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nombre de nos concitoyens participent ou ont affaire à des entreprises de l’ESS sans s’en douter. Ce déficit de notoriété, auprès des citoyens comme des décideurs politiques, est bien l’un des soucis majeurs de ce qui peut être considéré comme un modèle économique alternatif et différent.
De plus, si certaines des entreprises de l’ESS répondent à ces principes originels, d’autres, au fil du temps, ont eu tendance s’en éloigner ou, a minima, à moins les brandir en étendard.
Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas d’une sorte de reproche, car toutes les entreprises de l’ESS partagent toujours ces principes, mais ces derniers ne sont souvent ni rappelés ni connus des nouvelles générations et de nombre de décideurs, la perte de reconnaissance amenant ainsi à une perte de connaissance.
Aussi, au travers de ce débat, souhaité par le groupe GEST, nous souhaitons mieux faire connaître ce que porte et représente l’ESS, alerter sur la fragilisation de ses structures pendant la crise sanitaire et sur sa place dans les plans de relance économique, et, enfin, formuler des propositions lui permettant de peser de tout son poids dans la perspective de la transition écologique, sociale et solidaire qui nous apparaît impérative.
Les différents acteurs de l’ESS se sont donc structurés peu à peu pour défendre et promouvoir ses valeurs et encourager son financement par la mise en place de partenariats, tant publics que privés.
En France, parmi les organisations les plus représentatives, on peut citer le Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, le CNCress, le Mouvement associatif, Coop FR, qui est le mouvement des coopératives, le Mouvement des entrepreneurs sociaux, ou Mouves, la Fédération nationale de la mutualité française, et j’en passe.
Le poids économique est de plus en plus significatif : 2, 4 millions de salariés, dont 68 % de femmes ; 22 millions de bénévoles ; 222 000 structures labellisées ESS ; 10, 5 % de l’emploi total ; 14 % des emplois privés ; 10 % du PIB ; 35 millions d’adhérents à une mutuelle de santé. Dans les territoires fragiles, elle représente 22 000 établissements et 161 000 salariés en milieu rural, ainsi que 10 000 établissements et 104 000 salariés dans les quartiers de la politique de la ville.
Le modèle le plus connu, celui de la coopérative, est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement.
La coopérative est un des uniques modèles économiques qui permette réellement de concilier performance économique, respect de l’humain, gouvernante démocratique, création d’emplois durables et innovation.
Il faut noter le cas unique de Railcoop, une entreprise ferroviaire, et les expériences de coopératives créées par les travailleurs après une faillite ou un conflit social, comme Scop-Ti, producteur de thés à Gémenos, symbole de la pérennité des coopératives se substituant à des entreprises capitalistes classiques qui se mettent en faillite.
En 2018, quelque 22 600 entreprises coopératives en France emploient 1, 3 million de salariés. La loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS, complétée en septembre 2016, est destinée à fixer et consolider les règles et la gouvernance de l’économie sociale et solidaire, ainsi que ses modes de financement. Elle ouvre notamment l’ESS aux structures à statut commercial, optant pour ses principes et intégrant des objectifs d’utilité sociale.
La loi prévoit en outre un dispositif d’agrément réactualisé dit « ESUS ». Elle marque la reconnaissance législative « d’un mode d’entreprendre différent ». Elle permet notamment de définir clairement une organisation nationale et régionale de l’ESS. Il apparaît essentiel de ne pas toucher à ce socle légal.
La crise sanitaire a vu, comme pour l’ensemble des acteurs économiques, les activités et les emplois de l’ESS fortement touchés, notamment dans les secteurs des services d’action sociale, de l’éducation et des services à la personne.
Le secrétariat d’État a mobilisé un fonds d’urgence de 30 millions d’euros pour les structures du secteur de moins de 10 salariés. Pour autant, plus globalement, d’après vos propres chiffres, madame la secrétaire d’État, l’ESS ne pèse que 1, 3 milliard d’euros sur les 100 milliards d’euros du plan de relance, alors qu’elle représente un emploi sur dix et mobilise 22 millions de bénévoles.
J’en viens aux pistes pour le devenir de l’économie sociale et solidaire, que je tenais à mettre en avant.
La loi de 2014 apporte une reconnaissance des acteurs représentant l’ESS aux échelons régional, avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les Cress, et national, avec ESS France. Elle a surtout fixé un certain nombre de dispositions essentielles à l’organisation de ces acteurs, et au développement, à l’identification et à la structuration territoriale du secteur.
Les financements de l’État, en contrepartie de ses missions, oscillent, selon la taille des Cress, entre 60 000 euros et 130 000 euros, soit à peine deux à quatre équivalents temps plein, ce qui ne leur permet pas de remplir correctement les missions légales qui leur sont confiées. Sans entrer plus dans le détail, il conviendrait de donner des moyens qu’elles n’ont pas actuellement aux chambres consulaires que sont les Cress, au même titre qu’aux chambres de commerce.
Toujours sur les financements publics, les crédits déconcentrés reçus de l’État sont relativement inchangés depuis 2014. Cette part est assez faible, et, surtout, il en résulte que les actions et projets au-delà du socle de missions communes varient fortement d’un territoire à l’autre.
Les Cress ont dû développer des relations avec les conseils régionaux. Cela représente l’avantage d’une meilleure adaptation territoriale, mais a pour conséquence de rendre difficile une consolidation à l’échelle nationale de leurs données, notamment dans l’analyse et la qualification des besoins des entreprises de l’ESS.
Nous jugeons indispensable un renforcement des crédits déconcentrés, pour assurer le financement de ce socle et ouvrir de nouvelles actions d’accueil, d’information et d’orientation permettant de consolider la qualification de la chaîne de l’accompagnement à l’échelle nationale.
Il est également nécessaire d’établir un état des lieux périodique du financement de l’ESS, qui en décrirait les caractéristiques et tendances, estimerait les besoins de financement futurs par famille et secteur, et, enfin, suggérerait les adaptations. Cet état des lieux requiert la mise à disposition par l’administration de données en open data.
Par ailleurs, il importe de garantir l’accessibilité aux dispositifs ouverts aux entreprises commerciales pour toutes les entreprises de l’ESS.
Il devient aussi urgent de rappeler aux décideurs publics que de nombreuses entreprises de ce secteur ne bénéficient pas forcément de l’agrément ESUS. Aussi, une vigilance particulière dans l’application des politiques publiques et la mise à disposition des fonds dédiés devrait s’exercer afin de s’assurer que ces entreprises parviennent réellement à bénéficier des aides ciblées.
Le mouvement associatif, acteur important de l’ESS, a souligné un fort taux de non-recours aux dispositifs de soutien mis en place, en raison non seulement de l’inadaptation de certains dispositifs, mais également de difficultés d’accès à l’information et du manque d’ingénierie pour la recherche et l’obtention de ces financements.
Pour y remédier, nous pourrions proposer le développement d’une cotisation foncière des entreprises, une CFE, propre aux entreprises de l’ESS gérée par les Cress. Par ailleurs, il pourrait être prévu dans les appels à projets une aide ou un financement permettant l’accessibilité dudit appel à projets à l’ensemble de ces structures.
Il apparaît aussi indispensable de restructurer les fonds propres des petites entreprises de l’ESS, en permettant aux associations dont l’activité dépend d’une tarification publique ou de subventions pour délégation d’action la mise en réserve d’une partie de leur résultat d’exploitation.
Au-delà, mieux financer l’innovation sociale doit être au cœur de notre réflexion. Nous pourrions par exemple envisager de favoriser la reprise d’entreprise, notamment dans le cas de départ à la retraite de l’employeur. Là encore, cela nécessiterait plus de moyens pour les Cress.
Enfin, pourquoi ne pas explorer de nouvelles pistes au travers d’un partenariat avec l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisi et confisqués, organisme qui gère les biens immobiliers confisqués par l’État dans le cadre d’une procédure pénale ?
Il s’agirait de mettre ces derniers à disposition d’associations reconnues d’intérêt général ou d’entreprises solidaires d’utilité sociale agréées à des fins de réutilisation sociale.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Cathy Apourceau-Poly et Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que M. Joël Bigot, applaudissent également.
Monsieur le sénateur Benarroche, je souhaite tout d’abord remercier très sincèrement le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de l’organisation de ce débat, ce soir, sur la situation et le devenir de notre économie sociale et solidaire.
Cela faisait plusieurs années que ce débat ne pouvait se tenir, et pour cause : il manquait un portage gouvernemental et une ou un ministre chargé de l’économie sociale et solidaire. Ce manque est comblé !
Il était légitime, je crois, de faire revenir l’économie sociale et solidaire à sa vocation première – vous avez mentionné 2014 et la loi pour l’ESS –, c’est-à-dire à l’économie, ce qui implique la tutelle de Bercy.
C’était d’autant plus important que la représentation de l’ESS au Gouvernement a quasiment coïncidé avec le début d’une crise sanitaire, qui s’est très vite muée en une crise économique, laquelle met encore à rude épreuve les structures de l’économie sociale et solidaire, comme le reste des entreprises conventionnelles.
En effet, cette crise inédite prive nombre de ces structures d’activité et les force à puiser dans leur trésorerie. Or nous savons bien que le modèle même de l’économie sociale et solidaire, qui repose sur un caractère lucratif limité, conduit à une fragilité structurelle des fonds propres de ces structures.
S’y ajoute un accès limité aux financements bancaires et publics. L’exemple symptomatique est bien sûr celui des petites associations employeuses, qui, d’un côté, subissent la réticence des banques, et, de l’autre, ne connaissent pas forcément les dispositifs d’aides de l’État ou estiment même parfois, voire trop souvent, qu’ils ne leur sont pas destinés.
C’est le premier chantier auquel j’ai souhaité m’atteler en arrivant l’été dernier à Bercy. Pour reprendre l’expression de M. le sénateur Benarroche, ce manque de connaissance, parfois même des acteurs publics, ce manque de reconnaissance, aussi, des acteurs de l’économie sociale et solidaire, m’ont conduit à répondre d’abord et avant tout à l’urgence, en luttant contre le non-recours.
Depuis juillet dernier, nous avons successivement mis en place un guide pour expliquer à l’ensemble des acteurs de l’ESS comment bénéficier des aides d’urgence, mis à jour l’ensemble des informations pour recenser tous les appels à projets du plan de relance qui concernent l’ESS, et fait en sorte, en septembre dernier, que le numéro vert permettant aux entreprises conventionnelles d’obtenir des réponses, que ce soit sur le fonds de solidarité, le prêt garanti par l’État, ou PGE, ou bien des exonérations fiscales et sociales, puisse aussi répondre aux questionnements de nos entrepreneurs sociaux et aux acteurs engagés dans l’ESS.
J’imagine le sourire goguenard que peut susciter l’évocation même d’un numéro vert, mais je connais aussi très bien la détresse de l’employeur qui ne trouve pas de réponses à ses questions.
J’ai donc non seulement souhaité que les services de l’État disposent des réponses susceptibles d’être posées par les acteurs de l’ESS, mais aussi très directement missionné mon cabinet, pour garantir aux acteurs des réponses à leurs questions, si tant est qu’ils ne les aient pas trouvées par les autres moyens mentionnés. Et je puis vous assurer que c’est le cas très souvent.
Depuis le début de la crise, je me mobilise, avec Bruno Le Maire, pour rappeler que les structures de l’ESS sont très simplement des acteurs économiques à part entière, et que, de ce fait, tout aussi simplement, elles sont légitimes à être éligibles à toutes les mesures de droit commun. C’est le cas aujourd’hui.
Je ne le sais que trop bien, les spécificités de l’ESS la rendent plus fragile, et les mesures de droit commun peuvent se révéler soit mal calibrées, soit insuffisantes, voire, je le répète, trop souvent méconnues par les structures mêmes de l’économie sociale et solidaire. C’est ce fameux non-recours contre lequel je me bats.
C’est pourquoi j’ai souhaité demander, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, une hausse substantielle, de l’ordre de 30 %, des moyens alloués au dispositif local d’accompagnement, le fameux DLA, qui permet, dans nos territoires, de soutenir le recours des associations à des prestataires externes pour se développer et mieux répondre aux appels à projets.
C’est pourquoi, enfin, j’ai fait voter en collectif budgétaire, et vous l’avez mentionné, monsieur Benarroche, le fonds UrgencESS, doté de 30 millions d’euros, à destination des petites structures employeuses de l’ESS. Avec ce fonds, nous souhaitons toucher tous les acteurs, surtout ceux qui n’ont pas coutume de demander des aides publiques ou à qui elles ont été refusées.
Aussi, j’ai fait en sorte qu’il soit le plus simple d’accès possible. Il a été confié à un acteur que vous connaissez bien, et qui connaît bien les territoires, à savoir France Active. Il a un fonctionnement très simple : un guichet unique sur urgence-ess.fr ; un diagnostic simple individualisé, qui permet d’identifier les aides de droit commun auxquelles la structure peut prétendre ; une subvention allant de 5 000 à 8 000 euros en fonction des besoins, ainsi qu’un accompagnement renforcé par le DLA pour les structures éligibles.
Depuis le 22 janvier dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, nous recevons chaque jour environ 300 demandes venant d’associations, de coopératives, d’entreprises sociales ou de structures d’insertion.
Ces chiffres reçus aujourd’hui témoignent d’un fort intérêt ces derniers jours : à la fin du mois de février, 7 373 structures avaient fait une demande sur le portail ; 4 534 dossiers sont en cours d’instruction, et, aujourd’hui, ce sont 1 600 dossiers qui sont déjà en cours de traitement pour cette aide d’une première tranche de 10 millions d’euros. Ce mouvement s’est enclenché en moins d’un mois.
Il est important de préciser que, pour les deux tiers, il s’agit d’acteurs qui n’étaient jusqu’à présent pas identifiés par France Active. Il y a ainsi des acteurs qui sollicitent des aides pour la première fois.
Il y a deux manières de considérer cette réalité : c’est à la fois un sujet d’inquiétude, car cela montre la grande fragilité de notre tissu économique social et solidaire, mais c’est aussi un motif relatif de satisfaction, parce que cela veut dire que ce combat contre le non-recours que nous menons commence tout juste à porter ses fruits.
Quoi qu’il en soit, j’entends poursuivre le travail pour que le « quoi qu’il en coûte » s’applique à l’économie sociale et solidaire.
À mon sens, la question n’est pas tant, pour le moment du moins, d’injecter de nouveaux millions ou même des milliards d’euros, que de faire en sorte que l’écosystème de l’économie sociale et solidaire utilise bien la somme de 1, 3 milliard d’euros déjà disponible dans le plan de relance.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Benarroche, j’ai obtenu qu’une telle somme soit fléchée directement vers l’ESS, mais il faut aussi prendre en compte les 3, 9 milliards d’euros de crédits destinés à des secteurs où l’ESS est particulièrement représentée, comme l’économie circulaire, les ressourceries, les recycleries, le secteur médico-social ou le soutien à l’emploi des personnes en situation de handicap.
Je crois profondément que l’ESS a un avenir, non pas juste pour elle-même, mais pour toute notre économie. Ce n’est pas le débat de ce soir, certes, mais force est de constater que les pratiques de notre économie sociale et solidaire sont en train d’essaimer dans notre économie. Nous le voyons sur la gouvernance, qui se démocratise, sur la limitation des profits, sur la prise en compte de l’impact écologique et social des activités économiques.
C’est cette influence que je souhaite aider l’ESS à valoriser. C’est d’ailleurs, et j’en terminerai sur ce point, la philosophie des contrats à impact que j’ai relancés au début de mon mandat. Il s’agit d’une nouvelle source de financement pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Aussi, je veux partager avec vous ce constat d’une véritable appétence pour ces contrats à impact, pour faire passer des projets à l’échelle de nos territoires.
Sur le premier que nous avons lancé, et qui concerne l’économie circulaire, nous avons reçu vingt-huit candidatures qui sollicitaient 72 millions d’euros. C’est pourquoi je suis en mesure de vous annoncer ce soir que j’ai décidé, avec l’Ademe, de tripler le montant des aides prévu dans ce premier contrat à impact, pour le porter à 30 millions d’euros.
Je conclurai sur cette note d’optimisme pour le devenir de l’économie sociale et solidaire. Certes, nous devons encore tout faire pour aider l’ESS à passer la crise. Toutefois, je partage avec vous, sincèrement, la conviction que l’économie sociale et solidaire nous aidera à nous dépasser par la suite.
Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Éric Gold.
Madame la secrétaire d’État, l’économie sociale et solidaire et l’économie circulaire sont fondées sur des valeurs qui se rejoignent et, souvent, se recoupent. La première vise un objectif d’utilité sociale, la seconde a pour objet d’optimiser l’utilisation des ressources naturelles afin de mieux les préserver. Qui peut prétendre que ces buts n’ont pas d’utilité sociale ?
La consommation durable se situe à l’intersection de ces modèles économiques. C’est sur ce point que je souhaiterais attirer votre attention, et plus particulièrement sur le reconditionnement des produits d’occasion.
Dans le cadre des débats autour de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, le Gouvernement a avancé la possibilité d’assujettir les produits d’occasion reconditionnés à la redevance « copie privée ».
Cette taxe a été créée en 1985 pour compenser un manque à gagner des ayants droit sur les produits copiés. Si elle était appliquée, le secteur français de l’économie circulaire pourrait connaître une perte estimée à plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. S’il semble légitime de protéger la culture, cela ne doit évidemment pas mettre en péril l’emploi local ou les modes de consommation responsable.
En effet, l’économie circulaire a permis la création en France de plus de 5 000 emplois, notamment dans des entreprises du secteur marchand et des organisations solidaires intégrant des personnes en formation, en insertion, en situation de handicap.
En outre, le reconditionnement, c’est permettre de prolonger la durée de vie d’un produit et, partant, éviter d’utiliser davantage de matières premières afin de produire de nouveaux biens.
Enfin, reconditionner, c’est rendre accessible au plus grand nombre les nouvelles technologies de l’information et de la communication, puisque plus de 70 % des Français achètent régulièrement des produits d’occasion.
Madame la secrétaire d’État, au regard de ces implications, à la fois économiques et environnementales, la redevance pour copie privée sur les produits d’occasion reconditionnés est-elle vraiment pertinente ?
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Je vous remercie, monsieur le sénateur Gold, de souligner l’importance de la filière du reconditionnement. C’est en effet pour moi l’exemple même de ce que nous voulons faire en matière de croissance verte, c’est-à-dire une croissance fondée non seulement sur la baisse de notre empreinte carbone, mais aussi sur un emploi de proximité.
Le Parlement examinera bientôt, vous le savez, le projet de loi « climat et résilience », dont plusieurs dispositions vont précisément venir encourager les acteurs de cette croissance verte, que ce soit dans l’alimentation, le bâtiment ou, bien sûr, la réparation, avec l’obligation de mise à disposition de pièces détachées.
Dans ces conditions, je ne puis que vous confirmer le plein soutien du Gouvernement à ce secteur du reconditionnement. Quelques start-up françaises s’y affirment de plus en plus, et il faut, je crois, s’en féliciter, parce que cela montre que l’économie circulaire est un vrai marché pourvoyeur d’emplois.
Cependant, je tiens tout de même à rappeler que le reconditionnement permet de faire travailler bon nombre d’entreprises de l’ESS, notamment des entreprises d’insertion, qui sont d’ailleurs souvent sollicitées par ces nouvelles plateformes.
L’enjeu est de taille, comme vous l’avez rappelé. L’électronique reconditionnée pourrait créer dans les années à venir plus de 20 000 emplois, sachant que, pour chaque téléphone reconditionné, c’est l’équivalent de 30 kilogrammes de CO2 évités.
À l’heure actuelle, je crois que le débat est essentiellement juridique. Il s’agit en réalité de savoir si un portable reconditionné est mis sur le marché ou remis sur le marché, ce qui est le premier déterminant de la redevance « copie privée ».
C’est la question qu’il faudra trancher et sur laquelle les réflexions, à cette heure, sont encore en cours. Mon cabinet suit évidemment cela de très près. J’ai aussi, bien évidemment, mon opinion personnelle, mais vous comprendrez aisément, au risque de finir par une pirouette, qu’en tant que secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire je me devrai d’être solidaire de la position qu’adoptera finalement le Gouvernement sur cette question, dont je maintiens qu’elle est essentielle.
Mes chers collègues, à notre tour, nous remercions nos amis écologistes d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour.
L’économie sociale et solidaire est touchée par la crise, comme bien d’autres secteurs. Mais, d’une certaine façon, elle constitue une voie de sortie de cette crise. C’est dans cet esprit, je le crois, que nous pouvons tous nous mobiliser.
Si notre économie a besoin de ce pilier de l’économie de marché qu’est l’entreprise privée, ainsi que des entreprises publiques ou d’une intervention publique forte, elle a également besoin de ce tiers secteur qu’est l’économie sociale et solidaire.
J’ai bien entendu, madame la secrétaire d’État, votre argumentaire consistant à dire que les crédits destinés à l’ESS ne se résument pas à ceux qui figurent dans le plan de relance.
Dans le peu de temps qui m’est consacré, je voudrais insister sur le système des coopératives, qui peut représenter un levier intéressant pour la réindustrialisation de notre pays que nous souhaitons.
Par exemple, les médicaments que l’on n’arrive plus à produire, parce que leur rentabilité est faible, pourraient être fabriqués, comme aux États-Unis paradoxalement, par les réseaux de coopératives, sous la forme de sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, avec l’intervention des collectivités publiques et, pourquoi pas, dans certains cas, de certains hôpitaux.
Des secteurs de production coopératifs seraient ainsi constitués, qui dégageraient des profits uniquement pour faire vivre l’outil productif. Nous pourrions créer un vrai réseau de reconquête des médicaments, dont une partie des principes actifs aujourd’hui ne sont plus suffisamment « rentables » pour les grandes entreprises multinationales.
On peut aussi penser que va se poser un énorme problème de reprise d’entreprises, un certain nombre de dirigeants choisissant d’accélérer leur départ à la suite du choc que nous sommes en train de vivre. Madame la secrétaire d’État, je vous rappelle que la loi de 2014 avait créé de nouveaux outils permettant un portage lissé, parce que la rentabilité n’est pas tout de suite au rendez-vous après une reprise. Il était également question d’informer au bon moment les salariés, pour qu’ils puissent préparer le projet de reprise.
Pour résumer mon propos, il nous apparaît important de faire des SCIC des acteurs de la réindustrialisation et d’accélérer et améliorer les reprises après consultation des salariés à travers des sociétés coopératives et participatives, des SCOP. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement est-il prêt à s’engager sur ces deux sujets ?
C’est aussi une question d’ancrage territorial. L’ESS porte en elle toutes les valeurs qui sont essentielles pour notre avenir.
Madame Lienemann, au risque d’être redondante, je tiens à remercier de nouveau le Sénat d’avoir permis que l’on discute de ce sujet, qui occupe mes jours et mes nuits : l’économie sociale et solidaire.
Je ne le répéterai à chaque réponse, mais elle est résolument une économie de nos territoires. C’est d’ailleurs pourquoi je passe la plupart de mon temps en déplacement, pour observer les structures de l’économie sociale et solidaire. Il n’y a pas débat, je l’ai déjà dit, l’économie sociale et solidaire est une bonne partie de la solution de sortie de crise.
On peut avoir une autre analyse sur le 1, 3 milliard d’euros directs et les 3, 9 milliards d’euros indirects, mais il s’agit tout de même d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les appels à projets sont tous disponibles sur le site de Bercy. Les acteurs de l’ESS le savent, puisqu’ils commencent à y répondre, et je peux mesurer leur intérêt, accompagnés qu’ils sont par le DLA, qui les aide à bien répondre aux appels à projets.
J’ai bien mesuré aussi, pour être précise, que les appels à projets, les AAP, sont moins faciles pour les acteurs de l’ESS que les appels à manifestation d’intérêt, les AMI. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité très vite augmenter le DLA de 2, 8 millions d’euros, pour faire en sorte qu’on les accompagne davantage.
Vous avez raison, madame la sénatrice, il y a dans la loi de 2014 de nouveaux outils, de nouvelles structures, notamment les SCIC et les coopératives d’activité et d’emploi, ou CAE. Pour tout vous dire, je pense qu’il faut encore travailler un peu au plan réglementaire sur ces organismes, qui connaissent un vrai succès, mais qui doivent être un peu consolidés juridiquement.
C’est pourquoi, et j’en terminerai là, je disposerai, d’ici à la fin du mois d’avril, d’un rapport que j’ai demandé à l’inspection générale des finances, l’IGF, et à l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur la consolidation des CAE et des SCIC. S’il faut prendre des mesures réglementaires simples pour faire en sorte qu’elles puissent se développer plus facilement, je proposerai au Gouvernement que nous les prenions.
Je le répète, ce rapport sera rendu fin avril, et j’aurai grand plaisir à le partager avec les sénateurs. L’IGF et l’IGAS sont mobilisées, et j’ai bien l’intention de consolider le modèle de la loi 2014, auquel je crois.
Madame la secrétaire d’État, les crises que traverse notre pays montrent la nécessité de prendre en compte la dimension sociale et écologique dans les logiques économiques et financières, comme cela vient d’être rappelé.
Conjuguant l’objectif de rentabilité, l’utilité sociale et le respect de l’environnement, l’ESS est devenue une référence en matière de développement économique durable. Le poids qu’elle représente dans l’économie globale ne cesse de s’accroître d’année en année.
Mon département, les Hautes-Alpes, en offre une excellente illustration. C’est un territoire rural, où la proximité, la solidarité et la production locale de biens et de services reposent sur un grand nombre d’organisations coopératives, mutualistes et associatives, mobilisant à la fois des salariés et des bénévoles. L’ESS représente ainsi 20 % des emplois privés dans mon département et près de 25 % dans l’agglomération où je suis par ailleurs élu.
Pour soutenir ce secteur d’activité, vous avez, madame la secrétaire d’État, lancé un plan de plus d’un milliard d’euros, qui se décline notamment dans de multiples appels à projets. Si cela va dans le bon sens, il s’agit cependant d’un ensemble d’aides disparates rattachées à divers fonds de soutien, souvent trop peu visibles et difficilement actionnables par la multitude d’acteurs de l’ESS. Je regrette un manque de cohérence globale de tous ces outils.
Madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas créer un fonds unique et spécifique d’investissement dédié à l’économie sociale et solidaire ? Une telle structure permettrait de soutenir directement les différents acteurs de l’ESS, tout en mettant en valeur leurs vertus sociales et écologiques dans l’économie concurrentielle.
Par ailleurs, vous avez évoqué une enveloppe de seulement 100 millions d’euros à destination des associations de lutte contre la pauvreté.
Dans mon département, je constate, hélas, que les fonds de ces associations sont quasiment réduits à néant à cause de la crise qui sévit depuis un an. Comment le Gouvernement compte-t-il les aider concrètement, alors que les sollicitations financières dont elles sont l’objet ont explosé depuis un an ?
Monsieur le sénateur Arnaud, j’ai bien conscience qu’un certain nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire ne sont pas toujours informés des aides auxquelles ils sont éligibles.
Rappelons – M. Benarroche a déjà mentionné les Cress – que la diffusion de cette information est l’une des missions d’ESS France, qui a la tutelle du Conseil national des Cress depuis un certain temps. J’ai des échanges très fréquents avec ESS France ; je discute encore plus souvent avec les têtes de réseau. Il est important que chacune des familles de l’économie sociale et solidaire fasse connaître l’ensemble des aides ; c’est aussi le sens du soutien budgétaire, bien légitime, que j’offre à ces têtes de réseau.
Au travers d’entretiens bimensuels, que ce soit avec les préfectures, avec les régions, ou avec les départements – MM. Muselier et Bussereau pourront en témoigner –, je n’ai de cesse de faire circuler les informations sur les dispositifs destinés aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais aussi de faire remonter les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir, alors que le temps qui m’est imparti est assez court, pour faire savoir aux acteurs ce à quoi ils ont droit en mobilisant l’ensemble de l’écosystème.
Vous avez également mentionné, monsieur Arnaud, le sujet précis du plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, doté de 100 millions d’euros, et de la somme équivalente qui a été programmée pour l’hébergement d’urgence, qui est opéré à plus de 90 % par des associations.
Je suis à votre disposition, de même que mon cabinet, pour poursuivre la discussion sur ce point, puisque c’est toujours un défi que d’apporter une réponse précise dans le délai de deux minutes dont je dispose ici. Toutefois, je m’étonne que, pour le dire simplement, vous n’ayez pas vu la couleur de cet argent. Il faudra que nous discutions de nouveau.
Des appels à projets ont été lancés, la première tranche de 50 millions d’euros a été publiée, les associations peuvent y répondre et le DLA est là pour les y aider. Le Mouvement associatif est mobilisé, les Cress le sont aussi, l’argent est là, et je puis vous garantir que les appels à projets sont publiés. On doit donc pouvoir trouver une solution.
Nous sommes en tout cas à votre entière disposition pour examiner précisément le problème que vous m’indiquez sur votre territoire. Pardonnez-moi de ne pouvoir vous apporter une réponse plus précise, mais il nous faudra prendre le temps de nous pencher ensemble sur ce problème, et ce au plus vite, dès les prochains jours.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la secrétaire d’État, l’économie sociale et solidaire fonctionne selon des règles de gestion souvent singulières, avec un engagement fort de celles et ceux qui en sont les animateurs.
Parallèlement, elle souffre d’une grande difficulté à obtenir des financements à la mesure de ses besoins. C’est ce qui ressort des entretiens que j’ai eus avec de nombreux professionnels de l’ESS.
Certes, des formules spécifiques de financement existent ; je pense notamment aux titres associatifs. Des formules ouvertes à d’autres secteurs économiques sont également susceptibles d’être utilisées, notamment les titres obligataires. Je n’ignore pas non plus que le secteur bancaire dispose de fonds a priori ciblés pour le secteur de l’ESS.
Néanmoins, si tous ces dispositifs sont utiles, ils ratent en partie leur cible. En effet, ils sont le plus souvent méconnus, même si j’ai conscience de votre action la matière, madame la secrétaire d’État. Surtout, les opérateurs du secteur bancaire connaissent mal les spécificités de l’ESS ; ce secteur si spécifique a notamment besoin de règles prudentielles particulières. Enfin, la mise en œuvre de ces dispositifs est souvent trop technique et complexe pour les entreprises sociales et solidaires de petite taille, qui sont présentes sur tout le territoire.
Madame la secrétaire d’État, comment pensez-vous contribuer concrètement à faire en sorte que, dans les territoires, les interlocuteurs des associations maîtrisent les outils de financement existants et puissent proposer une expertise technique pour les mettre en œuvre et accompagner les acteurs de l’ESS dans leur financement ?
Comment envisagez-vous de faire prendre en compte, à terme, les spécificités de ce secteur et de ses besoins de financement par les investisseurs et l’ensemble du secteur bancaire ?
À l’heure où l’épargne forcée des ménages serait devenue surabondante en raison de la crise du covid-19, ne serait-il pas envisageable d’orienter une partie de cette épargne vers l’ESS, qui participe à l’amélioration du bien-être et de la cohésion de notre société ?
Madame la sénatrice Blatrix Contat, vous évoquez deux sujets : les difficultés rencontrées par les petites structures, d’une part, et le traitement des besoins en financement de l’ESS par le secteur bancaire, d’autre part.
La question du financement de l’ESS est évidemment primordiale. Comme on l’a rappelé, dans ce secteur, les fonds propres sont structurellement faibles et la trésorerie est fragile. C’est lié au modèle même que porte l’ESS dans son ADN, notamment à sa lucrativité limitée.
Je veux illustrer mon propos par l’exemple du fonds de solidarité et des fonds régionaux. Je risque de me répéter, mais je vous prie de m’en excuser : c’est la réalité à laquelle je me cogne tous les jours ! Environ 14 milliards d’euros ont été décaissés à ce jour pour le fonds de solidarité ; 200 millions d’euros sont allés directement aux associations, cœur de l’ESS. C’est mon travail quotidien que de faire en sorte qu’elles y soient éligibles et de les amener à ces fonds.
Il s’agit d’un travail transpartisan, dans l’esprit de la question posée par Mme Lienemann. L’économie sociale et solidaire est l’un des îlots sur lesquels nous pouvons nous retrouver, quelles que soient nos sensibilités politiques, car il s’agit d’une économie des territoires. Dans tous mes déplacements, je me rends compte que, à tous les niveaux, l’État, les régions et les départements travaillent ensemble.
Je veux porter un message positif : de bonnes initiatives sont prises. Ainsi, la Cress de Provence-Alpes-Côte d’Azur a mis en place, en plus des aides de l’État et du dispositif d’urgence, un fonds régional complémentaire nommé ESS’OR, destiné à compléter le financement des structures de l’économie sociale et solidaire. Certaines Cress et certaines régions prennent donc en main le financement de ces structures, en bonne intelligence avec l’État, dans une logique de complémentarité : je veux saluer l’exemplarité de ces initiatives.
Vous avez également mentionné, madame la sénatrice, le secteur bancaire. Qu’il s’agisse de la Banque de France ou de la Fédération bancaire française, je veux que mon propos soit clair et fort : j’ai appelé ces organismes à l’automne dernier, pour leur demander de la bienveillance avant que n’arrivent les fonds de 30 millions d’euros que, grâce à vous, nous avons pu obtenir au sein de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020.
Ces fonds devaient arriver à compter du 22 janvier ; ces acteurs devaient comprendre la nécessité d’attendre jusqu’à cette date. Eh bien, je ne veux pas laisser entendre que l’ESS ne serait pas écoutée par les banques privées ou la Banque de France : je veux vous dire que nous avons été entendus !
Plus largement, la médiation du crédit accompagne les structures de l’ESS dans l’ensemble de vos territoires. Même si je suis bien consciente que beaucoup de travail reste à accomplir, il me semble que les lignes sont en train de bouger.
Cela fait sept mois et demi que je me consacre à cette tâche ; il y a encore beaucoup de pain sur la planche, et le sujet du financement demeure stratégique, comme vous le soulignez, mais bien des choses bougent déjà, notamment à l’échelle régionale.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la secrétaire d’État, je veux tout d’abord honorer, en quelques mots, celles et ceux qui œuvrent au quotidien au sein de nos associations, tout spécialement en cette période ; ils méritent notre considération et notre plus profond respect.
Dans la crise que nous traversons, notre cohésion sociale est particulièrement mise en l’épreuve ; nous avons donc plus que jamais besoin d’un tissu d’associations, de coopératives et de mutuelles. Dès le début de cette crise, nous avons observé une formidable levée de citoyenneté. J’ai pu constater, dans mon département, une incroyable solidarité, y compris en milieu rural, pour faire vacciner nos concitoyens.
Évidemment, ce qui nous inquiète, c’est que la crise n’est pas finie : les difficultés financières seront importantes et les demandes toujours croissantes.
Deux points nous inquiètent encore, madame la secrétaire d’État.
Tout d’abord, quoi que l’on en dise, des signaux négatifs sont envoyés au tissu associatif depuis quelques années : on pourrait évoquer la fin des contrats aidés, la baisse des subventions publiques, la suppression de la réserve parlementaire, ou encore l’inadéquation du fonds pour le développement de la vie associative, sans parler de toutes les petites mesures qui ont eu un impact sur la collecte des dons, comme le prélèvement à la source.
Ensuite, nous avons l’impression que le modèle de l’économie sociale et solidaire est malmené. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’un de vos prédécesseurs, Jean Gatel, dans un excellent ouvrage que vous avez sans doute lu, L ’ Économie sociale et solidaire – Un nouveau modèle de développement pour retrouver l ’ espoir. On en tire l’impression que le compte n’y est pas !
J’allais donc lancer un appel vibrant au renforcement du plan d’urgence, mais vous avez annoncé des chiffres forts : 1, 3 milliard d’euros directement, 3, 9 milliards indirectement, et un fonds d’urgence de 30 millions d’euros. Nous verrons bien si tout cela est suffisant ; en l’état, nous entendons surtout des cris de détresse et d’alarme.
C’est pourquoi nous vous interpellons. Soyons donc très attentifs, car ce secteur est extrêmement fragile, alors que c’est notre pacte social qui en dépend.
Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Blanc.
Oui, le plan d’urgence fonctionne ; je ne sais trop s’il faut s’en inquiéter ou, d’une certaine manière, s’en réjouir. Même si me féliciter des urgences n’est pas dans ma nature, je ne puis que me satisfaire de la mise en œuvre de ce plan : en moins d’un mois, on a déjà décaissé 10 millions d’euros pour accompagner 1 600 structures. Ce n’est pas demain ou après-demain que cela se passe, monsieur le sénateur, c’est bien aujourd’hui ; j’ai tenu à vérifier ce point auprès du président de France Active avant ce débat.
Cela sera-t-il suffisant ? Je ne sais pas. Il nous faudra reprendre rendez-vous quand nous aurons tous ensemble, avec vous qui êtes au cœur des territoires, décaissé ces 30 millions d’euros. Si nous sommes bons en la matière – et nous le serons, tous ensemble ! –, cela sera fait au début du printemps ou d’ici à la fin du mois d’avril prochain.
Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que c’est la meilleure façon d’aller légitimement redemander plus à Bruno Le Maire, mais aussi au Premier ministre, Jean Castex : je tiens en tout cas à vous garantir l’attention que cet ancien élu local prête au tissu associatif. Je sais que je suis entendue : s’il faut accompagner davantage, le Gouvernement le fera.
Au-delà de l’urgence, je veux œuvrer à la relance : la meilleure façon de soutenir de façon pérenne les petites associations et d’assurer leur financement, c’est de bien les enclencher dans le plan de relance. C’est pourquoi le dispositif local d’accompagnement est très important et il est crucial d’aider et d’accompagner les associations en matière de compétences, pour qu’elles puissent répondre à ces appels à projets.
J’entends l’expression de « modèle malmené », et ce n’est certainement pas à moi de porter une telle qualification ; je ne fais que reprendre votre expression. Sachez que je fais tout pour mieux le mener ! En tout cas, j’ai apprécié les mots de M. Benarroche : il faut que ce secteur soit mieux connu, mais aussi mieux reconnu. Cette reconnaissance est bien ce que nous devons aujourd’hui à l’économie sociale et solidaire.
Telle est ma mission, que je porte avec cœur : faire connaître et reconnaître les femmes et les hommes qui portent cette économie, qui représente tout de même, il est toujours bon de le rappeler, quelque 10 % de notre PIB et 14 % de nos emplois salariés.
Madame la secrétaire d’État, ma question concerne l’inclusion des personnes en situation de handicap et leur orientation vers des entreprises adaptées, ou EA.
Le Gouvernement a projeté de doubler, sur le quinquennat, le nombre de places en EA. Il a accéléré, en mai dernier, le déploiement de la plateforme « Mon Parcours Handicap », pour simplifier l’accès des personnes handicapées aux services adaptés.
Ces initiatives vont dans le bon sens, mais il reste beaucoup de travail pour améliorer la fluidité des parcours. Je pense en particulier au passage de certains pensionnaires stabilisés d’un foyer de vie occupationnel à une entreprise adaptée.
Aujourd’hui, une telle transition doit logiquement se faire par l’intermédiaire d’un établissement ou service d’aide par le travail, un ÉSAT, mais certains territoires, notamment dans l’hyper-ruralité, peuvent être pourvus de foyers occupationnels et d’entreprises adaptées, alors qu’ils manquent d’un ÉSAT.
Certains pensionnaires identifiés pourraient aller vers cette inclusion dans une EA, à la condition d’un encadrement spécifique en amont et pendant leur insertion, en commençant par un mi-temps, quitte à ce que ces personnes retournent finalement dans un foyer, dans le cas où le travail en EA ne s’avérerait pas possible.
Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour fluidifier ces parcours et favoriser l’inclusion par l’activité ?
Par ailleurs, vous avez évoqué les aides reçues par les entreprises adaptées pour leur équipement, mais elles restent modestes. Que prévoit le Gouvernement pour renforcer l’investissement de ces entreprises pendant la crise ?
Enfin, lorsque des travailleurs classés « travailleurs handicapés » par leur maison départementale des personnes handicapées, leur MDPH, et chômeurs à plus de 20 % demandent à travailler dans des EA, Pôle emploi leur refuse s’ils travaillent, même partiellement, en milieu ordinaire. Pourquoi ?
Concernant votre dernière question, monsieur le sénateur Chasseing, je n’ai pas la prétention de répondre quand je ne dispose pas de la réponse. Si vous m’y autorisez, je me permettrai donc de vous joindre avant la fin de cette semaine, afin de vous apporter une réponse.
Pour ce qui est de vos deux premières questions, je veux rappeler, sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur, que le Gouvernement s’est engagé dans une politique volontariste et surtout pragmatique d’amélioration du quotidien des personnes en situation de handicap, mais aussi de leurs proches.
Cet engagement, porté avec force par Sophie Cluzel, se déploie dans une pluralité d’actions dont l’ambition majeure est l’amélioration, mais aussi la simplification de l’accès au droit de façon équitable dans tous les départements. Une feuille de route importante est aujourd’hui engagée par Sophie Cluzel, avec qui je vais m’entretenir dans les prochains jours, afin de pouvoir apporter une réponse à votre deuxième question.
Quant aux aspects financiers du problème, dans le cadre du plan France Relance, nous agissons pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Le Gouvernement a décidé de mettre en place une aide à l’embauche visant à favoriser l’emploi de ces personnes.
Cette aide, d’un montant maximum de 4 000 euros, est attribuée aux entreprises et aux associations, quelles que soient leur taille et leur structure, qui auront embauché entre le 1er septembre 2020 et le 30 juin 2021 un salarié travailleur handicapé en CDI ou en CDD d’au moins trois mois rémunéré jusqu’à deux fois le SMIC.
Parmi les mesures fléchées vers les entreprises adaptées, rappelons que 300 millions d’euros ont été déployés depuis l’été dernier, en direction de près de 5 000 entreprises sociales inclusives et, en particulier, de 800 entreprises adaptées. Ce plan a reçu 20 millions d’euros supplémentaires en décembre dernier, compte tenu du succès rencontré par ces projets créateurs d’emplois.
Ce sont donc à ce jour 320 millions d’euros qui sont, à ce jour, employés à consolider les emplois existants dans les 5 000 entreprises soutenues sur tout le territoire, mais aussi à créer 40 000 emplois nouveaux entre 2021 et 2022, dont 27 000 dès cette année.
Madame la secrétaire d’État, comme cela a déjà été rappelé, l’ESS représente un gisement colossal d’emplois durables, qui doivent participer à la relance économique, sociale, industrielle et écologique de notre pays.
L’ESS démontre chaque jour que nous pouvons faire autrement, en plaçant l’humain au cœur de l’économie. En nous appuyant sur ce formidable réseau de compétences, d’action et de démocratie, nous pourrons apporter des solutions pertinentes à la crise sanitaire, écologique et économique.
Madame la secrétaire d’État, je ne puis que saluer votre engagement pour ce secteur, qui s’est notamment traduit par la mise en place du fonds d’urgence dédié à l’ESS, ou encore par la prise en compte des spécificités de ce secteur, pour que ses entreprises puissent bénéficier des mesures de soutien mises en place par l’État depuis la crise du covid-19.
Cela étant, je souhaite insister sur un point spécifique : il est nécessaire de structurer un écosystème capable d’aider les entreprises du secteur.
Vous avez déjà évoqué les têtes de réseaux, qui ont pour mission d’accueillir, d’informer et d’accompagner. J’insiste sur la notion d’accompagnement et d’appui des structures, notamment en matière de levée de fonds et de développement commercial, compétences parfois peu représentées dans les organisations de l’ESS, ce qui tend à favoriser les plus grosses structures au détriment des plus petites.
Cela s’est ressenti lors de la première séquence de la crise. Le Mouvement associatif a pointé la faible consommation par les associations des dispositifs mis à leur disposition pour les soutenir. Aussi, pourquoi ne pas imaginer le développement d’un centre de formalité des entreprises dédié aux entreprises de l’ESS et géré par les Cress, à l’image de ce que font déjà les chambres de commerce et d’industrie ?
Madame la secrétaire d’État, malgré vos efforts, il reste du chemin à effectuer. Que pensez-vous de cette piste ?
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
La tâche est lourde, monsieur le sénateur Salmon ; vous faites bien de le rappeler. C’est toujours un honneur que d’être appelé à faire partie du Gouvernement, mais c’est aussi une sacrée pression, surtout quand on n’a que peu de temps devant soi, ce qui est mon cas, même si j’ai eu l’honneur d’être parlementaire avant d’être nommée secrétaire d’État.
Il reste beaucoup à faire, qui plus est durant cette crise, pour un écosystème en pleine croissance et porteur d’avenir, dont les spécificités sont encore trop méconnues.
Je veux rappeler à ce propos un événement que l’on ne connaît peut-être pas assez. L’été dernier, peu après ma nomination au Gouvernement, je devais signer avec la Caisse des dépôts et consignations une convention d’un montant de 210 millions d’euros, pour soutenir directement le financement de l’économie sociale et solidaire dans les territoires. En fin de compte, à l’automne, la convention que j’ai signée portait sur un montant de 300 millions d’euros, soit 90 millions de plus que ce qui était prévu initialement.
Je tiens à le rappeler, car cela répond aussi à la question qui m’a été posée un peu plus tôt sur le financement de ce secteur. Les problématiques sont parfois techniques et complexes. Mais, qu’il s’agisse de la Caisse des dépôts et consignations, des banques privées ou de la Banque de France, je puis vous garantir que les hommes qui sont à leur tête – pour le coup, ce sont des hommes ! – sont attentifs à l’ESS. Ainsi, Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts, compte parmi ceux qui ne lésinent pas en matière de financement pour l’économie sociale et solidaire.
À nous d’agir ensemble ! C’est pourquoi, à défaut de rencontres physiques, je mène de nombreuses visioconférences avec les préfets et même les sous-préfets d’arrondissement. J’ai écrit à eux tous, ainsi qu’à l’ensemble des présidents de région et de département. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire savoir que ces outils existent et mettre en relation France Active, les acteurs du secteur, le DLA, la Caisse des dépôts, les têtes de réseau, ou encore Bpifrance.
Je n’avais pas encore mentionné ce dernier acteur, mais il faut évoquer les prêts d’honneur que Bpifrance octroie, à hauteur de 130 millions d’euros, au sein des 230 millions d’euros qui lui reviennent parmi le 1, 3 milliard d’euros du plan de relance consacré à l’ESS. Ces prêts d’honneur solidaires peuvent apporter jusqu’à 8 000 euros d’aide directe à taux zéro ; à l’heure actuelle, un peu plus de 2 000 prêts ont été ainsi octroyés, il reste encore beaucoup de marge.
J’ai donc une seule réponse à vous apporter, monsieur le sénateur : oui, il y a encore beaucoup de travail, et ce n’est qu’ensemble qu’on peut l’accomplir.
Je ne suis pas sûre pour autant qu’il faille créer d’autres structures et d’autres tâches. Je dirais plutôt : utilisons ce qui existe déjà ! Ce n’est pas là une fin de non-recevoir, mais plutôt une invitation à utiliser l’existant, notamment les Cress.
Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur le guichet UrgencESS ouvert en janvier dernier par le Gouvernement, mais aussi sur la communication qui est faite sur l’existence de ce dispositif et du fonds dédié de 30 millions d’euros qui lui est associé.
En tout, 2, 5 millions de salariés travaillent dans ce secteur, soit 14 % des emplois en France. Avec la crise, et malgré une activité soutenue au premier trimestre de 2020, une nette chute a suivi. Entre juin 2019 et juin 2020, 52 500 emplois dans des coopératives, des mutuelles, des associations et des entreprises ont disparu.
Si l’économie sociale et solidaire a joué et joue encore un rôle essentiel dans la crise, il n’en reste pas moins qu’elle en a aussi beaucoup souffert. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, plus de 11 000 structures, parmi les 220 000 acteurs que compte l’ESS n’apparaissent plus dans les fichiers.
Cette évolution inquiétante est majoritairement due au secteur associatif, qui perd plus de 7 % de ses établissements. Trois secteurs ont été particulièrement affectés : l’art et le spectacle, l’hébergement et la restauration, ainsi que le sport.
Face à cet état de fait, votre secrétariat d’État a mobilisé un fonds d’urgence de 30 millions d’euros pour les structures de l’ESS de moins de 10 salariés qui souffrent du contexte sanitaire. Nous avons soutenu cette réponse nécessaire et importante lors de l’examen du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.
L’aide déployée par le mouvement associatif France Active doit permettre aux structures relevant de l’économie sociale et solidaire de poursuivre leur activité pendant la crise, de financer les emplois de leurs salariés et de pallier les difficultés liées à la trésorerie.
L’objectif de soutenir 5 000 structures avant le printemps 2021 sera probablement atteint, puisque vous avez rappelé que 1 600 établissements ont déjà bénéficié de ces fonds en un mois. Dès lors, le nombre de structures soutenues pourra-t-il être revu à la hausse ? Ce guichet unique est-il aujourd’hui bien identifié par celles et ceux à qui il s’adresse en priorité ?
Madame la sénatrice Havet, je souhaite avant tout vous féliciter, brièvement, mais sincèrement, pour la mission qui vous est confiée sur la commande publique. C’est un sujet important pour les structures de l’économie sociale et solidaire, notamment pour que les plus petites structures puissent répondre à cette commande publique et accéder à ces marchés.
Ce sera pour moi un plaisir que de travailler avec vous sur ces sujets autour de l’article 15 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, sur lequel l’Assemblée nationale se penchera, en commission, dès la semaine prochaine.
Il y a toujours de nouveaux détails à apporter quand il s’agit de mieux faire connaître le fonds d’urgence. J’ai déjà essayé de vous répondre sur ce qu’il permettait, mais je veux encore rappeler quelques éléments importants.
Oui, le secteur associatif souffre, comme nous l’a exprimé le Mouvement associatif lors de la visioconférence que le Premier ministre et moi-même avons eue la semaine dernière avec lui, mais aussi l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES, et d’autres structures associatives pour faire le point.
Oui, nous craignons la disparition de 10 000 associations ; c’est à peu près le nombre de celles qui ont disparu des fichiers depuis le début de la crise.
Cela dit, entre pessimisme d’humeur et optimisme de volonté, je suis résolument optimiste, bien que j’aime Cioran, ce qui pourrait faire l’objet d’un autre débat ! Nous avons vocation à sauver entre 5 000 et 10 000 associations – soyons ambitieux ! – au moyen de ce fonds d’urgence. L’idée est non pas de compenser la disparition d’associations indispensables, mais de promouvoir la création de nouvelles associations et de les soutenir.
Aujourd’hui, nous avons reçu 7 400 demandes, qui émanent pour 60 % d’entre elles de structures n’ayant pas bénéficié du fonds de solidarité. Il est intéressant de constater que l’on vient pallier ce manque d’accès, conformément à notre objectif. Soyons précis : une première attribution de 1 620 primes a été faite, ce qui correspond à une première tranche de 10 millions d’euros. L’objectif de soutien de 5 000 à 10 000 structures doit être atteint autour de la fin du mois d’avril, comme je le mentionnais.
Nous constatons aussi avec intérêt que les associations des secteurs sportif et culturel ont largement fait appel au fonds UrgencESS, qui peut apporter un soutien complémentaire des fonds sectoriels du ministère des sports ou du ministère de la culture – ce dernier avait offert 60 millions d’euros d’aides aux associations.
Madame la secrétaire d’État, la Bretagne est une terre particulièrement favorable à l’économie sociale, solidaire et responsable, notamment parce que l’on y trouve implantées beaucoup de coopératives, mais aussi de nombreux établissements mutualistes, des fondations et, bien sûr, nombre d’associations qui œuvrent au quotidien pour aider au développement de la région et apporter un certain nombre de services à la population.
En parallèle de ce qui a été fait par le Gouvernement pour apporter à ces structures le coup de main nécessaire dans ces moments difficiles, nous constatons que le niveau d’épargne de la population est relativement important.
Il me semble donc qu’il serait important de pouvoir mobiliser cette épargne populaire, à côté des prêts bancaires classiques, au service d’actions utiles à l’économie sociale, solidaire et responsable, pour permettre le développement des territoires. Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il préconiser en la matière ?
Ma seconde question porte sur le rôle que le secteur de l’économie sociale, solidaire et responsable peut jouer en matière d’éducation et de formation des jeunes. On sait qu’un certain nombre de ces derniers restent en difficulté, en marge du système éducatif traditionnel. Il importe de pouvoir leur apporter des réponses ; or il me semble que ce secteur d’activité est plutôt bien adapté à une telle entreprise et que son cadre juridique serait particulièrement approprié.
Que pourrait envisager le Gouvernement pour apporter une réponse aux besoins exprimés par ces jeunes et permettre leur meilleure insertion professionnelle ?
La terre bretonne est bien la première terre d’ESS dans notre beau pays, monsieur le sénateur Canevet. C’est également en Bretagne que j’ai fait mon premier déplacement dans les territoires l’été dernier. On y trouve en effet un écosystème très fort.
À vos deux questions, j’essaierai d’apporter deux réponses très simples. Si vous m’y autorisez, je commencerai par la seconde. Au sein du plan de relance, 1, 3 milliard d’euros sont consacrés à l’ESS ; dans cette somme, 600 millions d’euros sont mis en service de l’emploi dans ce secteur, parmi lesquels un peu plus de 200 millions d’euros doivent aller aux parcours emploi compétences, ou PEC.
Environ 40 000 de ces PEC, soit 50 % d’entre eux, sont directement fléchés vers les structures de l’économie sociale et solidaire.
L’objectif est d’embarquer des jeunes dont vous avez à juste titre rappelé l’attirance pour les structures de l’ESS, qui découle de multiples raisons : ces acteurs partagent la valeur et le pouvoir, car leur gouvernance est différente ; en outre, au cœur même du modèle coopératif dont on a parlé, on trouve le principe : « Un homme, une femme, une voix ». Tout cela est au cœur même de ce qui attire notre jeunesse, car cette économie-là fait sens.
C’est pourquoi, aujourd’hui, plus de 200 millions d’euros sont consacrés à la mise en place de parcours emploi compétences permettant d’embarquer nos jeunes dans ce secteur.
Encore faut-il expliquer comment faire. C’est pourquoi un mode d’emploi très basique, élaboré en concertation avec Élisabeth Borne et le ministère du travail, sera très bientôt publié, afin que les structures de l’ESS sachent comment activer un PEC rapidement – ce n’est pas si aisé que cela. Le guide est prêt, il est simple et sera publié très prochainement. Il doit permettre de booster ces 40 000 emplois.
En ce qui concerne l’épargne, j’ai demandé à la Banque de France, qui est mobilisée sur l’ESS, je vous l’ai dit, en lien avec les banques, de conduire des travaux statistiques pour suivre les évolutions de l’arrêté de 2020, qui prévoit que la quote-part minimale égale à 5 % de l’épargne non réglementée soit allouée à l’ESS.
Nous étudierons l’intérêt de porter ce seuil de 5 % à 10 %, en concertation avec le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Ce dossier est sur mon bureau, et nous aurons l’occasion de vous en reparler. En fonction des statistiques qui nous seront transmises, nous prendrons possiblement une décision sur l’orientation de l’épargne vers l’ESS.
Je suis satisfait que le Gouvernement se préoccupe de mobiliser l’épargne vers le secteur de l’économie sociale et solidaire. Il faut trouver pour l’insertion des jeunes en situation difficile des solutions extrêmement simples.
J’en profite aussi, madame la secrétaire d’État, pour attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent aujourd’hui les centres d’hébergement des classes de mer, non seulement parce qu’ils ont très peu d’activités en ce moment – ils sont aidés à ce titre –, mais surtout parce qu’ils ont peu de perspectives pour l’avenir, leurs carnets de commandes étant quasiment vides. La situation post-covid nous inquiète.
Je salue l’initiative du groupe GEST, qui nous a proposé le débat qui nous occupe aujourd’hui, lequel est tout à fait d’actualité.
La crise de la Covid-19 a eu de lourds effets sur l’activité du secteur de l’ESS. À titre exemple, selon les chiffres de l’Observatoire de la Cress des Pays de la Loire, près de 800 emplois ont été détruits en Maine-et-Loire et 3 500 dans l’ensemble de la région en un an. L’ESS est un secteur qui reste fragile.
Nous avons évoqué l’ESS à l’échelon national, mais c’est également un sujet européen. L’ESS représente en effet près de 20 millions d’emplois dans l’Union européenne et environ 9 % de la population active du continent.
Les 26 et 27 mai 2021 aura lieu le Sommet européen de l’économie sociale à Mannheim. L’objectif est de définir un plan d’action européen pour l’ESS pour 2021, conformément au souhait de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ce plan devant s’intégrer plus largement dans le Green Deal.
Comme vous le savez, le secteur de l’ESS entre aujourd’hui en concurrence avec des acteurs lucratifs qui ne défendent pas les valeurs des acteurs de l’ESS : la démocratie, la lutte contre les inégalités sociales, l’intérêt général et la transformation économique et écologique.
Lors d’une interview au journal Le Monde en novembre 2020, vous avez indiqué, madame la secrétaire d’État, que vous vous battriez pour la reconnaissance du modèle économique de l’ESS et de la spécificité de ce secteur à l’échelon européen. Dont acte, madame la secrétaire d’État !
Aussi, pouvez-vous nous préciser le calendrier des négociations en cours et nous indiquer quelles démarches vous avez d’ores et déjà effectuées à l’échelle européenne pour amplifier la dynamique de l’ESS, sans en dénaturer l’esprit, alors que des décisions sont en gestation ?
Enfin, comment la Commission a-t-elle accueilli vos propositions, s’agissant notamment de la création de nouveaux instruments de financement
La France va prendre la présidence de l’Union européenne en 2022 et se doit d’être au rendez-vous et à la hauteur des enjeux.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.
Monsieur le sénateur Bigot, je l’ai écrit en novembre 2020 et je vous le confirme en mars 2021 : la Commission européenne a confié la mission de mettre en œuvre un plan d’action pour l’ESS au commissaire Nicolas Schmit, avec qui j’en ai discuté à plusieurs reprises, notamment le 15 décembre dernier à Bruxelles. Ce plan d’action est en cours d’écriture – un point d’étape sera réalisé à Mannheim au mois de mai –, et il prendra forme définitivement à l’entrée de l’hiver, en octobre ou en novembre 2021.
Dans le cadre de nos échanges européens, nous avons poussé nos idées, notamment nos trois priorités que sont la reconnaissance du statut et des actions portant lucrativité limitée – c’est un sujet important – ; le renforcement de la Banque européenne d’investissement dans le financement de l’économie sociale et solidaire ; enfin, l’accompagnement financier. Ce dernier point est un réel problème à l’échelon européen – comme du reste à l’échelon national, certains d’entre vous l’ont évoqué.
On constate en effet un goulot d’étranglement à l’échelon européen. Nous avons donc demandé que les acteurs de l’ESS bénéficient d’un point d’entrée dédié au sein de la BEI.
Aujourd’hui, les propositions formulées par la France ont fait l’objet d’un « non-papier », que nous avons partagé avec nos homologues européens et qui a été bien accueilli.
Le commissaire Nicolas Schmit porte un intérêt réel aux dispositifs que je déploie, aux social impact bonds, les contrats à impact social. L’Europe a porté les green bonds. Il se pourrait, vous le savez, que l’Europe, mais aussi d’autres pays européens, duplique le modèle de contrat à impact que nous déployons en France. La Belgique, notamment, est assez exemplaire à cet égard.
J’espère que ce modèle sera étendu à l’échelon européen et que l’Europe sera en mesure de financer de tels contrats.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces réponses. L’ESS représente un véritable espoir. Nos territoires le savent bien.
L’ESS peut incarner le monde d’après et l’économie de demain. Il faut que ce modèle soit étendu à l’échelon européen. On espère que la France sera à la hauteur des enjeux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
À mon tour, je remercie nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de ce débat sur l’économie sociale et solidaire, laquelle nous concerne et nous mobilise tous, au quotidien, en particulier dans cet hémicycle.
À cet égard, je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que nous avons porté ici la loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui traite entre autres des structures d’insertion par l’activité économique, les SIAE, et des entreprises à but d’emploi, les EBE, qui font partie intégrante de l’économie sociale et solidaire. Je pense que nous avons modestement apporté notre pierre à l’ESS.
Au-delà, le Gouvernement, vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, grâce aux fonds d’urgence, a permis à ces entreprises de passer un cap dans la crise sanitaire qu’elles traversent aujourd’hui.
Les conseils régionaux jouent aussi un rôle important dans le soutien de l’ESS, qui apparaît souvent comme un acteur essentiel de l’économie de proximité et qui constitue fréquemment une opportunité pour favoriser l’émergence d’activités et renforcer la cohésion territoriale.
Certes, cher Michel Canevet, la région Auvergne-Rhône-Alpes, ou région AURA, n’est pas la Bretagne, mais l’ESS y représente 10 % de l’appareil productif et plus de 300 000 emplois.
Une synergie entre les régions et l’État est donc indispensable si l’on veut notamment incarner une plus grande ambition collective pour l’économie sociale et solidaire.
Madame la secrétaire d’État, je vous poserai deux questions.
Le label French Impact, né d’une initiative gouvernementale en 2018, vise à fédérer les acteurs de l’innovation sociale. Un budget de 1 milliard d’euros leur avait été promis, mais, à ce jour, hormis un site internet et des échanges, il ne s’est pas passé grand-chose.
Par ailleurs, les moyens des chambres régionales de l’ESS sont dix fois moins financés par l’État qu’une chambre de commerce et d’industrie classique, comme l’a souligné notre collègue Benarroche.
Pouvez-vous nous indiquer quelles suites opérationnelles et financières seront données au label French Impact et si vous envisagez de vous appuyer davantage sur les Cress pour pousser et soutenir les acteurs de ce secteur ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d ’ État auprès du ministre de l ’ économie, des finances et de la relance, chargée de l ’ économie sociale, solidaire et responsable. Madame la sénatrice Puissat, je ne puis que louer l’émulation interrégionale entre acteurs de l’ESS ! Il ne tient qu’à la région AURA, qui est très active, de doubler la Bretagne, qui a, il est vrai, une histoire forte dans ce domaine !
Sourires.
Vous avez évoqué le rôle des conseils régionaux. Lors de mes déplacements chaque semaine, j’ai des échanges avec les Cress et j’en appelle à une hybridation des financements entre l’État et les conseils régionaux.
Alors que les régions contribuent très directement au plan de relance – les fonds régionaux représentent 400 millions d’euros –, on constate malheureusement que le taux de non-recours aux fonds de solidarité régionaux est très élevé. J’essaie de diffuser l’information à cet égard et je ne peux qu’encourager les régions à faire de même le plus possible.
Vous m’interrogez également sur le label French Impact : le milliard d’euros est porté par vingt fonds à impact. J’ai demandé à French Impact de concentrer son action sur le financement des projets portés par les acteurs de l’ESS dans les territoires. Nous avons donc aujourd’hui recentré notre action sur la finance à impact, plutôt que sur d’autres thématiques.
Je pense que, en période de crise notamment, il faut se concentrer, plutôt que de se disperser, et apporter des financements aux porteurs de projets de l’économie sociale et solidaire.
Aujourd’hui, je le redis, le milliard d’euros est porté par vingt fonds à impact. Il ne tient qu’à nous d’amplifier le mouvement au cours des prochains mois. Pour ma part, je crois à la finance à impact et je prendrai une initiative de place au cours des prochains mois à Paris pour démontrer le soutien du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Madame la secrétaire d’État, l’ESS peut être au cœur de la transformation de notre économie : elle peut favoriser les transitions vers des modèles plus résilients en matière écologique, économique et sociale, en s’appuyant sur leur potentiel démocratique et de coopération.
Il faut soutenir les entreprises de l’ESS en faveur de la transition sociale et écologique. Il faut soutenir le développement de l’ESS dans un contexte marqué par la crise sanitaire, économique et sociale et formuler des propositions en ce sens. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
Permettez-moi de revenir sur une question qui a déjà été posée lors de l’examen du projet de loi de finances sur la fiscalité applicable à certaines activités de l’ESS.
L’implantation de l’ESS dans le secteur des déchets et de l’économie circulaire a permis ces dernières années d’accélérer les transitions en matière de consommation.
Dans la seule filière textile, les tonnages de déchets collectés ont été multipliés par trois en dix ans et sont passés de 75 000 tonnes en 2008 à 250 000 tonnes en 2019. L’ESS occupe une place importante dans cette filière puisqu’elle gère 36 centres de tri sur les 63 existants. Je pense par exemple aux activités du Relais et d’Emmaüs, etc.
Le réseau Envie, quant à lui, qui compte une soixantaine d’établissements en France, collecte entre 25 % et 30 % des déchets d’équipements électriques et électroniques en France et rénove plus de 120 000 appareils par an.
Madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas mettre en place un dispositif fiscal incitatif pour les activités de réparation, de réemploi et de réutilisation, en abaissant le taux de TVA à 5, 5 % pour ces prestations ? Une telle baisse pourrait constituer un important levier de changement en matière de consommation. On estime ainsi aujourd’hui que 1, 5 million de vélos seraient détruits par an, principalement en raison du coût que représente leur réparation.
Des taux de TVA réduits, entre 5 % et 8 %, applicables notamment à la réparation de vélos, ont déjà été mis en place dans sept pays de l’Union européenne. Pourquoi ne pas en instaurer en France, madame la secrétaire d’État ?
Monsieur le sénateur Cardon, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine, pour l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Quelque 3 700 amendements ont déjà été déposés sur ce texte. Je pense que nous allons passer la barre des 4 000, ce qui représente beaucoup d’idées. Je ne doute pas que certains d’entre eux viseront à proposer des dispositifs fiscaux, afin de favoriser la réutilisation et le recyclage, après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et toutes les mesures que nous avons déjà prises en faveur de ce secteur.
Je ne dresserai pas la liste de toutes les dispositions que j’ai défendues dans le cadre du dernier projet de loi de finances, que ce soit en faveur des ESUS ou de l’ESS. Les dispositifs fiscaux sont nombreux. Ce n’est certainement pas à vous que je vais apprendre que la création d’un nouveau dispositif, même si nous pourrons en discuter dans le cadre du projet de loi Climat et résilience – nous aurons évidemment un débat sur ce sujet ici au Sénat –, relèvera, si elle est possible, du dernier projet de loi de finances de la mandature.
J’ai eu l’occasion de mesurer durant trois ans et demi, ce qui est peu, la complexité fiscale au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Je pense que le recyclage et la réparation constituent une véritable économie. Beaucoup de choses ont déjà été faites, mais peut-être faut-il en faire plus ? Nous en débattrons dès la semaine prochaine.
Je ne doute pas que les amendements déposés sur le texte seront intéressants, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Je compte sur la créativité des parlementaires. Je ne suis pas inquiète à cet égard !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
J’évoquerai l’économie sociale et solidaire sous le prisme du logement.
Nous le savons tous, le logement est un élément prépondérant des politiques publiques, tant à l’échelon national qu’à l’échelon local. Transversales par définition, les difficultés en matière d’accès au logement ont des conséquences directes dans les domaines de l’éducation, de l’intégration et de l’insertion professionnelle. L’économie sociale et solidaire a toute sa place dans l’accompagnement dans le logement, que l’on en soit un acteur ou un bénéficiaire.
En France, on dénombre environ 300 000 personnes sans domicile fixe, soit le double par rapport à 2012. Cette triste réalité nous rappelle que, si ce sujet est régulièrement évoqué et pris en compte par les décideurs publics, nous n’avons pas encore trouvé de baguette magique afin d’enrayer ce triste constat.
En 2007, l’association Toit à moi a été créée, afin de venir en aide aux personnes sans domicile fixe. Partant du constat qu’une association est bien plus efficiente si elle est propriétaire des logements qu’elle propose aux plus démunis, cette association a mis en œuvre un principe simple pour lever des fonds, certes modestes, mais tout de même : si cent personnes donnent 20 euros par mois pendant cinq ans, l’association devient propriétaire d’un logement à l’issue de cette période, les donateurs pouvant bénéficier d’une réduction fiscale.
Ainsi, cette association s’est constituée au fil des années un parc immobilier, certes modeste comparé à celui d’un bailleur social, mais qui lui permet de répondre, à son échelle, à la demande de logement des sans-abri d’un territoire. Les personnes restent environ trois ans dans ces logements, avant de retrouver une autonomie durable.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures êtes-vous susceptible de mettre en place afin de développer ce modèle d’accompagnement des personnes sans-abri, en particulier pour les personnes qui souhaiteraient se réinsérer professionnellement dans le domaine de l’économie sociale et solidaire ? Le développement d’une telle association est un véritable projet entrepreneurial.
Madame la sénatrice Imbert, je connais l’association Toit à moi, qui effectue un travail remarquable. Elle fait d’ailleurs partie des Pionniers French Impact et est soutenue dans le cadre du pass Pionnier, à hauteur de 400 000 euros sur deux ans.
Le Gouvernement soutient très clairement les associations. Je le vois lors de chacun de mes déplacements : l’ESS est une économie souvent très ingénieuse.
Je le redis, le plan France Relance prévoit 100 millions d’euros pour le soutien aux associations engagées dans la lutte contre la pauvreté. Un appel à projets est déployé sur deux ans, à hauteur de 50 millions d’euros par an. Il permettra aux associations d’être financées directement et de mettre en œuvre des actions spécifiques exceptionnelles. Il s’agit d’irriguer un tissu associatif de manière réactive.
Une autre enveloppe de 100 millions d’euros est par ailleurs prévue dans ce même plan pour développer et améliorer les structures d’hébergement et de logement temporaires.
Sur ces 100 millions d’euros, 50 millions d’euros serviront à créer des places d’hébergement supplémentaires et à réaliser des travaux dans les centres d’hébergement ; 30 millions d’euros serviront à expérimenter le rachat d’hôtels destinés à être transformés en résidences sociales, en complément de ce que font déjà des associations remarquables comme Toit à moi.
Il est indispensable que des associations actives et aussi utiles que Toit à moi candidatent à de tels appels à projets, possiblement avec l’aide du dispositif local d’accompagnement, le DLA. Je me bats pour que de telles associations candidatent au plan de relance pour bénéficier des 200 millions d’euros qui leur sont destinés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la secrétaire d’État, l’insertion professionnelle des jeunes est l’un des piliers fondateurs de l’économie sociale et solidaire. Cette importance a été reconnue dans le cadre du plan de relance puisque la moitié des sommes engagées pour le secteur sont dédiées à l’insertion.
Un tel effort est important, mais nécessaire, quand on sait combien l’ESS est une manière concrète de faire vivre l’égalité des chances. Cette branche permet en effet aux jeunes de faire leurs preuves dans un cadre adapté.
Dans le seul département des Yvelines, on dénombre plus de 40 structures d’insertion par l’activité économique, représentant 900 salariés. Bien d’autres structures de l’ESS mettent en œuvre des démarches de lutte contre l’exclusion. Cependant, elles se révèlent bien souvent fragiles du fait de leur modèle économique. La question de leur pérennité économique se pose pour la grande majorité des projets, à juste titre, car peu de structures tendent malheureusement vers cet horizon.
Si les entreprises et les associations de l’ESS reconnaissent l’effort fait par le Gouvernement, elles pointent aussi un manque de cohérence globale et quelques trous dans la raquette.
Deux points sont régulièrement mentionnés : d’une part, le besoin d’attirer les jeunes plus qualifiés afin de bénéficier de leurs compétences ; d’autre part, les difficultés de trésorerie au-delà de la période de crise actuelle, pour lesquelles il faut trouver des solutions pérennes. Il convient donc de répondre aux difficultés structurelles de l’ESS tout en poursuivant la dynamique pour l’insertion des jeunes, des plus éloignés de l’emploi.
Madame la secrétaire d’État, comment comptez-vous accentuer le lien entre les structures de l’ASS et les services de l’emploi – je pense particulièrement aux missions locales, entre autres – et renforcer les structures de l’ESS pour accroître l’insertion des jeunes ?
Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. En réalité, c’est une question gigogne, qui en contient plusieurs. J’y répondrai rapidement, en commençant par évoquer les missions locales.
Les missions locales qui œuvrent pour l’accompagnement de nos jeunes aujourd’hui bénéficient de 190 millions d’euros au sein du plan de relance. Il est bien normal qu’on les soutienne dans la période que nous traversons.
Vous soulevez ensuite deux points concernant l’emploi : le premier concerne nos jeunes, le second, au-delà de la période de crise actuelle, les difficultés de trésorerie.
On me critique souvent dans les territoires, et à raison – ce fut le cas à Marseille –, au motif que j’emploie de nombreux sigles et acronymes utilisés dans le secteur de l’IAE, ou insertion par l’activité économique, « IAE » étant lui-même un sigle.
J’entends le manque de cohérence globale que vous évoquez, mais ce que je trouve intéressant dans l’IAE, c’est qu’elle porte en elle à la fois le volet relatif à l’insertion, qui dépend du département, et le volet relatif à l’activité économique, qui repose sur la région.
Quand on est un acteur de l’ESS, en général une association ou une coopérative au service des autres, on ne sait pas forcément vers qui se tourner – le département, la région ou l’État. Un travail de fond sur cette complexité doit être effectué, mais il est difficile de le faire dans l’urgence. C’est un sujet important.
Vous évoquez le besoin d’attirer les jeunes plus qualifiés vers l’ESS. Hugues Vidor, le président de l’UDES, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, porte avec force cette thématique. Nous sommes convenus que l’urgence est d’utiliser les 40 000 parcours emploi compétences qui sont d’ores et déjà prévus dans le plan de relance. Je suis disposée à favoriser l’emploi de jeunes plus qualifiés dans l’ESS, mais utilisons d’abord les moyens prévus dans le plan de relance avant d’envisager d’autres dispositifs.
J’ai dépassé le temps de parole qui m’est allouée ; j’en suis désolée, madame la sénatrice. Je répondrai par écrit à votre dernière question.
Je vous remercie de votre tentative de réponse, madame la secrétaire d’État.
Ma question était pourtant très simple : j’aurais aimé que vous nous disiez de quelle façon conjuguer économie sociale et solidaire et insertion et emploi des jeunes.
Madame la secrétaire d’État, une chose paraît acquise, c’est que l’économie sociale et solidaire a le vent en poupe, comme en témoignent tous les chiffres qui ont été cités : peu d’entreprises ou de secteurs d’activité peuvent se vanter d’avoir connu une telle progression au cours des années passées.
Aujourd’hui, l’ESS représente 14 % de l’emploi du secteur privé, soit 2, 4 millions de salariés. Le domaine social est particulièrement actif, quelque 41 % des emplois de ce secteur relevant de l’économie sociale et solidaire.
Pour ma part, j’évoquerai l’économie sociale et solidaire sous l’angle de l’éducation, pour plagier ma collègue Corinne Imbert, qui l’a évoquée, elle, sous l’angle du logement.
Actuellement, l’Éducation nationale semble faire de l’ESS davantage un objet de découverte qu’un élément de programme. Ainsi, du 22 au 27 mars prochain sera organisée en France la semaine de l’économie sociale et solidaire à l’école. Différentes ressources seront mises à la disposition des enseignants et des lycéens, comme un dossier pédagogique et des fiches pratiques.
Cette présentation de l’ESS s’inscrit plus dans une logique d’initiation que dans une logique d’enseignement, notamment au travers du parcours d’avenir, qui permet aux élèves, de la sixième à la terminale, de construire progressivement, et tout au long de leurs études secondaires, une véritable compétence à s’orienter.
À un moment où la préoccupation majeure de la France est l’accès de ces jeunes au travail, ne serait-il pas préférable d’inscrire l’économie sociale et solidaire dans le programme des élèves de la seconde à la terminale, pour en faire un enseignement de base, de nature à renforcer leur insertion dans la vie professionnelle et à susciter des vocations ?
J’ai lu voilà quelques jours l’article 2 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui devrait peut-être nous inspirer. Il prévoit en effet que « l’éducation à l’environnement et au développement durable » prépare les élèves « à l’exercice de leurs responsabilités de citoyen ». Peut-être pourrait-on faire la même chose pour l’économie sociale et solidaire ?
Monsieur le sénateur Favreau, l’un n’est pas exclusif de l’autre. Je pense que l’on peut tout à fait éveiller les élèves dans les petites classes et faire de l’ESS un élément d’enseignement, voire de formation, de la troisième à la terminale, en vue du post-bac. Des délégués du développement durable existent déjà dans les classes au collège. Je dirai donc : les deux, mon général, si vous m’autorisez cette expression.
Je ne pense pas qu’il faille mettre fin à l’initiation de la sixième à la troisième, qui est très utile, car elle permet de développer les pratiques du quotidien et d’éveiller l’esprit de nos plus jeunes, de leur faire comprendre peu à peu que l’ESS est un écosystème d’avenir, source d’emplois et de création d’entreprises.
Les deux approches sont complémentaires et participent à la fois de l’éducation au développement durable et de la pratique d’une économie. Elles permettent une formation écoresponsable.
Je peux vous dire une chose : nous accordons un grand intérêt à la semaine de l’ESS à l’école et c’est une initiative que je soutiens. Je crois qu’il est important de faire contribuer les plus jeunes à un projet collectif : le coopératif est au cœur de l’économie sociale et solidaire. Nous avons tout à gagner à les faire bénéficier d’un tel apprentissage le plus tôt possible.
Je pense donc que nous pouvons faire les deux. Peut-être faut-il renforcer l’enseignement de l’ESS au lycée, mais il me semble aussi très utile d’avoir une sensibilisation et une éducation à l’économie sociale et solidaire et au développement durable dès la sixième.
Madame la secrétaire d’État, j’évoquerai les problèmes rencontrés par les ressourceries et les recycleries.
Comme vous le savez, un certain nombre de ces structures de l’économie sociale et solidaire intervenant dans le secteur du réemploi et de la réutilisation connaissent ou vont connaître des difficultés financières importantes. Elles disposent bien souvent d’une trésorerie insuffisante ou de fonds propres trop faibles pour affronter les conséquences de la pandémie de la covid-19.
Or ces structures participent à la préservation des ressources et à la réduction des déchets tout en présentant des atouts socioéconomiques. Elles contribuent évidemment au recyclage et à l’économie circulaire, mais créent également du lien social ainsi qu’une dynamique positive dans un certain nombre de territoires. Elles favorisent la création d’emplois, souvent au bénéfice de personnes en réinsertion professionnelle ou en situation de précarité. Elles aident des familles ayant peu de moyens à s’équiper en offrant une seconde vie aux produits. Leur approche transversale permet donc une conjugaison à mon sens bienvenue des différentes politiques publiques : prévention des déchets, développement économique et social…
Les collectivités jouent un rôle important dans le développement des projets de recycleries.
Ainsi que cela a été souligné, le ministère de la transition écologique et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ont proposé au mois de septembre dernier un plan qualifié d’« exceptionnel » pour apporter un soutien de 10 millions d’euros et éviter des arrêts d’activité.
Or si ce plan s’adresse opportunément aux petites structures de l’économie sociale et solidaire de moins de trois salariés, il semble en revanche exclure les ressourceries et recycleries qui emploient en moyenne vingt et une personnes. Quels sont précisément les critères d’éligibilité en vigueur ?
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous rassurer les acteurs du secteur, qui œuvrent au quotidien, mais semblent parfois rencontrer des difficultés ?
Monsieur le sénateur, je vous remercie de soulever cette question. Le fonds pour le réemploi solidaire est un dossier que je suis depuis l’été dernier.
Vous le savez, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi AGEC, a prévu la mise en place de nouveaux fonds par les éco-organismes à des filières à responsabilité élargie des producteurs. Les filières qui produisent des produits électriques ou électroniques, des meubles ou des articles de bricolage ou de jardinage devront y participer à hauteur de 5 % de leur écocontribution. Cela devrait représenter une enveloppe de 30 millions d’euros à destination des recycleries, ressourceries et autres structures de l’ESS.
Le décret du 27 novembre 2020 qui met en œuvre ces dispositions de la loi AGEC prévoit une attribution des financements sur la base de procédures ouvertes à toute personne éligible qui en formule la demande et l’allocation d’au moins 50 % des ressources du fonds aux personnes disposant de l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS).
Je le souligne, ce taux est un minimum et les critères d’attribution pour tout projet doivent se conformer à un principe de proximité : la fixation d’une distance maximale entre le lieu de dépôt du produit et celui de la réalisation des opérations garantissant que ces aides bénéficient aux petites entreprises locales, même hors ESS.
J’entends la crainte des différents acteurs associatifs, parfois relayée – c’était encore le cas à l’instant – par des parlementaires : les fonds pourraient finir par profiter à des entreprises industrielles méconnaissant les objectifs de retour à l’emploi et de limitation du gaspillage des ressources qui sont au cœur de l’article 62 de la loi AGEC. Je poursuis actuellement les discussions avec le ministère de la transition écologique pour définir comment nous assurer au mieux du fléchage nécessaire.
S’il faut envisager une clause de revoyure, nous l’envisagerons. Simplement, aujourd’hui, le fonds pour le réemploi solidaire, c’est 50 % pour les ESUS et 50 % pour les autres acteurs. Nous avons simplifié le dispositif en faisant un guichet unique, car le fonctionnement par appel à projets est souvent compliqué, notamment pour les acteurs de l’ESS.
Nous ferons le point avec Barbara Pompili dans quelques mois. Je ne manquerai alors pas de vous tenir informés.
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe auteur de la demande.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.
Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir participé à ce débat. J’ai particulièrement apprécié la richesse de vos interventions, ce qui m’amène à poser cette question : l’ESS est-elle un facteur important de transformation de notre modèle économique et social ? En effet, au-delà du consensus qui existe entre nous sur un certain nombre de points, l’ESS doit être considérée comme un modèle économique de remplacement. C’est, me semble-t-il, le sujet central.
Les réponses ou les absences de réponses ciblées aux besoins des entreprises de l’ESS dans un certain nombre de pays européens libéraux – cela ne concerne pas uniquement la France – montrent la faible compréhension de l’ESS par les administrations publiques centrales.
Comment faire de l’ESS un levier majeur, peut-être la clé de voûte de la relance économique, en tout cas d’une certaine relance économique, celle du « monde d’après », dans une logique de résilience, d’innovation et de coopération ?
L’ESS promeut la citoyenneté active, la démocratie participative et la pluralité des systèmes économiques, qui sont essentielles pour toucher les groupes les plus vulnérables et les plus marginalisés ; nous en avons eu plusieurs illustrations au cours du débat. Il est nécessaire que ces valeurs fondamentales demeurent présentes et actives au sein de toutes les entreprises de l’ESS.
Le principe de la lucrativité limitée, c’est-à-dire la mise au service des hommes et du développement de projets des excédents, donc des bénéfices dégagés, la rémunération limitée ou nulle du capital et l’encadrement de l’échelle des salaires, avec en particulier un ratio entre les salaires les plus hauts et les salaires plus bas, caractérisent aussi l’ESS et ses entreprises ; ne l’oublions pas. C’est un autre modèle économique qui est proposé.
Des études récentes, notamment celles de Social E conomy E urop (SEE) et de United Nations Inter-Agency T ask Fo rce on S ocial and S olidarity E conomy (UNTFSSE), soulignent l’importance de s’inspirer des principes et pratiques de l’ESS pour reconstruire un monde durable, afin de créer ce nouveau paradigme économique appuyé sur les logiques de l’économie circulaire, de la sécurité alimentaire, de l’échange de bonnes pratiques, du développement économique local, de l’innovation sociale et du bien commun.
L’ESS, c’est vert, c’est durable et c’est humain ! La plupart des entreprises de l’ESS s’appuient sur leurs membres, sont ancrées dans leur communauté, où elles jouent un rôle essentiel dans le développement économique et la gouvernance locale.
Ainsi, dans le cadre de la relance, l’ESS peut favoriser la création d’emplois décents, mais aussi un développement plus centré sur les personnes à l’échelon local. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire visent plutôt à fournir des biens et des services à leurs membres et aux communautés dont elles sont proches. Elles sont souvent dirigées ou détenues par ces communautés, donc enclines à relever à la fois les défis du changement climatique et de la réduction de la pauvreté.
Le Gouvernement devrait inclure les ESS dans la conception et la mise en œuvre des mesures d’intervention et de reconstruction. Il est nécessaire de saisir les occasions de passer à des économies plurielles qui incluent et promeuvent des modèles d’entreprises alternatifs orientés vers la personne et la planète. Les politiques publiques visant à créer et renforcer des écosystèmes pour l’ESS sont décisives pour pouvoir mettre en place un programme de développement transformateur de notre modèle économique et social, donc de notre société.
Pour mes camarades des associations et des coopératives – je pense notamment à ceux de Scop-TI, à Gémenos, qui ont repris l’usine de thé Fralib Unilever à la suite du conflit social –, je reviendrai sur deux ou trois mesures importantes.
Ainsi que Mme Puissat l’a évoqué, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress) et ESS France sont aujourd’hui, me semble-t-il, demandeuses d’un véritable financement et veulent avoir un rôle comparable à celui des chambres de commerce et d’industrie. Leurs représentants m’en ont parlé. Je pense que c’est un sujet important. Afin de pouvoir jouer le rôle dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, les structures concernées ont besoin de moyens, et pas seulement de moyens financiers. Pour l’instant, elles ne les ont pas, ou pas suffisamment.
Enfin, peut-être faudrait-il s’interroger sur le flou juridique qui entoure la possibilité pour les collectivités territoriales d’acquérir des titres associatifs. C’est un problème pour elles comme pour les associations. Ouvrir cette possibilité permettrait sans doute de résoudre un certain nombre de difficultés de financement.
L’« ESSisation », barbarisme utilisé par un certain nombre de mutuelles, est une nécessité pour une économie durable et performante !
Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.
Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Situation et devenir de l’économie sociale et solidaire. »
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 3 mars 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Débat sur l’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ;
Débat sur les conclusions du rapport « Mobilités dans les espaces peu denses à l’horizon 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quarante.