Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 2 mars 2021 à 22h00
Situation et devenir de l'économie sociale et solidaire — Conclusion du débat

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir participé à ce débat. J’ai particulièrement apprécié la richesse de vos interventions, ce qui m’amène à poser cette question : l’ESS est-elle un facteur important de transformation de notre modèle économique et social ? En effet, au-delà du consensus qui existe entre nous sur un certain nombre de points, l’ESS doit être considérée comme un modèle économique de remplacement. C’est, me semble-t-il, le sujet central.

Les réponses ou les absences de réponses ciblées aux besoins des entreprises de l’ESS dans un certain nombre de pays européens libéraux – cela ne concerne pas uniquement la France – montrent la faible compréhension de l’ESS par les administrations publiques centrales.

Comment faire de l’ESS un levier majeur, peut-être la clé de voûte de la relance économique, en tout cas d’une certaine relance économique, celle du « monde d’après », dans une logique de résilience, d’innovation et de coopération ?

L’ESS promeut la citoyenneté active, la démocratie participative et la pluralité des systèmes économiques, qui sont essentielles pour toucher les groupes les plus vulnérables et les plus marginalisés ; nous en avons eu plusieurs illustrations au cours du débat. Il est nécessaire que ces valeurs fondamentales demeurent présentes et actives au sein de toutes les entreprises de l’ESS.

Le principe de la lucrativité limitée, c’est-à-dire la mise au service des hommes et du développement de projets des excédents, donc des bénéfices dégagés, la rémunération limitée ou nulle du capital et l’encadrement de l’échelle des salaires, avec en particulier un ratio entre les salaires les plus hauts et les salaires plus bas, caractérisent aussi l’ESS et ses entreprises ; ne l’oublions pas. C’est un autre modèle économique qui est proposé.

Des études récentes, notamment celles de Social E conomy E urop (SEE) et de United Nations Inter-Agency T ask Fo rce on S ocial and S olidarity E conomy (UNTFSSE), soulignent l’importance de s’inspirer des principes et pratiques de l’ESS pour reconstruire un monde durable, afin de créer ce nouveau paradigme économique appuyé sur les logiques de l’économie circulaire, de la sécurité alimentaire, de l’échange de bonnes pratiques, du développement économique local, de l’innovation sociale et du bien commun.

L’ESS, c’est vert, c’est durable et c’est humain ! La plupart des entreprises de l’ESS s’appuient sur leurs membres, sont ancrées dans leur communauté, où elles jouent un rôle essentiel dans le développement économique et la gouvernance locale.

Ainsi, dans le cadre de la relance, l’ESS peut favoriser la création d’emplois décents, mais aussi un développement plus centré sur les personnes à l’échelon local. Les entreprises de l’économie sociale et solidaire visent plutôt à fournir des biens et des services à leurs membres et aux communautés dont elles sont proches. Elles sont souvent dirigées ou détenues par ces communautés, donc enclines à relever à la fois les défis du changement climatique et de la réduction de la pauvreté.

Le Gouvernement devrait inclure les ESS dans la conception et la mise en œuvre des mesures d’intervention et de reconstruction. Il est nécessaire de saisir les occasions de passer à des économies plurielles qui incluent et promeuvent des modèles d’entreprises alternatifs orientés vers la personne et la planète. Les politiques publiques visant à créer et renforcer des écosystèmes pour l’ESS sont décisives pour pouvoir mettre en place un programme de développement transformateur de notre modèle économique et social, donc de notre société.

Pour mes camarades des associations et des coopératives – je pense notamment à ceux de Scop-TI, à Gémenos, qui ont repris l’usine de thé Fralib Unilever à la suite du conflit social –, je reviendrai sur deux ou trois mesures importantes.

Ainsi que Mme Puissat l’a évoqué, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress) et ESS France sont aujourd’hui, me semble-t-il, demandeuses d’un véritable financement et veulent avoir un rôle comparable à celui des chambres de commerce et d’industrie. Leurs représentants m’en ont parlé. Je pense que c’est un sujet important. Afin de pouvoir jouer le rôle dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État, les structures concernées ont besoin de moyens, et pas seulement de moyens financiers. Pour l’instant, elles ne les ont pas, ou pas suffisamment.

Enfin, peut-être faudrait-il s’interroger sur le flou juridique qui entoure la possibilité pour les collectivités territoriales d’acquérir des titres associatifs. C’est un problème pour elles comme pour les associations. Ouvrir cette possibilité permettrait sans doute de résoudre un certain nombre de difficultés de financement.

L’« ESSisation », barbarisme utilisé par un certain nombre de mutuelles, est une nécessité pour une économie durable et performante !

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