Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 3 mars 2021 à 15h00
Accord de commerce et de coopération entre le royaume-uni et l'union européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 24 décembre dernier, un accord de commerce et de coopération a été trouvé de justesse entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Il a permis d’éviter un no deal et une sortie brutale du Royaume-Uni de l’Union européenne, mais certains points de l’accord et leurs effets suscitent toujours inquiétudes et interrogations.

Je pense à l’accord conclu sur la pêche ainsi qu’à l’impact du Brexit sur les ports du nord-ouest de la France, particulièrement ceux de Normandie, région dont je suis élue tout comme cinq collègues de mon groupe.

Ces ports sont aujourd’hui affaiblis, voire en difficulté économique, en raison de la perte brutale d’activité sans précédent liée à la covid-19. Quasiment toutes les compagnies ferries transmanche annoncent ou mettent en œuvre des plans sociaux et les exploitants portuaires comme la régie de Dieppe, la chambre de commerce et d’industrie de Caen ou encore le port de Cherbourg SAS ont affiché, en 2020, des pertes substantielles. Il y a quelques semaines, monsieur le secrétaire d’État, au cours d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, je vous ai déjà alerté sur la situation de Brittany ferries, mais on peut également évoquer celle de DFDS Seaways, qui assure la liaison Dieppe-Newhaven, ainsi que les compagnies de croisières qui sont à l’arrêt total.

Au-delà de cette crise, compagnies et ports transmanche sont confrontés, depuis le 1er janvier dernier, à la mise en œuvre du Brexit. Pour toutes ces structures, le départ annoncé du Royaume-Uni de l’Union européenne les a obligées à anticiper la mise en œuvre de lourds travaux d’aménagement des terminaux pour pouvoir répondre aux nouvelles exigences en matière de circulation des marchandises et des personnes. Pour les ports normands, la facture s’élève déjà à 8 millions d’euros et elle risque de largement s’alourdir par la nécessité d’installer un poste de contrôle vétérinaire sur le terminal du port d’Ouistreham.

Consciente de ces impacts économiques, l’Union européenne a proposé, au mois de décembre dernier, la création d’un fonds d’ajustement au Brexit ayant pour objet de fournir une aide simple et rapide aux secteurs les plus durement touchés par le Brexit. Cette initiative est louable, mais les critères arrêtés pour la répartition de ce fonds entre les États membres posent question. Par exemple, la période de référence pour l’admissibilité des dépenses démarre actuellement au 31 juillet 2020. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous imaginez bien que les ports français n’ont pas attendu l’été dernier pour engager de lourdes modifications de leurs infrastructures. Nous espérons que leurs dépenses pourront être éligibles et bénéficier des crédits de ce fonds, et ce rapidement. Cette question est absolument cruciale !

Dans ce contexte, j’appelle votre attention sur le fait que les ports et compagnies devront, en plus, mettre en œuvre dans quelques mois la directive dite Entry Exit System, ou système d’entrée et de sortie de l’Union européenne, avec le risque d’un encombrement des terminaux déjà soumis à de fortes tensions.

D’ores et déjà, les échanges, notamment en ce qui concerne les produits frais, sont nettement moins fluides. Les installations de l’industrie française de transformation font d’ailleurs état de difficultés significatives. Durant le mois de janvier 2021, les importations de poissons britanniques auraient diminué en volume, mais également en qualité.

Si, dans le domaine de la pêche, sujet évoqué par le président de la commission des affaires européennes, l’accord est plutôt satisfaisant, il reste provisoire et n’est que partiellement mis en œuvre. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les pistes de négociations pour le secteur après le mois de juin 2026 ?

Reste le cas des îles anglo-normandes, dont le statut particulier au sein même des zones de pêche britanniques a été remis en cause par l’accord de commerce et de coopération, ayant pour conséquence de fragiliser l’accord de la baie de Granville entre la France et le Royaume-Uni.

Les navires français se trouvent désormais dans l’obligation d’obtenir une autorisation pour opérer dans ces eaux. Des licences ont été délivrées sans trop de difficultés sur une base provisoire par les autorités de Guernesey, mais il n’en est pas de même pour le gouvernement de Jersey. Au mois de janvier 2021, ce dernier a accordé cinquante-sept autorisations, alors que trois cents navires y pêchent habituellement.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le constatez : ces sujets sont concrets. Ils remontent directement du terrain et d’acteurs que j’ai eu l’occasion de rencontrer, notamment au mois décembre dernier, lors d’une réunion d’information sur le Brexit organisée à Rouen par le préfet de Seine-Maritime, préfet de Normandie. Nous attendons donc des réponses très concrètes !

Mon dernier mot sera pour Michel Barnier, auditionné au Sénat il y a quinze jours, dont je tiens à saluer l’implication sans faille et le travail déterminé depuis 2016. Il aura permis, en dépit des conséquences malheureuses qu’engendre et que continuera, hélas, d’engendrer le Brexit, une sortie par le haut, avec un accord de coopération le plus juste possible.

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