Intervention de Richard Yung

Réunion du 3 mars 2021 à 15h00
Accord de commerce et de coopération entre le royaume-uni et l'union européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Richard YungRichard Yung :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour une sorte de débat préalable à celui qui aura lieu au Parlement européen. En effet, il ne nous revient pas de nous prononcer sur l’accord qui a été trouvé : c’est le Parlement européen qui le fera. Cela n’empêche pas de formuler des remarques et de donner un certain nombre d’orientations.

C’est d’abord une bonne chose que nous ayons trouvé un accord. L’absence d’accord aurait été une catastrophe majeure pour les deux parties.

En même temps, le Brexit en lui-même est une mauvaise affaire.

Le Brexit est une mauvaise affaire pour le Royaume-Uni, qui perd les bénéfices des politiques communes, de sa participation au marché unique et à l’union douanière. Ses exportations vers l’Union européenne doivent être soumises aux différents contrôles douaniers et sanitaires. On voit déjà que la mise en œuvre de ces contrôles n’est pas chose aisée. Malheureusement, ces contrôles existeront aussi dans l’autre sens.

Les transports aériens et maritimes seront moins faciles, moins fluides. Pour le moment, le raccordement au réseau électrique est garanti, mais il est renégociable d’ici quelques années.

La vision, très XIXe siècle, de Boris Johnson est celle de la Global Britain : le Royaume-Uni au centre du monde et passant des accords de libre-échange bilatéraux avec un ensemble d’autres pays ou d’autres régions – les États-Unis, les pays du Commonwealth et l’Asie.

Pour l’instant, le succès de cette politique ne saute pas aux yeux et, pour ceux qui aiment le Royaume-Uni et la culture britannique, il est un peu triste de voir cette grande nation historique et culturelle se fixer aujourd’hui pour ambition d’être un petit îlot de libre-échange et de fiscalité facile aux côtés de l’Europe. Une telle ambition n’est pas digne de ce grand pays.

Le Brexit est aussi une mauvaise affaire pour la France. Le Royaume-Uni quitte les politiques communes, qui sont le cœur de la construction européenne : la politique extérieure et la politique de défense – si les accords de Lancaster House restent le cadre, qu’en restera-t-il à l’avenir ? –, les politiques coordonnées d’immigration et de droit d’asile.

Les plus optimistes peuvent espérer que la fin de la participation du Royaume-Uni aux décisions relatives aux politiques communes européennes cesse de freiner et de bloquer la mise en œuvre de ces dernières et nous permette d’avancer plus rapidement.

Plusieurs difficultés se trouvent devant nous.

Je pense d’abord au problème de frontière lié à l’application de l’accord concernant l’Irlande du Nord. Cette frontière est un peu difficile à appréhender, puisqu’elle se situe au milieu du bras de mer qui sépare le Royaume-Uni de l’Irlande du Nord. Concrètement, les contrôles sont réalisés à l’arrivée à Belfast par des groupes de douaniers britanniques, mais aussi européens.

Je veux pour preuve de cette difficulté le fait que les Britanniques eux-mêmes aient demandé la prolongation de la période de « grâce » – le mot est lourd de sens – jusqu’en 2023. On sent que ce sera l’un des points difficiles de l’application de l’accord.

Je pense aussi à la législation financière. Pour l’instant, la Commission européenne a été très prudente et n’a accordé que très peu d’équivalences financières, ces certificats qui permettent à une institution britannique d’exercer et d’offrir ses services au sein de l’Union européenne. Elle restera selon moi assez ferme.

Bien évidemment, les Britanniques s’en plaignent, même si c’est moyennement douloureux pour eux. Au demeurant, je me demande s’ils ne se réjouissent pas in fine de pouvoir développer leur propre législation financière, qui serait différente de celle de l’Union européenne et évidemment plus attractive, moins sévère, moins rude.

Les questions pendantes ont été évoquées.

Pour ma part, j’aborderai le problème de la propriété intellectuelle et des indications d’origine. Si j’ai bien compris, le stock existant sera validé, mais on ignore ce qui sera décidé pour l’avenir. Or les indications d’origine sont très importantes pour la France.

En conclusion, beaucoup dépendra de la volonté de réussir à trouver un accord que le Royaume-Uni voudra bien accepter. La France doit jouer un rôle majeur et montrer sa détermination à faire fonctionner l’accord et à garder de bonnes relations avec le Royaume-Uni. C’est dans son intérêt.

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