Intervention de Jean-Noël Guérini

Réunion du 3 mars 2021 à 15h00
Accord de commerce et de coopération entre le royaume-uni et l'union européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini :

Il en est une que les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ne peuvent que souligner : celle des questions de défense, comme l’a souligné Christian Cambon, son président.

Si je regrette, ô combien, le départ de l’Union européenne de nos amis britanniques avec fracas et non sans tourments, je me rappelle que d’autres l’ont fait sans bruit, sur la pointe des pieds, sur les plaines enneigées et glacées du Groenland, en 1982.

Vous auriez raison de me dire que comparaison n’est pas raison. La France et le Royaume-Uni sont deux puissances nucléaires, ont un siège au Conseil de sécurité des Nations unies et représentent 60 % des dépenses européennes de défense et 80 % des dépenses de recherche et développement dans ce secteur.

Parler d’« incomplétudes » dans ce dossier me semble inapproprié. J’irai beaucoup plus loin, avec force et conviction.

Je mesure l’insistance de M. Barnier pour intégrer ces questions à l’accord, mais Londres, face à ses demandes, n’a pas jugé « urgent » d’inclure le volet relatif à la défense dans les discussions. C’est somme toute regrettable et loin d’être sans conséquence sur cet épineux sujet, objet de longues et complexes discussions entre la France, l’Allemagne et les vingt-cinq autres pays de l’Union européenne.

Faut-il convoquer les discours qui ont accompagné naguère l’impérieuse nécessité de construire l’Europe de la paix ? Doit-on se remémorer l’intelligence collective qu’il a fallu déployer pour la reconstruction de l’Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ?

Aujourd’hui, le rêve d’une défense européenne – je n’ose utiliser le mot « armée » – reste une chimère et laissons de côté la brigade franco-allemande, à laquelle il faudra bien un jour donner corps. Or il apparaît clairement que la France ne peut supporter seule le poids de la défense de l’Union européenne ni celui de la dissuasion nucléaire, alors que le Brexit est acté ! Surtout, que l’on ne nous oppose pas l’existence de l’OTAN et que l’on ne soutienne pas que le départ des Britanniques ne change rien, puisqu’ils refusaient de concourir pleinement à la politique de sécurité et de défense commune, alors même qu’ils l’avaient relancée par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo de 1998.

L’OTAN a été sérieusement affectée par les errements de la présidence Trump et son successeur a bien des chantiers à entreprendre pour que nous puissions espérer un retour rapide à la normale.

Or, dans ce monde où les dangers se multiplient, à l’heure où les crises régionales prospèrent et menacent les équilibres élaborés au lendemain de la chute du mur de Berlin, il ne nous est pas permis d’attendre. C’est l’une des leçons que nous devons tirer de cette « incomplétude » du Brexit. Vous aurez remarqué, monsieur le secrétaire d’État, que j’ai employé ce terme trois fois…

L’Europe des Vingt-Sept n’est pas seulement un grand marché. Elle n’a pas à se préoccuper uniquement des droits des consommateurs et de la libre concurrence. Elle a aussi une citoyenneté à bâtir et à défendre. Pour cela, s’il est indispensable d’analyser le départ du Royaume-Uni, nous devons travailler rapidement, sérieusement, concrètement à l’élaboration de cette défense européenne. Ce chantier n’est pas seulement nécessaire : il est incontournable à l’heure où le multilatéralisme doit être reconstruit. Il est vital pour que la puissance européenne ne soit pas un simple tigre de papier.

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