Intervention de Gisèle Jourda

Réunion du 3 mars 2021 à 15h00
Accord de commerce et de coopération entre le royaume-uni et l'union européenne — Débat organisé à la demande de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon court propos sera consacré aux conséquences du Brexit sur la défense européenne, sur la problématique irlandaise ainsi que sur les règles relatives au regroupement familial des demandeurs d’asile.

Monsieur le secrétaire d’État, après le Brexit, doit-on dire que la défense européenne est affaiblie ou qu’elle est libérée par exemple pour établir d’autres coopérations ?

Aujourd’hui, les dispositifs existent et la question de l’ambition de l’Europe ne tient pas tant à l’argent qu’elle attribuera au Fonds qu’à la vision de ce que doit être son autonomie stratégique, à l’heure où la puissance américaine a fait d’elle un théâtre périphérique.

Le contexte récent a permis de clarifier plusieurs points, et non des moindres.

Les années Trump auront eu le mérite d’obliger l’Union européenne à mesurer l’impérieuse nécessité d’exister sur les terrains pourtant privilégiés de la souveraineté nationale : la défense et la politique étrangère.

La crise sanitaire a tristement ouvert les yeux des Vingt-Sept quant à la nécessité d’une plus grande indépendance dans des domaines clés, comme la santé ou encore les technologies de l’avenir.

Quant au Brexit, il a privé les Vingt-Sept du paravent britannique bien utile pour cacher leurs divisions et leurs degrés d’ambition variables sur les questions de défense.

Un Conseil européen a eu lieu voilà quelques jours, offrant l’occasion d’aborder de nouveau ces questions. Qu’en a-t-il été, monsieur le secrétaire d’État ? Par-delà et au sein du restrictif bouclier otanien, les Vingt-Sept ont-ils décidé de montrer que, avec la France comme seul acteur majeur depuis le Brexit, la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne pouvait être relancée, voire renouvelée ?

J’en viens à l’Irlande. L’épisode avorté d’un retour des contrôles à la frontière irlandaise pour surveiller les exportations de vaccins en dehors de l’Union européenne a agi comme un révélateur. Michel Barnier l’a déclaré et nous sommes nombreux à partager ce constat : « L’activation de la clause article 16 était une erreur. »

N’était-ce qu’une erreur de méthode ? Le problème est bien plus profond. L’accord de retrait négocié en 2019 et dans lequel a été organisée la question de la frontière irlandaise préconisait une relation future plus étroite que ce que prévoit l’accord commercial signé au mois de décembre 2020.

Monsieur le secrétaire d’État, s’il nous faut trouver des solutions pour limiter les impacts du Brexit sur le processus de paix en Irlande, il nous faut surtout maintenir un front commun européen, une union qui nous permettra de faire face à la longue série d’épisodes à venir. Ne nous y trompons pas : il y en aura !

J’en viens au regroupement familial des demandeurs d’asile. Depuis le 1er janvier 2021, les seules options qui s’offrent aux demandeurs d’asile pour rejoindre le Royaume-Uni depuis la France, quels que soient leur âge, leur vulnérabilité ou leurs attaches outre-Manche, sont des voies irrégulières et dangereuses, tout particulièrement pour les enfants.

En effet, les dispositions du règlement communautaire dit Dublin III ont cessé de s’appliquer. Il s’agissait pourtant d’un dispositif légal et reconnu pour combattre les passeurs et les filières de criminalité organisée.

Deux mois après le Brexit et la publication de la déclaration conjointe sur l’asile, nous ne disposons d’aucune précision quant à l’agenda ou au cadre dans lequel des discussions seront engagées. Il semble qu’aucun consensus n’ait été trouvé en France, même au sein du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent que les autorités françaises clarifient leur position sur cette question et agissent au plus vite pour mettre en place un nouveau mécanisme garantissant le droit à la réunification familiale. À défaut, nous ne pouvons que redouter encore davantage de tragédies sur le littoral français. Le grand Calaisis en sait quelque chose…

Mes chers collègues, depuis 2018, les traversées sur des embarcations de fortune ont été multipliées par dix. Vous l’aurez compris, la mobilisation des autorités est vitale et essentielle, associée à la plus grande vigilance sur l’efficacité de l’accord en question.

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