En ce qui concerne la négociation, nous avons ensuite essayé de forger le cadre d’une relation future avec le Royaume-Uni : ce fut le dernier épisode – est-ce vraiment le dernier ? – à la fin du mois de décembre 2020, où furent abordés la question de la pêche et d’autres sujets de grande sensibilité.
L’accord trouvé le 24 décembre, qui doit encore être définitivement adopté, est protecteur des intérêts de l’Union européenne et de la France en particulier, conformément au mandat de notre négociateur, qui l’a tenu et que nous avons soutenu.
Cet accord de plus de 1 200 pages est protecteur de nos intérêts fondamentaux. Nous avons mis en place un système complexe qui garantit l’accès de nos bateaux aux eaux britanniques pour plus de cinq ans et six campagnes de pêche, jusqu’au 30 juin 2026. Ce système aboutit certes à une baisse progressive des quotas, et ce n’est pas une bonne nouvelle, mais nous avons su préserver l’essentiel.
Ce système doit également nous conduire à préparer « l’après ». Comme l’a souligné Michel Barnier devant votre assemblée, nous courons le risque, après juin 2026, de voir les Britanniques entrer dans un système de décision unilatérale annuelle d’accès à leurs eaux.
Mais nous avons d’autres leviers pour mener les futures négociations. Notre souhait est évidemment que l’accès aux eaux britanniques soit durablement maintenu, au-delà de ces cinq ans et demi, avec le niveau de quotas défini dans l’accord. Nous avons les moyens de défendre ces intérêts fondamentaux dans le cadre de l’accord.
Autre intérêt fondamental, le level playing field, ou les conditions de concurrence équitable, qui valent pour tous les secteurs économiques, y compris la pêche. Pour la première fois dans un accord à caractère économique et commercial, une capacité de vérification et de rétorsion a été prévue en cas de divergences sur des sujets fondamentaux – normes sociales, fiscales, alimentaires, sanitaires… Toute divergence réglementaire jugée significative peut donner lieu, de part et d’autre, à des mesures de compensation à la main de l’autre partie, sous le contrôle de différents mécanismes d’arbitrage, avec des délais encadrés.
C’est absolument fondamental pour que l’accès au marché unique accordé aux Britanniques ne se traduise pas, comme plusieurs l’ont souligné, par une stratégie de dumping, parfois appelée « Singapour sur Tamise ». Si la tentation existait, nous aurions les moyens de la contrer.
Cet accord présente aussi l’avantage d’avoir maintenu l’unité européenne. N’ayons pas, a posteriori, un romantisme du no deal. Il aurait conduit non seulement à une détérioration de notre relation avec le Royaume-Uni, que nous pouvions assumer, mais aussi à un risque de désagrégation européenne très fort. Sur de nombreux sujets comme la défense ou l’ambition climatique, nous avons durablement besoin de cette solidité européenne, que le Brexit n’a heureusement pas mise à mal.
Il importait enfin de trouver un cadre de coopération avec le Royaume-Uni. Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, nous aurons besoin de lui, notamment en matière de sécurité et de défense, dans les années à venir. La géographie est têtue, le Royaume-Uni reste notre voisin ; l’histoire est aussi têtue et le Royaume-Uni reste notre partenaire, notre allié et notre ami.