Le président de l'Irak, d'origine kurde, occupe un poste honorifique. Le pouvoir devrait être entre les mains du Premier ministre que nous soutenons, mais d'autres personnes l'accaparent de fait. La situation est très grave et si l'on ne réagit pas, les désordres dans cette région vont mettre en péril la civilisation du Levant.
S'agissant de l'épidémie de la Covid-19, nous avons été confrontés à une deuxième vague très forte, au point que 40 % des Kurdes de plus de 70 ans ont été infectés. On dénombre au total 3 500 morts au Kurdistan. La situation est désormais stabilisée, avec 150 à 200 cas de contamination par jour, de sorte que tous les commerces ont pu rouvrir.
Sur le plan économique, le gouvernement met l'accent sur l'agriculture et le tourisme, sur fond d'intensification du commerce avec la Turquie et l'Iran. Malgré ces efforts, les besoins de la population ne sont pas couverts. Les revenus pétroliers nous sont indispensables. Nous serions prêts à confier la totalité du pétrole à l'État irakien si celui-ci s'acquittait des 17 % du budget qui nous sont dus aux termes de la constitution.
L'administration du Kurdistan compte 750 000 fonctionnaires. Le premier investisseur de la région est les Émirats arabes unis, devant la Turquie, le Liban et les États-Unis. Malgré l'amitié franco-kurde et le fait que le gouvernement donne la priorité aux entreprises françaises, la présence économique de votre pays reste très limitée. C'est pourquoi nous allons organiser une conférence économique avec le MEDEF.
Sur le plan politique, un projet vise à constituer une liste commune de tous les partis kurdes pour les prochaines élections irakiennes. Elles auraient dû être organisées en juin, mais ont été repoussées en octobre par la commission électorale, avant sans doute un nouveau report en 2022, tellement l'accumulation des crises, dont la crise sanitaire qui sévit particulièrement au sud de l'Irak, rend impossible l'organisation d'un tel scrutin.
Le Kurdistan irakien entretient de bonnes relations avec ses voisins turcs et iraniens. Nous n'avons pas d'autre choix que de vivre en bonne intelligence, dans le respect des droits et des valeurs de chacun. Nous avons d'ailleurs demandé à tous les partis kurdes des pays voisins de négocier pacifiquement le respect des droits des Kurdes avec le gouvernement de leur pays, sachant que l'on compte quelque 80 députés kurdes au parlement turc.
Le Kurdistan a sans doute la presse la plus pluraliste du Moyen-Orient, avec une centaine de chaînes satellites et bon nombre de journaux et de radios qui expriment des points de vue critiques à l'égard du gouvernement sans aucunes représailles. J'ai déjà expliqué pourquoi certains faux journalistes à la solde de services secrets étrangers ont été arrêtés et jugés pour avoir fomenté des actions violentes.
La campagne de déminage se poursuit, mais la tâche est immense, car de très nombreuses mines ont été posées à la frontière avec l'Iran et la Turquie, notamment par Daesh et souvent dans les villes et les villages. À mon sens, le déminage du Kurdistan prendra encore une vingtaine d'années.
Nous aimerions que les réfugiés retournent dans leur pays d'origine, à commencer par les 700 000 Chiites qui stationnent dans nos villes et dans les camps. Nous voulions fermer certains camps à la fin 2020, pensant que l'accord de Sinjar permettrait des retours dans leurs régions d'origine, mais la situation sécuritaire y est encore si dégradée que les réfugiés préfèrent rester sur notre territoire, ce qui représente un coût très important pour nos finances. Cette situation m'amène à demander à la commission des affaires étrangères du Sénat à faire pression sur le gouvernement irakien pour qu'il applique l'accord de Sinjar.