N'allez pas voir dans mon propos autre chose que des paroles constructives, monsieur le ministre, et entendez la colère de moins en moins sourde qui anime le sénateur de l'Essonne que je suis.
Parcourons la chronologie.
Le 4 septembre 2020, lors du discours prononcé à l'occasion du 150e anniversaire de la République, Emmanuel Macron dit des choses très précises, extrêmement sensées et très importantes.
Le 2 octobre, le Président de la République, toujours lui, prononce aux Mureaux un discours sur la lutte contre le « séparatisme », qui revient dans notre vocabulaire.
Le 16 octobre, c'est le drame absolu, avec la décapitation de Samuel Paty.
S'ensuit un hommage national, le 21 octobre, en Sorbonne.
Le 9 décembre, le projet de loi est présenté en conseil des ministres. On n'y parle plus de « séparatisme », heureusement, mais de « conforter le respect des principes de la République ».
Albert Camus disait : « mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » Je suis frappé de l'erreur profonde, gravissime, parfois délibérée, commise par certains : il y a une différence fondamentale entre les valeurs de la République et les principes de la République. Vous-même, monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure commis cette erreur : vous avez parlé d'équipes « valeurs de la République ». Non ! La laïcité n'a jamais été une valeur de la République ; c'est un principe républicain - c'est la Constitution de 1958 qui nous le dit : la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Le 4 septembre dernier, le Président de la République a affirmé le principe, en plaçant la laïcité sous le chef de la liberté.
Or, cette loi d'émotion cible un groupe sans le nommer, et se donne même quelques alibis pour ne pas le nommer ; j'ai du mal à l'accepter comme parlementaire, comme Français, ayant en héritage cette République que nous aimons tant.
L'olympisme et la laïcité sont liés, ils ont été forgés dans le pays des Lumières et ce n'est pas un hasard si Pierre de Coubertin était un Français... Aujourd'hui, l'olympisme est attaqué par les mêmes qui attaquent la laïcité, ceux qui demandent que les footballeuses soient voilées, et qui veulent la fin de la République.
Albert Camus a dit que tout ce qu'il savait de la morale, c'est au football qu'il le devait. Pensez-vous que les contrats d'engagement républicain que vous allez demander aux clubs sportifs, vont empêcher les prières islamistes dans les couloirs des vestiaires de foot, qui sont des lieux publics ? Pensez-vous que les fédérations vont avoir les moyens de demander aux clubs de mettre fin à ces pratiques ? Comment empêcher des gestes sans équivoque, comme celui de se signer en entrant sur un stade, ou de prier dans les enceintes sportives ?
Je sais qu'au fond vous ne méconnaissez pas ces problèmes, car vous aimez la République - mais il faut bien faire comprendre à tous que la cible de ces pratiques, c'est la République elle-même, ou bien on risque de s'en apercevoir quand il sera trop tard.