Intervention de Alain Fischer

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 mars 2021 à 10h30
Audition de M. Alain Fischer professeur d'immunologie pédiatrique et président du conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale

Alain Fischer, coordonnateur de la stratégie vaccinale contre la pandémie de covid-19 :

Les médecins peuvent vacciner depuis une huitaine de jours. Ils ont, pour 40 000 d'entre eux - médecins généralistes -, soit environ les deux tiers, commandé des vaccins. Parmi ceux de nos concitoyens qui ont un médecin traitant, un tiers a donc un médecin traitant qui ne vaccine pas aujourd'hui, c'est un problème qui j'espère se résoudra par une plus grande implication des médecins dans la vaccination et par le développement de la vaccination en pharmacie.

En effet, le nombre de flacons disponibles était initialement limité. Néanmoins, et c'est l'une des difficultés qui expliquent l'incompréhension et les maladresses de communication auxquelles on a assisté en début de semaine, il y avait lundi 400 000 doses du vaccin d'AstraZeneca qui se situaient quelque part entre les médecins et les pharmaciens et qui n'ont pas été utilisées alors qu'en principe elles auraient dû l'être. D'un côté, un certain nombre de médecins généralistes ont joué le jeu à fond : ils se sont engagés, ont passé commande et ont organisé leurs rendez-vous, mais se sont retrouvés transitoirement en difficulté, en l'absence de dose, pour vacciner. De l'autre, des médecins qui se sont pourtant engagés à vacciner n'ont pas vacciné beaucoup. En résulte une situation déséquilibrée avec, d'un côté, une accumulation de doses non utilisées, et, de l'autre, une frustration chez des médecins qui n'arrivent pas à vacciner.

Il faut toutefois relativiser : dès la fin de cette semaine, les médecins vont pouvoir recommander des doses. Mais l'engagement des médecins dans cette campagne doit aussi s'intensifier. La vaccination par les pharmaciens sera un complément utile avec, je l'espère, une bonne entente locale avec les médecins : les deux circuits de vaccination doivent pouvoir fonctionner de façon complémentaire.

La surveillance immédiatement après l'injection des personnes qui se voient administrer le vaccin d'AstraZeneca n'est pas nécessaire. Le risque de choc anaphylactique concerne les vaccins à ARN, il est infiniment plus faible pour le vaccin d'AstraZeneca. Il n'est donc pas nécessaire pour un médecin ou un pharmacien de maintenir à proximité la personne un quart d'heure après l'injection. C'est un élément de simplification de la vaccination.

Globalement, compte tenu des doses commandées et à venir, les médecins généralistes devraient disposer d'1,6 million de doses pour vacciner.

Si l'on décide de vacciner plus rapidement les étudiants, on vaccinera mécaniquement moins les personnes âgées et malades. Même si nous avons tous envie d'un retour à la normale aussi rapide que possible, il paraît décemment difficile de priver de vaccination des personnes présentant un risque accru d'hospitalisation. La France a fait le choix de privilégier les personnes fragiles, il semble délicat de remettre en question cette priorisation. Les étudiants devraient commencer à pouvoir être vaccinés à partir du mois de juin.

À ma connaissance, il n'est pas possible d'acheter des vaccins complémentaires en plus de ceux commandés via les achats groupés européens. Seuls quelques pays de l'Est s'y sont aventurés, comme la Hongrie et la Pologne qui ont commandé des doses du vaccin russe. La France, tout comme l'immense majorité des pays européens et l'Allemagne elle-même, joue le jeu de la commande européenne groupée de vaccins qui ont reçu l'autorisation de l'agence européenne du médicament. Rapporté au nombre d'habitants, le taux de vaccination de l'Allemagne est quasiment le même que celui de la France.

Il n'existe pas de limite d'âge pour l'administration du vaccin d'AstraZeneca. Il est donc tout à fait légitime de proposer ce vaccin à une personne de plus de 80 ans qui n'arrive pas à obtenir un rendez-vous dans un centre. Des études conduites en Écosse et en Angleterre démontrent un niveau d'efficacité de ce vaccin équivalent à celui de Pfizer.

Au 7 février, 34 % des professionnels de santé hors établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ont été vaccinés et cette proportion s'établit à 46 % pour les professionnels de santé en Ehpad. On assiste à un frémissement positif ces derniers jours dans le sens d'un rattrapage de la vaccination des professionnels de santé. Localement, les messages des différents ordres de professionnels de santé visant à inciter leurs collègues à se faire vacciner commencent à porter leurs fruits.

Selon moi, il reste encore de la place pour plus de pédagogie et de concertation avec tous les professionnels de santé afin de développer cette vaccination, en s'appuyant sur leurs collègues, notamment au travers de leurs ordres et syndicats, comme on l'a vu avec les infirmiers. Néanmoins, si ce travail s'avère insuffisant d'ici quinze jours, je pense que la notion d'obligation vaccinale se discute. Les professionnels de santé font déjà l'objet d'une obligation de vaccination contre l'hépatite B, il y a donc bien un précédent. Le sujet pourra être évoqué pour que les soignants se protègent eux-mêmes et entre eux, évitent au maximum les infections nosocomiales et se montrent exemplaires à l'égard de la population. L'obligation vaccinale est le dernier recours et vous auriez à en débattre.

La modulation de la vaccination en fonction de l'incidence de l'épidémie dans certains territoires peut s'envisager, sur le plan quantitatif comme qualitatif. À Dunkerque ou dans les Alpes-Maritimes, des doses supplémentaires ont ainsi été livrées, quand, en Moselle, le vaccin de Pfizer a été privilégié contre le variant sud-africain - dont on sait qu'il est plus problématique en termes d'échappement à l'immunité naturelle - prédominant sur ce territoire et dès lors que nous ne disposons pas de suffisamment d'informations sur l'efficacité du vaccin d'AstraZeneca contre ce variant. On peut donc concevoir une modulation de la délivrance des vaccins selon les spécificités de la circulation du virus dans le territoire. Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'il existe un délai d'acquisition de l'immunité - de 12 à 14 jours pour les vaccins à ARN et de 18 à 21 jours pour les vaccins à adénovirus - pour lequel la vaccination ne soulage pas la situation.

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