Intervention de Alain Fischer

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 mars 2021 à 10h30
Audition de M. Alain Fischer professeur d'immunologie pédiatrique et président du conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale

Alain Fischer, coordonnateur de la stratégie vaccinale contre la pandémie de covid-19 :

La vaccination est bien sûr un élément majeur pour sortir du tunnel, même si elle n'est pas le seul. Nous verrons bien combien de doses pourront être administrées d'ici cet été mais les commandes effectuées font que nous pourrons vacciner rapidement, pourvu que nos concitoyens en soient d'accord. Ce point reste une préoccupation car je vous rappelle que la réticence vaccinale concerne 30 % à 40 % de la population, avec une prédominance chez les jeunes générations.

Certains pays comme la Hongrie se procurent des vaccins ailleurs en parallèle des commandes groupées de l'Union mais je ne recommande pas de procéder ainsi, pour la sécurité de nos concitoyens. Les autres pays de l'Union européenne restent dans le cadre des commandes mutualisées et il faut avoir en tête qu'il y a une tension mondiale sur l'approvisionnement. À l'échelle mondiale, le nombre de doses administrées équivaut à 4 % de la population et il est à zéro dans certains pays. De façon étonnante certains pays aisés comme l'Australie et le Japon, n'ont pas commencé à vacciner. C'est également le cas de toute l'Afrique qui n'a pratiquement pas vacciné. Il y a des tensions sur les produits nécessaires à la fabrication et au conditionnement des vaccins, notamment sur les flacons et le verre. Il me semble donc compliqué de faire mieux dans les conditions actuelles.

Concernant le sujet de la transmission du virus, j'ai fort espoir que la vaccination prévienne la transmission, je n'ai pas dit l'inverse. Je fais preuve d'un optimisme prudent compte tenu des données aujourd'hui disponibles.

Sur les thérapeutiques, au-delà des médicaments tels que les corticoïdes et les anticoagulants qui permettent de diminuer la mortalité des cas graves, il y a potentiellement un intérêt à administrer des anticorps monoclonaux, qui agissent directement sur le virus. Pour faire effet, ils doivent toutefois être administrés assez tôt, ce qui laisse une fenêtre de tir assez étroite. C'est également le cas pour les interférons qui ont un effet à un stade précoce, en administration par voie respiratoire ou par injection.

Enfin, plusieurs molécules antivirales sont en cours de test à travers le monde mais aucune n'a été validée à ce jour. On peut espérer en voir émerger prochainement et mieux vaut que plusieurs d'entre elles présentent un intérêt thérapeutique car si nous n'en trouvons qu'une seule, le virus risque d'y être assez vite résistant.

Le vaccin de Pfizer garde probablement une assez bonne efficacité contre le variant sud-africain mais nous n'avons pas encore de données précises. Son utilisation est donc tout à fait justifiée. Il faut dire qu'à ce stade aucune étude n'a établi qu'il y avait une résistance au vaccin, quel qu'il soit, il faut donc être positif.

Pour répondre à Mme Cohen, il y a eu des maladresses mais je ne suis pas tout à fait d'accord sur le fait qu'on aurait bouleversé le programme de vaccination des médecins. Il y a encore des progrès faire. La livraison des vaccins d'AstraZeneca est très irrégulière. La reprise de la vaccination par les médecins devrait pouvoir se faire grâce aux livraisons de la semaine prochaine qui seront plus importantes.

Il ne faut pas jeter l'opprobre sur les professionnels de santé et il n'y a pas de contradiction entre le fait de les applaudir et de les inciter à se faire vacciner, cela fait partie de la même conscience professionnelle. On sait qu'il y a eu beaucoup d'infections nosocomiales, il y a des cas documentés de professionnels de santé qui ont contaminé leurs malades. Je crois en leur conscience professionnelle et j'espère que nous n'aurons pas besoin d'aller jusqu'à une obligation vaccinale.

Concernant le passeport sanitaire, les résidents d'Ehpad qui sont vaccinés sont déjà autorisés à sortir, c'est une première traduction de ce principe. Ensuite, pour l'accès à des lieux tels que les restaurants, la faisabilité est incertaine.

Si l'on effectue la vaccination de certaines professions en priorité on peut bien sûr penser aux enseignants mais il faudrait aussi penser au personnel de sécurité ou de nettoyage par exemple. Aujourd'hui les personnes à risque, dont les enseignants à risque, sont prioritaires et, par la suite, il faudra vacciner massivement mais l'approche par profession est compliquée et aucun pays n'a adopté ce mode de priorisation. Les auxiliaires de vie et aides à domicile sont tout à fait légitimes à se faire vacciner et s'il y a des difficultés, elles sont locales et il faut les faire remonter car on doit pouvoir les résoudre.

Le ministère de la santé devrait pouvoir vous fournir un tableau recensant toutes les informations telles que je les ai indiquées tout à l'heure, il n'y a pas de raison que vous n'ayez pas ces informations.

Concernant les inégalités de répartition, il n'y en a pas trop en principe car la répartition se fait en fonction du nombre de personnes éligibles, selon les critères définis, par région et par département. Les ARS font ensuite des adaptations pour résoudre d'éventuelles difficultés.

Je partage votre cri du coeur, Mme Apourceau-Poly, et je vous rejoins sur l'impératif de confiner et vacciner. Je ne suis pas certain que les vaccins venaient d'un fond de tiroir. Pour le vaccin de Pfizer, il n'est pas possible que les médecins l'administrent compte tenu de ses conditions de conservation. C'est pourquoi il n'est administré qu'en centres de vaccination et il faut poursuivre cette campagne, au moyen d'une grande mobilisation pour que les choses se passent au mieux.

Monsieur Savary, la territorialisation se serait faite au détriment d'autres territoires si elle avait été mise en place en janvier et en février mais aujourd'hui, compte tenu des volumes qui nous sont livrés, ce n'est pas le cas. Le nombre de doses qui nous arrivent nous donne une certaine marge de manoeuvre. Le taux de vaccinés à l'échelle du Grand Est est un peu supérieur à celui de la Marne, dont je n'avais pas le chiffre en particulier. Je suis d'accord avec vous sur les consignes et sur le fait qu'il faut laisser les acteurs de terrain s'organiser.

Le séquençage du virus intervient après le criblage, il faut procéder en deux temps. Le processus fonctionne bien maintenant et il permet à Santé Publique France d'avoir des données assez précises sur la circulation des variants.

S'agissant des perspectives sur les futurs vaccins disponibles, celui du laboratoire Janssen, autorisé aux États-Unis, devrait l'être très prochainement dans l'Union européenne. Le nombre de doses de ce vaccin qui nous seront livrées est encore flou car il devrait être livré en priorité au territoire nord-américain. Des négociations sont en cours. Ensuite, le vaccin de CureVac a pris un peu de retard et son utilisation est envisagée à compter du mois de juillet. C'est également le cas du vaccin de Novavax qui devrait être disponible au début de l'été.

Enfin, la variant britannique n'entraine pas, à ma connaissance, de symptômes différents de ceux que l'on connait. On sait qu'il est plus contagieux sans être plus sévère, ce qui contribue à accroitre la tension hospitalière.

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