Intervention de Patrick Weil

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 mars 2021 à 17h40
Projet de loi confortant le respect des principes de la république -Audition de M. Patrick Weil historien et directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique et Mme Valentine Zuber historienne et directrice d'études à l'école pratique des hautes études

Patrick Weil, historien et directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique :

S'agissant de l'article 19 modifié, la crainte obsessionnelle du Vatican en 1905 était que le système des associations cultuelles, qui sont des associations avec membres, élections, autogestion, soit totalement contradictoire avec l'organisation hiérarchique de l'Église. Après la Première Guerre mondiale, le Conseil d'État a jugé le texte conforme à la loi de 1905. Mais que se passe-t-il dans le cas contraire ? S'agissant de l'organe délibératif, qui n'était pas prévu, il faut savoir qu'il n'y a pas d'organe délibératif dans l'Église catholique. C'est un problème. On va d'ailleurs entrer dans un débat glissant : l'accord de 1923-1924 est-il un accord international ou un échange de courriers ?

Je ne comprends pas l'intérêt de cette disposition. Quel est l'objectif ? Le culte musulman n'a, en effet, rien à voir avec l'organisation du culte catholique et n'importe quel musulman peut être ministre du culte. Ce projet de loi va faire l'objet d'énormes contentieux si l'impression est donnée d'une différence de traitement entre les cultes. Il y a donc quelque chose à vérifier auprès des juristes.

Sur l'islam, la loi comporte des dispositions qui ne sont pas appliquées depuis vingt ans. S'agissant de la suppression de l'article 35 par l'Assemblée nationale, permettez-moi de vous lire ce qu'écrit Aristide Briand dans son rapport sur la justification d'une pénalité spéciale : « De telles dispositions n'ont rien d'antilibéral, elles ne peuvent atteindre les ministres du culte exclusivement soucieux de leur oeuvre religieuse. Elles étaient indispensables, car ici, le droit commun restait insuffisant. Il était impossible de traiter sur le pied de l'égalité, quand il s'agit de l'exercice du droit de la parole, le prêtre dans sa chaire et le simple citoyen dans une tribune de réunion publique. Le délit commis par celui-ci, qu'il s'agisse d'outrages, de diffamation envers les personnes ou d'excitation à la violence, n'est en rien comparable, comme gravité, au délit commis par un ministre des cultes en pareil cas. Le lieu, les circonstances du délit, l'autorité morale de celui qui la commet, sont des éléments dont il est impossible de ne pas tenir compte. Aucune assimilation n'est à faire entre la portée, les conséquences d'un discours de réunion publique devant un auditoire averti, où toutes les opinions sont le plus souvent en présence, où l'on est habitué à faire la part des exagérations, où la contradiction, toujours possible, offre toutes garanties de mise au point, et celles d'un sermon prononcé par un ministre du culte devant des auditeurs livrés inertes et sans défense par la croyance ou la superstition aux suggestions d'une parole qui tient sa force des siècles et n'a jamais été affaiblie par la controverse ». Je ne comprends donc pas : vous dites que vous avez besoin de moyens : ils sont dans la loi de 1905 et, après avoir été oubliés et retrouvés, ils sont supprimés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion