Intervention de Esther Benbassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 mars 2021 à 8h30
Proposition de loi relative à la sécurité globale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Je remercie MM. les rapporteurs, qui ont effectué un travail très précis.

Avec ce texte, nous entrons dans un cycle de lois sécuritaires. Il faut protéger les policiers, qui ont une tâche difficile, mais aussi les citoyennes et citoyens. La liste des victimes avérées ou supposées des bavures policières est longue. Elle témoigne de violences disproportionnées de la part des forces de l'ordre. Les enquêtes internes de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), ne font qu'accroître les difficultés, les familles des victimes se heurtant à l'impossibilité d'identifier les policiers mis en cause. Selon moi, la réforme de l'IGPN tarde à venir.

L'article 24 reste très problématique, y compris après sa réécriture par le Sénat, puisqu'il risque de renforcer un sentiment d'impunité chez les forces de l'ordre. On retrouve en outre des dispositions similaires à l'article 18 du projet de loi contre le séparatisme.

Par ailleurs, un certain nombre de dispositions sont liberticides, avec une augmentation importante des dispositifs de surveillance dans l'espace public. Des rapporteurs de l'ONU ont signalé le risque d'atteintes importantes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. La CNIL, dans son avis sur cette proposition de loi, enjoint d'ailleurs au Gouvernement de limiter strictement les finalités pour lesquelles les dispositifs de vidéosurveillance peuvent être appliqués, en pointant du doigt l'incohérence juridique dans ce domaine.

S'agissant des dispositions relatives à la police municipale, certains éléments, utiles, pourraient permettre de remplacer la police de proximité disparue sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Grâce aux technologies de reconnaissance faciale, la loi permettra la collecte d'un grand nombre d'images de personnes circulant dans l'espace public, d'autant que le Livre blanc de la sécurité, publié en octobre 2020, plaide en faveur de l'utilisation de ces outils.

Le droit de manifester, qui relève des libertés fondamentales, ne doit souffrir d'aucun compromis, même si les restrictions liées à la pandémie ou au terrorisme nous ont conduits à l'encadrer. Les mesures de ce texte affaiblissent notre démocratie, en limitant encore davantage les manifestations. Il faut repenser d'urgence le maintien de l'ordre, rétablir le dialogue entre la police et les citoyens et combattre les interpellations arbitraires, plutôt que de renforcer la protection et le pouvoir des forces de l'ordre et des services de sécurité privée.

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